Litige foncier à Ouagadougou : La parcelle de la discorde à Yamtenga
Le lundi 28 février 2022, nous avons été alertés par une situation dans l’arrondissement 11 de Ouagadougou. Il s’agit d’un élan de solidarité à l’endroit d’une famille dont on vient de démolir l’habitation par l’intermédiaire d’un huissier de justice et de la Gendarmerie. Les voisins et les amis ont décidé d’aider la famille à reconstruire sa maison. Suivez l’histoire d’une parcelle avec un occupant physique sans détention de document officiel et un attributaire qui ne peut pas jouir de son bien bien acquis…
Le 28 février 2022, dans le quartier Yamtenga de l’arrondissement 11 de Ouagadougou, des gens se sont mobilisés pour la reconstruction d’une maison détruite. A vue d’œil, la concession présentait les signes d’un passage « d’un séisme ».
Armés de pioches, de barre à mine, de burin, de pelle, de taloche, de truelle, un groupe d’une vingtaine de personnes est en train de reconstruire une maison sur le site des débris. Dans l’optique de bien comprendre la situation, nous nous approchons des ouvriers pour la circonstance, avec à leur tête un présumé propriétaire de la cour.
Perturbé et ne savant pas comment se comporter devant un journaliste, il invite ses voisins, ses amis à l’assister au cours de l’interview afin d’être des témoins. L’entretien se déroule comme une discussion sous un arbre à palabre. La première question consiste à comprendre ce qui se passe.
Jean Paul Lalsaga, la quarantaine bien sonnée, est l’occupant de la maison sinistrée. Il prend son souffle et prend un sachet d’eau d’abord. Et il commence à raconter son histoire. « Je suis venu ici quand c’était la brousse. J’ai payé mon non loti à 35 000 F en 1998. J’ai construit ma maison de 16 tôles et j’ai habité en même temps », explique-t-il.
Il poursuit qu’en 2003, la mairie de Bogodogo a engagé une procédure de lotissement dans la zone. Après l’étape de la délimitation, du recensement et l’attribution des terrains, le processus a été stoppé avec la mutinerie de 2011.
…la commission Ad Hoc a appelé mon nom dans ma cour.
« A la suite du recensement, la commission Ad Hoc a appelé mon nom dans ma cour. Ma maison se situe entre quatre bornes. En ce temps, on ne m’a pas donné de document pour me permettre de payer à la marie. Ensuite, je suis allé à la mairie pour rentrer en possession de mes documents et cela a coïncidé avec l’arrêt de l’opération de lotissement et la fermeture des guichets », relate Jean Paul Lalsaga.
Il détient une copie du reçu de paiement de 1000 francs CFA pour la contribution à la commission Ad Hoc sans aucune autre précision. Il a continué d’occuper la maison. De célibataire, il est maintenant un chef de famille. Mais l’histoire sera bouleversée par l’apparition d’un homme.
« Un jour, en 2016, un homme est venu me dire qu’il est l’attributaire de cette parcelle et qu’il compte la vendre. L’intéressé m’a convoqué à la mairie de l’arrondissement 11 sous prétexte qu’il a son terrain et moi j’ai construit et j’habite avec ma famille. Et qu’il veut vendre sa parcelle et que je ne suis pas d’accord. A la mairie, il n’a pas eu gain de cause car le processus du lotissement a été stoppé », relève-t-il.
Jean Paul Lalsaga indique que la suspension du processus de lotissement de 2011 est toujours en vigueur. Il se pose des questions sur comment le monsieur a pu obtenir des papiers.
Egalement, en 2019 Jean Paul Lalsaga est de nouveau convoqué en justice concernant le même litige foncier. Il précise qu’après les auditions un huissier s’est déplacé dans sa maison en lui remettant un document l’ordonnant de libérer la cour dans un délai de 8 jours.
« Le 9e jour qui a suivi, l’huissier m’a appelé pour savoir si j’avais libéré la cour. Je lui ai répondu que je ne sais pas où aller et ici c’est ma maison », exprime-t-il.
En 2021, Jean Paul Lalsaga est convoqué à la Gendarmerie de Bogodogo pour être entendu de nouveau sur la même affaire. Sur place, un huissier à la retraite affirme avoir pris le dossier en main pour permettre à Winé Edouard Waré de rentrer dans ses droits.
On veut me faire la force.
« A la Gendarmerie, un huissier à la retraite m’informe que désormais c’est lui qui détient le dossier. Il promet de tout faire pour permettre au monsieur de rentrer dans ses droits. Après 3 semaines, ils sont venus avec un détachement de la Gendarmerie le jeudi 24 février 2022. Les gendarmes ont mis mes bagages dehors.
Certains étaient cagoulés. Les gens pensaient que c’était pour débusquer une base terroriste dans la zone. Ils ont quadrillé le quartier et filtré les entrées et les sorties. Ils ont démoli ma maison de 16 tôles. Ma femme, mes enfants et mes voisins ont observé cette scène macabre. Ma femme avait même décidé de dormir dans les décombres de la maison en attendant qu’une probable solution soit trouvée », a-t-il décrit.
Par solidarité, les voisins ont accueilli la famille sinistrée. Le 28 février 2022, les voisins et les riverains ont décidé d’aider la famille Lalsaga à reconstruire la maison. « La population souffre, l’hébergement est une priorité. Je ne sais plus à quel saint me vouer. On veut me faire la force », déplore Jean Paul Lalasaga.
Le 14 mars 2022, nous avons entrepris de rencontrer l’autre partie, c’est-à-dire Winé Edouard Waré. Il nous a donné rendez-vous dans son lieu de commerce de quincaillerie au marché « Worssi ». A son tour, il relate les faits concernant « sa » parcelle et l’occupant avec une voix à peine audible.
Il a construit sur ma parcelle
« C’est depuis Sankara que j’ai payé mon non loti à 15 000 F. Dans le cadre du lotissement en 2011, ma maison a été déclarée positionnée sur une route secondaire. J’étais au bord d’une grande voie. Ainsi, la commission d’attribution m’a donné un autre terrain. J’ai tous mes papiers à jour.
Du reçu de paiement de la contribution avec la mention Résident Réel (RR), le plan cadastral à l’attestation d’attribution de parcelle. Je ne peux pas avoir le Permis urbain d’habiter (PUH) parce que Monsieur Lalsaga habite là-bas. Il a construit sur ma parcelle. Entre temps, j’ai entrepris de construire sur mon terrain mais il a refusé. Il me refuse même l’accès », souligne-t-il.
Pour élucider la situation, il a convoqué monsieur Lalsaga à la mairie et qu’on lui a recommandé de prendre le chemin de la justice. « En justice, on nous demande de présenter nos documents. J’ai présenté mes documents et il a présenté juste une copie du reçu de contribution de recensement. Quand on m’attribuait la parcelle, personne habitait là-bas », affirme Winé Edouard Waré.
Sur la base de l’Attestation d’attribution N°342 du 15 avril 2020 de la parcelle 23 lot 6 section 448 dans l’arrondissement 11 de Ouagadougou, la justice a ordonné la destruction des investissements au profit de Winé Edouard Waré.
Il nous conduit dans son domicile et fait sortir un gros sachet bleu contenant plusieurs papiers. Selon l’ordonnance de référé N°141-2 du 24 septembre 2020 du Tribunal de grande instance de Ouagadougou à ordonner la destruction des investissements sur la parcelle et condamne Jean Paul Lalsaga aux dépens.
Mais avec le reçu de 1000 F, on ne peut pas payer
« Le reçu de paiement de 1000 F pour la contribution à la commission ne donne pas droit à une parcelle. C’est sur ce reçu que la commission mentionne ta situation de résidence. C’est-à-dire que c’est sur le document que l’on précise si tu es Résident Réel (RR), propriétaire non résident (PNR), nouvelle construction habitée (NCH), avant d’aller payer.
Mais avec le reçu de 1000 F, on ne peut pas payer. C’est en fonction de la résidence que l’on te facture soit 50 000F ou 100 000F. Je connais beaucoup de gens qui ont construit (RR) et qui ont payé les 1000 F mais ils n’ont pas eu de parcelle. Ces personnes ont libéré les lieux et sont allées au quartier Dji-Kôfè. Mais lui (Jean Paul Lalsaga), il n’a qu’un reçu de recensement. Sur mon reçu de recensement, c’est écrit RR avec le cachet », note-il.
Comme solution palliative, Winé Edouard Waré affirme avoir fait des propositions à Jean Paul Lalsaga. Une somme de 200 000F ensuite 500 000 Fcfa et même de payer un non loti et construire n’a pas rencontré l’assentiment du sieur Lalsaga qui tient mordicus à « son » terrain.
« Je ne sais pas ce que je vais dire. Il n’a pas de papier et il veut le terrain forcement. Il ne considère pas la justice. C’est la mairie qui a fait son travail. Même mon grand frère a construit 20 tôles et payer le reçu de recensement à 1000 F mais il n’a pas été attributaire. Il (Lalsaga) n’est le seul à ne pas avoir de parcelle ; ses voisins n’ont pas eu ici et ils sont à Dji-Kôfè », note-t-il.
Jean Paul Lalsaga est convaincu que c’est sa parcelle même s’il n’a pas de document et Winé Edouard Waré est persuadé qu’il est l’attributaire légal et légitime du terrain.
Le cas de cette parcelle est une illustration de plusieurs litiges fonciers au Burkina Faso.
Jules César KABORE
Burkina 24
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