Sévérin Yaméogo, un virtuose du dessin !

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Dessiner, c’est un don qu’il a reçu du Ciel ! Il doit toute sa reconnaissance à la providence pour ce talent inné. Même s’il ne l’a pas aiguisé dans une école d’art, il en tire grand profit. Découragé au départ par les siens, il ne s’est pas laissé dissuader. Au contraire, il a fini par convaincre tout le monde qu’il est un dessinateur talentueux. Sévérin Yaméogo, puisque c’est de lui qu’il s’agit, 20 ans, est un orphelin de père, résidant à Koudougou, dans la région du Centre-Ouest. Dans la Cité du Cavalier Rouge, plusieurs jeunes viennent s’attacher ses services, car ce petit redonne vie aux habits et autres objets. Découverte ! 

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Finies les médisances et les déceptions. Sa famille, ses amis et connaissances le poussent désormais à aller de l’avant. Aujourd’hui Sévérin Yaméogo est financièrement indépendant de sa mère, commerçante qui fait des navettes entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. Pétri de talent, son fils fait des dessins de tout genre sur des habits de friperie notamment des Jeans. Il confère à tout ce qu’il touche un éclat spécial et particulier. On peut dire qu’il est tout simplement habile.

Dos courbé. Stylo à la main droite, téléphone portable à la gauche, sueur sur le visage… Séverin Yaméogo est en pleine action ! Il a l’air tellement concentré. C’est à remarquer à vue d’œil. Il est en train de reproduire un dessin sur un pantalon. Bien qu’autour de lui, ses amis et frères fassent du bruit dans un kiosque jouxtant son atelier de fortune, lui reste plutôt concentré sur son job. Le pantalon sur lequel il travaille, doit être livré au propriétaire dans les deux heures qui suivent.

Séverin Yaméogo en pleine action/Photo © Burkina24
Séverin Yaméogo en pleine action/Photo © Burkina24

Pas de secondes à perdre. Tout porte à croire qu’il court derrière le temps, mais avec class. Comme pour reprendre une phrase de l’ancien président de la Transition burkinabè, le lieutenant-Colonel Paul Henri Sandaogo Damiba, devenue célèbre au pays des Hommes intègres : « celui qui se bat pour quelque chose c’est pour lui la chose »…

En tout cas, Sévérin Yaméogo est en train de se battre pour sa « chose ». Dans deux heures, il pourra empocher 7.000 F CFA, qui compensera sa sueur. Aussi, ses marques sont-elles visibles sur la plupart des pantalons portés par ses amis à Koudougou.

Les babouches de son grand frère portent ses insignes
Les babouches de son grand frère portent ses insignes/photo ©Burkina24

Il est pris par le temps. Il répond à peine à nos questions. C’est avec beaucoup d’insistance qu’il a bien voulu s’entretenir avec nous. « Revenez après svp ! Je suis hyper occupé. On ne pourra pas bien échanger », nous répond-t-il poliment lorsque nous lui signifions que nous voulons échanger avec lui.

Convaincu par notre approche que notre entretien ne l’empêchera pas de poursuivre son travail, notre interlocuteur nous donne son « Ok » précieux. « Prenez place », nous dit-il, la tête baissée, concentré à imprimer son dessin sur le pantalon. A côté, un septuagénaire est en train d’écouter son poste radio où il suit une émission en langue nationale mooré. 

Le volume de son poste récepteur est à fond. Au point où on s’entend difficilement. Alors, il faut élever la voix. Sévérin décide enfin de le lui faire savoir en ces termes : « Le vieux… Le vieux… Le vieux… ». « Uhmm… uhmmm… », sursaute, le vieux à la troisième interpellation. Il était vraiment plongé dans son émission. Et digère mal cette demande.

Il vit de son art 

Vraisemblablement, c’est à cause de notre présence qu’il baisse le volume de sa radio. Au pays des Hommes intègres, l’étranger est bien respecté. Nous nous pressons de nous entretenir avec Sévérin Yaméogo. Nous aussi sommes pris par le temps. Nous devons rallier Ouagadougou dans quelques temps. Présentation faite, quelques minutes d’hésitations écoulées, les langues se délient enfin.

C’est un grand artiste. Il n’a pas fait une académie des beaux-arts. Sévérin n’est d’ailleurs pas allé loin à l’école. « Je me suis arrêté en classe de CM2 », nous apprend-il. Mais c’est un bon dessinateur. Depuis tout petit, il impressionne tout le monde par ses dessins. Désormais, il vit de son art.

Les dessins qu’il fait sur des habits sont tant convoités par des jeunes à Koudougou. C’était au départ, atteste-t-il pour se faire plaisir lui-même. « La première fois, j’ai fait sur mon habit quand j’ai porté, beaucoup de gens m’ont demandé où j’avais eu l’habit, où j’avais acheté. Mais quand je leur disais que c’était ma création, personne ne me croyait », raconte-t-il.

Ce jeune dessine sur des habits, des babouches, et fait même des portraits sur des habits qu’il embellit avec la peinture à la demande des clients. Il force l’admiration non seulement des membres de sa famille mais aussi de ses amis et connaissances pour son savoir-faire. Dans la cité du cavalier rouge, est caché ce talent-né. Il reproduit n’importe quel type de dessins ou griffes que ses clients lui demandent.

Depuis son jeune âge, il aimait tellement faire des dessins, informe-t-il. « C’est bien vrai que je faisais des dessins qui étaient appréciés par tous mes amis mais je ne me voyais pas gagner ma vie par ce travail comme c’est le cas aujourd’hui », narre-t-il. Sévérin nous confie que dès qu’il s’est rendu compte que les gens s’intéressaient aux dessins qu’il faisait sur des habits, il décida alors de faire de cette activité, son gagne-pain. A travers cet art, il redonne une autre valeur aux pantalons Jeans et d’autres habits de friperie.

Il nous signale que sur le marché, il achète un pantalon à 1500 ou 2000 F CFA, l’unité et le revend à 7000 F CFA dès qu’il y appose ses dessins. Quand c’est le client qui apporte son habit, c’est tout autre. « Quand un client envoie son propre habit, c’est la main-d’œuvre qu’il paie. Et je le fais souvent à 5000 FCFA », précise-t-il.

Une technique qui s’améliore

Mais il avance que le prix peut varier selon le type de dessins que le client demande. Par exemple, poursuit-il, quelqu’un qui veut qu’on fasse son portrait sur son habit revient un peu cher qu’un simple dessin. Le jeune dessinateur a la capacité de regarder une personne et de faire son portrait.

Sévérin plongé dans son élément/photo © Burkina24
Sévérin plongé dans son élément /photo © Burkina24

Souvent, c’est à cet exercice que certains de ses clients lui soumettent. En ce moment, fait-il savoir, le prix varie entre 8 000 et 10 000 francs FCFA. « Parce que faire un portrait demande beaucoup de concentration et prend du temps. Il faut vraiment arriver à faire une création de qualité », appuie-t-il. Il utilise la peinture pour rendre plus attrayante ses créations.

Au fur et à mesure qu’il avance, il se perfectionne et trouve d’autres astuces pour améliorer son travail et satisfaire ses clients. Il a toujours son téléphone avec lui pour télécharger des dessins que les clients lui demandent. « Au début quand je mettais la peinture sur le dessin, c’était très épais sur l’habit. Mais maintenant, j’ai trouvé d’autres techniques pour le rendre léger. Je continue à travailler pour que ça soit plus léger encore. Vraiment, je suis fier de ce qu’on fait maintenant. Si vous touchez, c’est comme si c’est une machine qui l’a fait », s’en félicite-t-il.

Parlant de machine, Sévérin souhaite bien professionnaliser son activité. Il nous dit s’être déjà renseigné sur une machine qui puisse lui permettre de parfaire son travail. Car avance-t-il, souvent il est limité. Mettre la peinture à la main ne valorise pas vraiment son travail, à l’entendre. Il tient à avoir cette machine qui, selon ses propos va lui permettre de révolutionner son travail.

Sévérin contemple une de ses créations
Sévérin contemple une de ses créations/photo © Burkina24

« Il y a une machine qui peut nous permettre de bien faire le travail. J’ai demandé, on m’a dit qu’on peut en trouver mais elle coûte très chère. Mon objectif est de me trouver cette machine », soutient-il.

Les réseaux sociaux pour booster son activité

C’est à travers les réseaux sociaux et de bouche à oreille que Sévérin rencontre ses clients. Il ne manque pas de faire quelques clichés de ses créations qu’il poste sur des réseaux sociaux pour sa visibilité.

« Souvent des gens qui viennent me dire que c’est quelqu’un qui leur a parlé de moi. Et d’autres disent avoir vu les photos sur TikTok ou sur Facebook. C’est comme cela que je me fais généralement des clients », nous renseigne-t-il.

Les conseils de Sévérin

Sévérin nous confie que dans le mois, il peut gagner 100 000 F CFA, voire plus quand le marché lui est favorable. Pour lui, le travail ne vient pas à l’homme, c’est l’homme qui doit aller vers le travail en le cherchant. Il conseille d’autres jeunes qui sont au chômage à ne pas demeurer dans le vice et l’oisiveté mais d’essayer de faire quelque chose.

Ici exposées, les créations de Sévérin
Ici exposées, les créations de Sévérin/photo © Burkina24

« Il y a plein de choses à faire. Des fois, nous avons tendance à négliger des talents que nous avons mais qui peuvent nous être utiles dans la vie. Si quelqu’un me disait qu’un jour, je pouvais gagner quelque chose par les dessins que je faisais, je n’allais pas le croire. Je sais que ce n’est pas facile. Mais j’invite mes frères et sœurs qui n’ont rien à faire en ce moment, au lieu de rester sans rien faire, qu’ils se mettent à faire quelque chose qui peut un jour les aider à gagner leur vie », invite-il.

Selon Sévérin, le travail se crée. Il ne se donne pas. « Chacun de nous a toujours quelque chose de spécial en lui qu’il peut faire valoir. Au début ce n’est pas tout le monde qui appréciait ce que je faisais mais je n’ai jamais baissé les bras, je savais ça allait prendre un jour », complète-t-il.

Urbain Yaméogo, grand frère de Sévérin
Urbain Yaméogo, grand frère de Sévérin

Réticent au départ, le grand frère de Sévérin, Urbain Yaméogo a fini par le rejoindre. Les babouches qu’il porte ont reçu un punch de son petit frère, ce qui leur confère un aspect spécial et original. Peintre de profession, à ses heures libres, c’est lui qui aide son jeune frère dans le choix des différentes peintures qu’il utilise pour ses créations.

Du scepticisme à l’espoir

« Quand il commençait, j’étais parmi ceux qui lui disaient qu’il ne pouvait pas gagner sa vie par ce travail. Mais aujourd’hui, je me rends compte que c’est quelque chose qui lui permet de gagner sa vie. C’est pour cela que moi aussi, je l’aide avec mon expérience de peintre pour qu’il avance. Il y a vraiment une grande amélioration entre ce qu’il faisait avant et maintenant », note-t-il.

Il soutient que les gens surtout les jeunes aiment ce que fait Sévérin. Et son petit frère peut désormais bénéficier de son soutien et de son expertise. « J’ai eu tort vraiment de le décourager au début, au lieu de le soutenir. Mais je suis enfin en train de me rattraper. Grâce à ce qu’il fait, il est indépendant financièrement que beaucoup de jeunes de son âge », assure-t-il.

«...je ne sais pas combien de fois que je lui ai envoyé mes habits pour qu’il imprime des dessins», Adama Sanfo
«…je ne sais pas combien de fois que je lui ai envoyé mes habits pour qu’il imprime des dessins», Adama Sanfo /photo © Burkina24

Adama Sanfo, est un grand frère du quartier au secteur 2 de la commune de Koudougou. Il a vu Sévérin faire ses premiers pas dans ce métier. Selon lui, même si un habit n’a plus de valeur, si vous l’envoyez à Sévérin, vous aurez envie de le porter à nouveau.

« Quand il a commencé, je me demandais c’est quoi ce petit nous envoie encore ? Je savais qu’il est fort en dessin mais ce qu’il envoyait c’était nouveau pour nous. Grâce à Dieu, les gens ont vite aimé ce qu’il fait, et il continue d’avancer. Tellement qu’il le fait bien, je ne sais pas combien de fois que je lui ai envoyé mes habits pour qu’il imprime des dessins. Je lui souhaite bonne chance pour la suite », avance-t-il.

Autre témoignage, celui du vieux Kamatié Daro qui écoutait la radio à notre arrivée. Pour le septuagénaire, Sévérin fait un travail qui est salué par tout le monde et mérite d’être encouragé.

«Et Sévérin doit continuer car tout le monde aime ce qu’il fait ici»
«Et Sévérin doit continuer car tout le monde aime ce qu’il fait ici», le vieux Kamatié Daro

« Quand tu commences un travail et que tout le monde apprécie, il ne faut plus lâcher, si on te dit c’est mauvais tu laisses, et si tout le monde juge que c’est bon il faut continuer. Et Sévérin doit continuer car tout le monde aime ce qu’il fait ici », atteste-t-il.

Anastasie Yaméogo, mère de Sévérin
Anastasie Yaméogo, mère de Sévérin

La mère de Sévérin se dit « très fière » de son fils et prie que Dieu continue de le bénir ainsi que son travail. « Tout travail est bénéfique si l’intéressé croit en ses compétences, et y met sa confiance en Dieu. Lui (Sévérin, ndlr) nous a prouvé qu’il avait vraiment confiance en lui. La preuve en est qu’il continue d’avancer dans ce qu’il fait », ajoute-t-elle.

En perspective, Sévérin veut se faire un nom dans ce domaine qu’il est toujours en train d’explorer. Il dit avoir un grand projet autour et compte également former des jeunes qui le désirent afin de nouer des partenariats avec certains vendeurs de friperie.

Willy SAGBE 

Burkina 24 

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