Ici Au Faso : Le « Godo » de Koin défie fractures et entorses de « toute ampleur »

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Les rebouteurs de Koin ont certainement fait écho hors des frontières du Burkina Faso avec un produit dont la perspicacité défie des conclusions de la médecine moderne. Le « Godo », en langue San, est le nom de ce produit miracle qui guérit les fractures et entorses de « toute ampleur » dans un temps réduit. Une équipe de Burkina 24 a consacré une demi-journée à la découverte de ce produit. 

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Koin est un village du département et de la commune urbaine de Toma, situé dans la province du Nayala et dans la région de la Boucle du Mouhoun, au Burkina Faso. Un produit traditionnel contre les fractures et entorses y fait échos. Le « Godo », l’appelle-t-on. Des dires, il défie certaines conclusions de la médecine moderne.

Il est 13 heures précises, nous sommes, sous le guide d’un hôte, conduits avec facilité dans la loge du « Godo » où nous retrouvons Urbain Ki et son fils Julien, tous deux des rebouteurs.

Ce que nous savons avant d’entamer la discussion avec nos interlocuteurs, c’est que « le Godo », aussi surnommé « la bonne terre », est constitué uniquement de terre. Mais de quelle terre s’agit-il? Est-elle si spéciale ? Nous nous interrogeons également.

Le Godo dans la main d’une fillette

« On est né trouver. C’est l’histoire de deux coépouses qui a emmené la découverte du produit. Les deux femmes pilaient le mil et l’une a cassé le pilon de l’autre. La propriétaire du pilon dit à l’autre d’emmener son pilon et qu’elle ne veut pas un autre pilon en remplacement.

L’autre donc s’est plaint aller dans la forêt. C’est de là que les génies ont pris le pilon mettre le produit et ça a repris sa forme d’avant. Ils lui ont dit de soulever frapper contre la terre; elle l’a fait et le pilon est resté soudé », content-ils.

« Le produit ne doit pas toucher la terre »

A écouter les rebouteurs, l’origine de la « bonne terre » relève du surnaturel. Son usage s’adjoint à des codes et secrets dont la famille Ki s’évertue à protéger et à perpétuer. « C’est exclusivement réservé aux humains, on ne doit pas l’utiliser pour soigner un animal.

Le sel et l’huile ne doivent pas toucher le produit. Le produit ne doit pas toucher la terre, même si quelqu’un vient prendre et en cours de route ça tombe, il ne peut pas le retrouver. Le reste du produit ne reste pas dehors. Si quelqu’un vient prendre et que sa fracture finit, il doit ramener le reste du produit », énumère Urbain Ki en introduction.

Urbain KI, rebouteur

Le produit provient d’une forêt qui a pu subsister au temps. Protégé, la famille Ki accomplit les rites liés à cet héritage familial. Une dizaine de minutes que nous échangeons avec Ki et voilà qu’une moto, avec deux jeunes, stationne à quelques mètres de nous.

Une fois à notre niveau, et après les civilités, l’un d’eux fait savoir : « Nous sommes de Gouin (22 kilomètres de Koin). On est venus chercher le Godo pour ma grande sœur qui a eu un accident en Côte d’Ivoire et elle a été ramenée au village pour les soins ».

Sans tergiverser, le vieux donne des indications à une fillette qui, en un court instant, revient avec une boule de terre mouillée dans la main. Elle l’introduit dans un sachet noir et remet le tout aux deux jeunes. Très rapidement, Urbain Ki explique les conditions d’usage et les interdits du produit.

D’un geste de main, une pièce de 500 F CFA est remise au  »vieux ». Ce que nous notons d’emblée, c’est que la consultation et la remise du produit, se fiant à notre montre, n’a duré qu’au maximum 10 minutes.

Nous reprenons la conversation, juste après le départ des jeunes. Et pas plus de 15 minutes, le bruit d’une autre moto s’éteint derrière nous. Quand nous jetons le regard dans leur direction, trois personnes dont un garçonnet, la dizaine d’âge environ, se tord de douleur.

Brasé de Moussa Paré

Son bras déformé et enflé ainsi que les larmes asséchées sur les joues sont des signes assez descriptifs de cette douleur. « Il est victime d’un incident de moto », apprend-on de ses accompagnants, qui expliquent également les circonstances de l’incident: « Ils étaient allés pour décharger des oignons avec son grand frère et le tricycle s’est renversé avec eux ».

L’un des accompagnants, qui est le père de l’enfant, fait aussi savoir qu’ils arrivent de toute urgence  de Tiouma, un village du département de Kougny.

« Nous connaissons ce médicament depuis belle lurette et nous avons été témoins de ses guérisons. Voilà pourquoi nous avons choisi de venir ici directement pour soigner la fracture avant d’aller à l’hôpital pour chercher des produits contre les égratignures et la douleur », confie Drissa Paré.

En témoin oculaire du traitement du garçonnet, nous assistons également les oreilles grandement ouvertes. « Il faut m’apporter de l’eau chaude ; Je dois remettre les os en place », marmotte le vieux en plein constat du malade. Si l’exercice semble facile pour le vieux rebouteur, c’est « un mal de chien » pour le petit.

« 5 francs symbolique »

Les membres de la famille participent au traitement. Les plus petits suivent la scène avec attention, sont-ils en stage ? Peut-être oui. C’est une scène de vive douleur. Le rebouteur n’utilise pas d’anesthésie. C’est une quinzaine de minutes qu’il dédie au traitement. Détail de la scène dans l’élément vidéo.

Le « vieux » Ki, occupé à soigner l’adolescent, nous nous tournons vers Julien Ki pour tenter de cerner le mystère qui entoure le « Godo ». « Là où on part prendre la terre est mystique. On ne peut pas dévoiler cela. Ça relève d’un secret familial.

Même si on sortait tout de suite pour aller enlever et que tu nous suis, entre temps tu ne nous verras pas, tu vas nous perdre de vue. Il y a des moments précis pour enlever. Tous nos enfants qui ont atteint 20 ans, on les initie. Une fois initiés, nous leur apprenons comment enlever et où exactement », raconte-il.

Julien Ki à côté de la forêt sacrée, l’origine du « Godo »

« Si l’on montre à tous les enfants, ils risquent de profaner notre héritage », poursuit-il. Sans visée mercantile, le produit « Godo ne coûte pas les yeux de la tête ». « Les San (Samo), les Peulhs, Dafin payent 5 francs symboliques. Les autres peuples prennent avec une poule ou le prix de la poule à 2500 F.

Les malades sont reçus sur place à Koin. Le séjour n’est pas exclu. Sur place, nous constatons la présence de deux malades. Leur état leur impose le séjour à Koin. Une maisonnette est réservée à ces genres de cas. Sous le guide de Julien Ki, nous effectuons un saut dans cette chambre.

A l’intérieur, deux malades couchés, chacun avec des membres visiblement tachés du produit, « le Godo ». Ils sont sous la surveillance de Borro Sita, une vieille femme frisant la soixantaine.

Selon les dires de la garde malade, le monsieur couché côté gauche est son neveu. Il s’est blessé après une chute d’un mur. Du côté droit, se trouve sa fille Nyamba Fatimata. Elle est victime d’un accident de la route. Cette jeune dame est gravement touchée au bras et au pied. Arrivée à Koin le 23 février 2022, elle est toujours sous le choc.

« Dieu voulant, celle-là aussi va retrouver la santé »

Sita Borro, la génitrice de la jeune dame est revenue sur l’épisode brulant de sa fille victime. « Elle partait à Di pour acheter des oignons. Le véhicule s’est renversé entre Gassan et un petit village et 5 personnes sont mortes parmi eux », rappelle-t-elle. « Les détails de l’épisode dans la vidéo ci-dessous ».

Sita Borro et sa fille font un séjour à l’hôpital à Dédougou avant de finalement opter pour le choix du « Godo », avec tous les risques qui peuvent survenir. Son choix réside dans la renommée du « Godo ». « Nous avons confiance en ce produit. Les médecins ont refusé de nous laisser venir, on les a suppliés.

Ils (médecins) ont posé comme condition la signature d’une décharge afin de décliner toute responsabilité. Moi j’ai accepté et j’ai signé. Nous avons beaucoup des nôtres qui sont venus ici, ils sont guéris. Dieu voulant, celle-là aussi va retrouver la santé », avance Sita Boro.

Boro Sita, garde-malade et mère de Nyamba Fatimata

Elle note une nette amélioration de la santé de sa fille depuis qu’elles sont à Koin. « Nous n’avons pas trop de difficultés ici, matin et soir elle reçoit les soins. Les plaies qu’elle avait, les infirmiers sont venus traiter et tout est fini maintenant. Ça reste la fracture seulement », rassure-t-elle. 

Ses propos viennent confirmer ceux de Julien Ki, qui évoque une bonne collaboration entre eux (rebouteurs) et la médecine moderne. « Si quelqu’un est victime d’un accident grave, arrivé ici nous lui demandons, s’il a été à l’hôpital. S’il dit oui, le lendemain nous ramassons les papiers d’hôpital et son accompagnant et on part montrer au major (du CSPS de Koin, ndlr).  

Après, le major envoie un élément pour venir soigner les plaies et faire les pansements jusqu’à ce que la personne guérisse. Ils nous aident beaucoup, mais nous n’avons pas de contrat avec eux », informe-t-il.

« Nous avons besoin des chaises roulantes »

Bien de personnes reconnaissent les grâces du « Godo ». Moumouni Koutou est commerçant à la gare de la compagnie TKF. En 2012, il recourt au « Godo » à la suite d’une fracture au bras. « J’étais allé lutter et j’ai cassé mon bras.

Quand j’ai utilisé le Godo ça n’a pas dépassé deux à trois semaines et c’est fini. J’ai recommencé ma lutte après. Je n’ai aucun problème avec le bras, si tu vois, tu ne sais même pas que c’était cassé », raconte-t-il en faisant des mouvements de bras avec aisance.

Moumouni Koutou

« Il y a une de nos tantes qui a pris un homme de Tampouy à Ouagadougou pour emmener, les médecins ont dit qu’il faut amputer son pied cassé, mais il est venu ici, on l’a soigné et il est complètement guéri.

 Il y a un homme qu’ils ont emmené de la Côte d’Ivoire l’année passée avec trois fractures au pied. On lui avait dit qu’il faut obligatoirement amputer, mais nous l’avons traité aussi. Il a marché ici correctement avant de repartir », témoigne Julien Ki.

Avant de quitter le domicile de Urbain Ki, au bout du nez du crépuscule, nous notons cinq visiteurs pour la seule soirée. En moyenne cinq à dix personnes sont reçues par jour. « Il y a des jours nous recevons plus de 10 personnes même », arbore Julien Ki.

Même avec la vive volonté affichée de soulager les malades, la famille des rebouteurs n’est pas à l’abri du besoin. « Si on pouvait mettre un agent à notre disposition pour s’occuper régulièrement des malades. Nous avons besoin des chaises roulantes pour faciliter le déplacement des malades dont la majorité arrive inapte. Un problème de logement pour accueillir les malades graves qui doivent séjourner », listent les rebouteurs…

Akim KY

Burkina 24

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