Promotion de lait local à Banfora et à Bobo-Dioulasso : Le système de collecte passé à la loupe par Dr Tionyélé Fayama

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Ceci est un travail de recherche du Dr Tionyélé Fayama de l’Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles (INERA) / Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique (CNRST), Socio-anthropologue du développement, Bobo-Dioulasso, Burkina Faso.

   

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Résumé

Cette recherche appréhende le système de collecte du lait dans les bassins laitiers de Banfora et de Bobo Dioulasso à travers une analyse de ses performances et ses contraintes. L’objectif de cette recherche est d’analyser le fonctionnement du système de collecte de lait afin de comprendre et d’expliquer comment la chaine de valeur fonctionne dans les deux bassins en se focalisant en particulier sur les dysfonctionnements du système d’approvisionnement du lait local dans les unités de transformation de lait (UTLs).

La méthode utilisée est l’approche « chaîne de valeur », Cette approche permet de passer en revue tous les maillons de la chaine de valeur que sont essentiellement la production, la transformation, la collecte, la commercialisation et distribution, et la consommation. Pour cela, des données qualitatives ont été collectées grâce à des entretiens individuels, des focus groups, de l’observation et de la revue documentaire et analysées à travers une analyse du discours et des interactions.

Introduction

L’Ouest du Burkina Faso connait une dynamique laitière avec le développement de la transformation. La création des UTLs a donné un nouvel élan à la filière laitière dans la région. Mais très vite les UTLs se heurtent à un problème d’approvisionnement en lait local. Cette situation va favoriser la concurrence avec le lait en poudre importé dans ces UTLs qui l’utilisent comme matière première. Pour un approvisionnement des UTLs en lait local toute l’année, la PI-Lait de Banfora et de Bobo -Dioulasso ont initié un système de collecte du lait local à partir de collecte de lait.

Le succès de cette initiative a conduit l’Etat Burkinabè et certains projets et ONGs, à mettre en place des Centres de Collectes de Lait (CCLs) dans d’autres régions du Burkina Faso dont la région des Hauts-Bassins afin de combler le déficit laitier local constaté dans l’approvisionnement des différentes UTLs. L’objectif de la mise en place de ces CCLs est de collecter le lait auprès des éleveurs dispersés dans les campements afin d’assurer l’approvisionnement permanant des UTLs.

A la faveur de la nouvelle législation du monde associatif (OHADA), les unités de transformations de lait de la ville de Bobo-Dioulasso se sont regroupées en une coopérative des acteurs de la filière lait et travaillent à développer la filière. Malgré l’implantation des CCLs, les UTLs continuent de vivre des difficultés d’approvisionnement en lait local en saison sèche, ce qui les obligent à continuer la transformation du lait en poudre à cette période. C’est dans ce contexte que cette réflexion a été initiée dans le but d’analyser le fonctionnement du système de collecte de lait dabs les deux bassins

  1. Matériels et Méthodes

L’étude s’est déroulée dans les bassins laitiers de Banfora et de Bobo-Dioulasso qui abritent des centres de collecte, boussole pour l’approvisionnement et l’amélioration de la quantité de lait dans les UTLs. Deux types de données ont été collectées dans le cadre de cette recherche. Il s’agit des données primaires et secondaires à travers des entretiens, des enquêtes par questionnaire et de la revue documentaire.

Les données issues de la collecte ont été soumises à l’analyse de contenu (Bardin, 2003) sous analyse théorique de l’approche chaine de valeur (Porter, 1985 ; (Arrahmouni et al., 2018). ). Elle a permis d’organiser les données sous forme thématique autour d’un axe central de recherche afin de constituer le corpus d’analyse des différents discours des enquêtés.

  1. Résultats

2.1. Analyse du fonctionnement du système de collecte du lait de Banfora

La filière lait du bassin de Banfora est organisée en plateforme d’innovation. Cette plateforme a mis en place un système de collecte autour de centre de collecte mis en place par la PIL et le PAPSA. Cependant, il y a des acteurs qui mènent leur activité hors de ce cadre.

De ce fait, il y a des collecteurs PIL organisés autour des centres de collecte et des collecteurs non PIL appelés des collecteurs individuels. Les collecteurs de la PIL sont dans l’obligation de livrer le lait aux laiteries de la PIL bien qu’il n’existe pas de contrat formel entre ces deux acteurs. Cette obligation résulte du fait que les CCLs ont été construits dans le but d’approvisionner les UTLs de la PIL. Dans le système d’approvisionnement des UTLs de la PIL, tous CCLs doivent livrer le lait dans la laiterie Labanco qui est le siège de la PIL et les autres laiteries en fonction du disponible de lait et de leur capacité de transformation viennent s’approvisionner.

Cette laiterie réceptionne aussi du lait des collecteurs individuels et des producteurs. Cependant le système de collecte dans son fonctionnement fait face à de nombreuses contraintes pour approvisionner les UTLs.

De production à la transformation, les collecteurs de la PIL font face à des difficultés telles que la saisonnalité de la production, l’inaccessibilité des zones de production, la faiblesse de la production, la qualité du lait, l’inadaptation des équipements de collecte et de transport et le consensus avec les UTLs sur les instruments de mesures.

Ces contraintes jouent sur la qualité et la quantité du lait collecté. De plus, on constate une faiblesse de communication entre les producteurs et les UTLs, ce sont les collecteurs qui sont les intermédiaires entre eux. Cela crée une crise de confiance entre les producteurs et collecteurs car les producteurs doutent de la véracité des informations reçues des collecteurs.

La fixation du prix du lait reste la difficulté majeure entre ces deux maillons de la chaine de valeur lait local. Etant donné qu’il y a des collecteurs non affiliés à la PIL qui prennent le lait chez le producteur à un prix élevé par rapport aux prix des collecteurs de la PIL, les producteurs préfèrent livrer le lait à ces collecteurs non affiliés à la PIL.

En conséquence, les collecteurs de la PIL sont obligés de majorer les prix auprès des producteurs pour avoir plus de lait. En majorant le prix chez le producteur (de 25FCFA/l par exemple), le collecteur de la PIL ne peut plus vendre aux laiteries de la PIL parce que les prix sont fixes dans les UTLs de la PIL.

Cette concurrence malsaine entre les collecteurs impliquant même ceux affiliés à la plateforme existe parce qu’il y a un marché extérieur de celui des laiteries de la PIL qui achète à un prix supérieur à celui de la PIL. Tout ceci laisse entrevoir une défaillance au niveau de la chaine de valeur de la filière lait.

Car la chaîne de valeur ne devient performante que lorsque les acteurs impliqués collaborent pour améliorer la qualité du produit, accroître l’efficacité de leurs actions ou diversifier leurs productions pour obtenir plus de bénéfices à chaque niveau de la chaîne et accroître leur performance sur le marché (CEDEAO, 2012 ; Humphrey et Schmitz, 2000)

Au niveau des UTLs, pendant la saison pluvieuse, les collecteurs observent un long temps d’attente sous le soleil avant leur tour de livraison du lait. « Nous sommes obligés d’attendre sous le soleil pendant que la laiterie contrôle la qualité du lait des autres. ». Le lait de chaque collecteur est contrôlé avant la réception.

Pourtant au regard des conditions d’hygiène de production, de collecte et de transport, le lait se décompose plus vite que prévu. « On peut amener le lait à 9 heures mais c’est souvent entre 11 h – 12h que le lait est réceptionné. Pourtant les bidons et les secousses accélèrent la décomposition du lait. Il faut noter que le lait produit en saison pluvieuse se gâte vite ».

2.2. Analyse du fonctionnement du système de collecte du lait de Bobo-Dioulasso

L’activité de collecte dans le bassin de Bobo-Dioulasso est assurée par les collecteurs individuels et les collecteurs organisés autour des CCLs comme décrit par une étude de la Gret (2019) réalisée à Bobo-Dioulasso. De cette étude il ressort que la laiterie Bonnet Vert est approvisionnée par les producteurs, les collecteurs individuels, et ceux des CCLs. Ces résultats sont corroborés par ceux des travaux de Bazimo (2016) à Bobo- Dioulasso sur la même laiterie qui identifient les producteurs, les collecteurs individuels et les CCLs comme les approvisionneurs de la laiterie Bonnet Vert.

Toutefois le système de collecte dans son fonctionnement fait face à de nombreuses contraintes. En effet, entre collecteurs et producteurs, les relations sont le plus souvent entachées au regard des augmentations arbitraires du prix du lait par les producteurs pendant qu’au niveau des différentes laiteries les prix restent statiques. D’autres comportements comme le non-respect des règles d’hygiènes lors de la traite et au stockage du lait, provoquent des tensions puisque le lait dans ces conditions se décompose et semble-t-il avant de parvenir aux laiteries, qui à leur tour le rejette.

Entre producteurs, collecteurs et gestionnaires de mini- laiterie dans le processus de l’activité laitière, la fixation du prix du lait ne rencontre pas un consensus. Les producteurs souhaitent de nos jours une augmentation du prix du lait à leur niveau alors que les collecteurs pensent plutôt que les UTLs doivent augmenter pour qu’à leur tour ils puissent revoir également à la hausse au niveau des producteurs. Un climat de méfiance va s’installer suite à la non-augmentation du prix du lait au niveau des différents maillons. Cette situation va impacter le respect des contrats de livraisons. Désormais, en saison sèche surtout, les producteurs préfèrent vendre ailleurs à des particuliers où ils gagnent une marge bénéficiaire plus élevée que de vendre à ces CCLs. Les problèmes reprennent en saison pluvieuse qui correspond à la période de haute production ou les CCLs et les UTLs n’arrivent pas à absorber toute la quantité disponible.

Entre les collecteurs et les gestionnaires de mini-laiteries, il n’existe pas d’accord sur les récipients de mesure du lait. Des problèmes occasionnant des mésententes existent après la mesure du lait au niveau des laiteries parce qu’on constate toujours une légère baisse par rapport à la quantité déclarée par les livreurs. Par exemple « Sur 80 litres on peut perdre 6 litres au niveau des UTLs ».

À cela s’ajoute aussi, le retard dans les livraisons qui est toujours source de discorde entre ces acteurs où souvent le lait est rejeté. Ce rejet comme il a été donné de constater avec les collecteurs engendre des désagréments sur les collecteurs sur toute la chaine. Il reste par ailleurs que la faible capacité des laiteries ne permette pas de prendre toute la production collectée. Ces désaccords entre les collecteurs et les laiteries sont signalés par cet enquêté en ces termes :

Nous ne sommes plus en collaboration avec Bonnet vert, on se promène de laiterie en laiterie pour livrer le lait. Nous avons rompu avec Bonnet Vert parce qu’elle prend le lait à 350 toute l’année. Aussi dans le contrat avec elle nous devons lui apporter 40L/jour. Pourtant en saison sèche nous ne pouvons pas avoir les 40 litres. En saison pluvieuse la production est forte et c’est en ce moment que nous pouvons avoir beaucoup d’argent. Bonnet vert ne prenait que 40 litres en saison pluvieuse.

Conclusion

L’étude a fait le point sur le fonctionnement du système de collecte de lait dans les bassins laitiers de Banfora et de Bobo-Dioulasso. Cette étude qui avait pour objectif global d’étudier le fonctionnement du système de collecte de lait des CCLs afin d’identifier les contraintes liées à la collecte du lait et à l’approvisionnement des UTLs avait aussi pour finalité de lever les goulots d’étranglement et proposer un mécanisme plus innovant de collecte de lait. Elle a évidemment permis de comprendre le fonctionnement du système de collecte de part et d’autre des deux bassins et a abouti à la formulation de propositions de solutions que les acteurs doivent travailler à prendre en compte.

Références bibliographiques

ARRAHMOUNI I., BENABDELLAH A., DEHHAOUI M., BENCHEKROUN F. 2018, « Analyse fonctionnelle de la chaîne de valeur d’Argane de la province de Tiznit : Cartographie des maillons et des acteurs » in Rev. Mar. Sci. Agron. Vét. (2018) 6 (4) : pp.429-436

BARDIN Laurence, 2003, L’analyse de contenu, 9e éd. PUF, Paris, 296p.

BAZIMO G. H., 2016, Diagnostic des pertes et gaspillages dans les filières laitières en Afrique de l’Ouest : Cas de la zone périurbaine de Bobo-Dioulasso et des laiteries en zone rurale (Burkina Faso), 56p

BROUTIN C., LEVARD L., GOUDIABY M.C., 2018, Quelles politiques commerciales pour la promotion de la filière « lait local, Gret, Paris, 100p.

CEDEAO, 2017, Note d’orientation de l’étude de faisabilité de l’offensive régionale pour la promotion du lait local en Afrique de l’Ouest ? Rapport, 13p.

CORNIAUX C., 2013, Etude relative à la formulation d’un programme d’actions détaillé de développement de la filière lait au sein de l’UEMOA, Annexe 2 : Rapport Burkina Faso. Montpellier : CIRAD / Ouagadougou : UEMOA. 28p.

GRET, 2019, Étude filière lait dans les Bassins Laitiers de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso au Burkina Faso, Rapport 64p.

HUMPHREY J., SCHMITZ H., 2000 « Governance and upgrading: linking industrial cluster and global value chain research. » IDS Working Paper No 120. Brighton, UK : Institute of Development Studies, University of Sussex. 37p.

KAPLINSKY R., MORRIS M., 2002, A handbook for value chain research, Ottawa, Canada : International Development Research Centre (IDRC), 109p.

Fayama T., Sory M., 2021, Caractérisation du système de collecte des bassins laitiers de Banfora et de Bobo-Dioulasso au Burkina Faso, rapport d’étude, projet Afrika Milk, Institut de l’Environnement et de recherches agricoles (INERA)/Programme Gestion des ressources naturelles et systèmes de production, 49 p.

PORTER M.E., 1985, Competitive Strategy: Creating and Sustaining Superior Performance,  New York, USA: Free Press.

Dr Tionyélé FAYAMA

CHARGE DE RECHERCHE EN SOCIOLOGIE

SPECIALITE : SOCIO-ANTHROPOLOGIE DU DEVELOPPEMENT

INERA/CNRST/STATION DE FARAKO-BA/GRN-SP

Coordinateur Adjoint DP-ASAP/ Animateur/volet accompagnement

Courriel: [email protected]

Tel: (00226) 78 62 05 00/

70 10 49 59/ 75 66 77 99

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