Tribune | Relation internationale : « Le dilemme de sécurité » (Sylvestre Poda)
Ceci est une lettre géopolitique de Sylvestre Poda, Ecrivain, spécialiste en Affaires Internationales, intitulé « Le dilemme de sécurité ».
A la fin de la seconde guerre mondiale, de fortes tensions géopolitiques caractérisent les rapports entre les deux grandes puissances de l’époque, notamment les Etats-Unis et l’URSS. Ces tensions s’expliquent par la différence des régimes et idéologies politiques. Les Etats-Unis et le bloc de l’Ouest sont de l’idéologie démocrate et prônent le libéralisme, tandis que l’URSS et le bloc de l’Est épousent le communisme comme idéologie.
Ces différences idéologiques vont conduire à ce qu’on appellera plus tard la guerre froide. Le terme « froide » est attribué à cette guerre car les leaders des deux blocs, en l’occurrence les américains et les soviétiques, vont éviter à tout prix un affrontement direct de peur de déclencher un Armageddon nucléaire. Néanmoins, ces deux Etats procèdent à une course à l’armement. Pourquoi s’armer davantage si on a peur de se détruire mutuellement ? C’est un véritable dilemme dont nous allons parler aujourd’hui.
Le dilemme de sécurité est un concept utilisé en théorie des relations internationales. Elle stipule que lorsqu’un État accroit sa puissance militaire pour garantir sa sécurité, cela va être perçu comme une menace par un autre État, qui va à son tour renforcer sa puissance militaire. Les origines de la guerre froide remontent à la guerre civile russe (1917-1921) et à la création de l’Union Soviétique en 1922. Durant cette guerre civile, les américains et les britanniques ont intervenu militairement pour tenter de stopper les bolcheviks communistes mais sans succès. Cette intervention armée des Etats-Unis et Alliés va accentuer la méfiance des soviétiques communistes qui vont augmenter leur capacité défensive pour contrecarrer les américains au cas où ils tenteraient à nouveau d’attaquer le communisme. La course à l’armement des soviétiques vont à leur tour inciter les américains à s’armer davantage.
En général, un Etat accroit sa puissance militaire pour anticiper une future menace. Si un Etat A attaque ou annexe un autre Etat B à cause de conflits d’intérêts, les autres Etats vont se sentir menacés et s’armer davantage car chacun d’eux pourrait être le prochain sur la liste. Les guerres injustifiées menées par les Etats Unis un peu partout dans le monde ont ouvert les yeux des autres puissances et accru leur méfiance. C’est pour anticiper la menace américaine que des pays comme l’Inde, la Corée du Nord et le Pakistan ont travaillé à posséder l’arme nucléaire, en plus des cinq membres permanents du conseil de sécurité qui la possédaient depuis la guerre froide.
Aujourd’hui, quand un Etat possède l’arme nucléaire, il ne peut plus être menacé par un quelconque Etat. Et comme beaucoup d’Etats s’arment pour rétablir l’équilibre des puissances, les Etats Unis tentent de conserver leur hégémonie en augmentant leur budget militaire. Par exemple, le 09 Mars 2023, l’Administration Biden a présenté un projet de budget militaire de 835 Milliards de dollars pour l’exercice 2024, ce qui constitue l’un des plus gros budgets militaires en temps de paix.
Le dilemme de sécurité s’explique par l’inexistence d’autorité supérieure, de supra-nation, qui puisse contraindre les Etats à respecter le droit international et à stopper la course aux armements. Généralement, c’est l’Etat hégémonique qui, de par sa puissance militaire ou politique, joue le rôle d’Etat gendarme pour obliger les autres à respecter le droit international. Sauf que parfois, l’hégémon lui-même poursuit la course à l’armement.
Bien évidemment lorsqu’il augmente sa propre sécurité, cela diminue la sécurité des autres. Et pour anticiper la menace, ces derniers vont également accroître leur sécurité. Le dilemme de sécurité est un cercle vicieux.
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L’influence du dilemme de sécurité est intimement liée à l’équilibre entre politiques défensives et offensives. Lorsqu’un Etat accroit sa capacité offensive, cela diminue la capacité défensive des autres Etats qui se sentiront menacés. Par exemple si un Etat A met en service un nouveau missile balistique plus performant, la capacité de l’Etat B à se protéger devient obsolète et inadaptée. Pour essayer de rétablir l’équilibre, l’Etat B va tenter d’augmenter sa capacité défensive en créant un missile antibalistique qui puisse intercepter et détruire le missile ennemi. Mieux, il va aussi développer ses recherches afin de concevoir à son tour des missiles balistiques encore plus performants que ceux de l’adversaire, pour être en mesure d’attaquer les premiers.
En stratégie militaire, tout le monde aime attaquer en premier. C’est le culte de l’offensive. Selon les croyances, attaquer en premier dans une guerre, permettrait de gagner une victoire. Ce qui n’est pas toujours vraie. Et c’est d’ailleurs cette attitude offensive dans la sécurité des Etats qui accélère la course aux armements. Si l’attitude défensive prenait le dessus sur l’offensive dans la sécurité des Etats, la course à l’armement ralentirait considérablement. Mais malheureusement le réalisme offensif vient nous rappeler que dans la condition d’anarchie internationale, la meilleure façon de maximiser sa sécurité est d’être prêt à l’offensive afin de dissuader les potentiels agresseurs et même d’augmenter ses chances de victoire au cas où la dissuasion ne fonctionnerait pas.
L’Afrique est malheureusement à la traine de la dissuasion nucléaire et à la merci des interventions militaires injustifiées. L’idéal aurait été qu’un processus de désarmement international soit appliqué pour planifier la paix dans le monde. Mais la réalité est tout autre. La paix qui caractérise les relations internationales est en vérité une « paix armée ». Cette notion provient de la doctrine selon laquelle la force militaire est la première ou la principale garantie pour maintenir la paix.
Fort de ce constat, l’Afrique si elle veut survivre dans cet environnement international anarchique, doit travailler à augmenter sa sécurité pour éviter d’être envahie par des puissances mondiales expansionnistes qui voudraient étendre davantage leur influence. Elle doit réunir toutes les ressources humaines et intellectuelles pour utiliser son uranium et créer un arsenal nucléaire. Si ce n’est fait, elle continuera d’être pillée au grand dam des populations africaines.
Sylvestre PODA, écrivain, spécialiste en affaires Internationales et en analyse économique
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