Hommes armés non identifiés (HANI) : « Est-ce qu’on discute avec des fantômes ? » (André Tioro)
Un panel public s’est tenu ce samedi 12 novembre 2022 à Ouagadougou sous l’initiative d’un consortium d’organisations de la société civile et des organisations syndicales burkinabè sur la situation nationale du pays. « Situation nationale et ses enjeux : Quelle alternative ? », c’était le thème de ce panel animé par Pr Mahamadé Savadogo et André Tioro.
Se prononçant sur la situation du pays, Pr Mahamadé Savadogo, enseignant à l’Université Joseph Ki-Zerbo a laissé entendre que c’est connu de tous que le Burkina Faso traverse une période très compliquée de son histoire. Et pour lui, la succession des coups d’Etat, deux en l’espace de 8 mois vient confirmer l’assertion.
« Au niveau des structures de l’État, nous avons enregistré deux coups d’État en 8 mois. En fait, l’intervention même du coup d’État est un signe d’aiguisement de la crise. Parce que le coup d’État en lui-même entraine une manipulation des institutions, une désorganisation de l’ordre légal. Donc le fait d’avoir deux coups d’État en 8 mois est lui-même un signe qui nous montre que la situation que nous vivons est particulièrement compliquée », a-t-il confié.
Et d’ajouter que, « face à cela, on peut se demander que tous ces coups d’État-là, qu’est-ce qu’ils ont pu apporter, qu’est-ce qu’ils prétendent changer dans notre situation et quelles conséquences eux-mêmes, ils ont dans l’aggravation de la situation que nous vivons ? ».
Il a commenté que les deux coups ont été initiés par un même mouvement qu’est le MPSR. « Il est d’ailleurs curieux de constater que le deuxième coup d’État a gardé les mêmes signes que le premier coup d’État. Ce qui nous montre clairement que du point de vue des acteurs c’est le même mouvement.
Si c’est le même mouvement évidemment, on peut se demander qu’est-ce qu’il y a de nouveau. Ce qu’on peut constater est que le même mouvement qui parle de sauvegarde et de restauration s’est scindé en deux camps. Il y a eu un premier camp qui était animé par la préoccupation essentielle de la réconciliation (…).
C’est cette dynamique-là de la réconciliation pressée qui a été d’une certaine façon freinée avec le deuxième coup d’État. Et on peut noter que dans la composition du gouvernement issu du deuxième coup d’État, le grand ministère de la réconciliation n’existe plus », a-t-il poursuivi.
Pour André Tioro de la section MBDHP du Houet, le deuxième paneliste, aujourd’hui le terme HANI (Hommes armés non identifiés) est impropre dans la mesure où ce n’est plus un secret pour quiconque, car ceux qui attaquent le pays sont connus.
« Est-ce qu’on discute avec des fantômes ? En 2020 avant les élections, on a discuté avec des gens. Est-ce que ce sont toujours des gens non identifiés ? On propose de faire le dialogue. Est-ce qu’on fait le dialogue avec des fantômes ? Non ! Donc qu’ils sont connus.
Ce sont des gens qui ont pris des armes contre l’État et qui veulent le renverser », a-t-il argué en ajoutant que ce qu’il dit n’est un secret pour personne car les autorités, elles-mêmes affirment que ceux qui attaquent le pays sont notamment des nationaux qui ont pris des armes contre leur propre pays.
Sur la question de la présence militaire française, André Tioro a fait savoir que le président Maurice Yaméogo a, à son temps refusé qu’il y ait une base de l’armée française au Burkina, Haute-Volta à l’époque.
« Bien que les Français aient détruit leurs armes, jeté ça dans les puits à Bobo, parce que c’était la plus grande des bases de concentration de l’armée française. Ils ont dit (aux Français, ndlr), nous allons construire une armée. Le général Sangoulé Lamizana disait qu’il ne s’agissait de savoir qui est Mossi ou Samo mais de construire une armée nationale », a-t-il retracé.
Aujourd’hui c’est une régression, a déploré André Tioro en soutenant que l’armée nationale est « divisée en bandes armées articulées avec des gens, chacun cherchant à faire commerce de cette puissance militaire ».
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