Bagrépôle, le réveil d’un mastodonte économique
24 novembre 2023. Immersion à Bagré dans le Boulgou, au Centre-Est du Burkina Faso. C’est tout un système d’exploitation intégré organisé autour d’une eau qui donne et entretient la vie. Nous nous sommes rendus dans le pôle de croissance « Bagrépôle » pour prendre un tant soit peu la température de ce poumon économique de la plaine de Bagré qui porte plusieurs initiatives de productions. Non non ! Le pôle ne se trouve pas à Bagré et la croissance à Ouagadougou… En réalité, après notre passage, ce qui saute à l’œil, c’est que Bagrépôle inspire l’espoir d’un avenir meilleur, contrairement à certaines idées reçues. Examinons !
Bagrépôle, c’est un projet qui vit et respire à travers l’eau, les plantes, les animaux, les usines de transformation et une administration. Ce jour, l’eau, comme à son habitude, coule de façon gravitaire dans la plaine de Bagré.
Sa source, le fleuve Nakambé. Barré, le fleuve alimente le barrage de Bagré qui distille à son tour à la plaine de Bagré de la précieuse sève d’eau. Le fleuve continue ensuite sa course au Ghana voisin. Le barrage de Bagré, avec un milliard sept cents millions (1 700 000 000) de mètres cubes d’eau, est sans conteste le pacemaker du pôle de croissance de Bagré.
En effet, du barrage de Bagré, l’eau tend ses tentacules dans la plaine à travers des canaux primaires, secondaires puis tertiaires. C’est le cordon ombilical de plusieurs spéculations en gestation, mais aussi des productions et sous-productions de toutes sortes.
Plusieurs initiatives se sont adossées à ce pôle qui a le dos plus que large pour les supporter, nous assure Jacques Bonkoungou, Secrétaire général de Bagrépôle. Il s’agit de l’initiative présidentielle offensive agro-sylvo-pastorale halieutique 2023-2025 et de l’initiative présidentielle Produire cent quatre-vingt-dix milles (190 000) tonnes de céréales et de légumes au Burkina Faso.
Une initiative présidentielle en cache une autre à Bagrépôle
À ces initiatives, l’initiative présidentielle « Assurer à chaque enfant en âge scolaire au moins un repas équilibré par jour » compte s’y arrimer, selon Alice Sidibé, Secrétaire permanente de ladite initiative. Elle compte bien sur la production de Bagrépôle pour alimenter les cantines scolaires en produits de qualité.
« Les deux initiatives présidentielles de production étant là, vous comprenez comment ces initiatives présidentielles peuvent soutenir et constituer un véritable pilier pour l’initiative présidentielle Assurer à chaque enfant en âge scolaire au moins un repas équilibré par jour », explique Alice Sidibé, avant d’ajouter que sans production durable, consistante, on ne peut pas assurer une alimentation équilibrée ni durable.
Pour l’heure, en ce qui concerne l’initiative présidentielle de production agricole, la moisson est plutôt bonne. « Si on veut juste se référer à l’initiative présidentielle de production agricole de campagne humide qui vient de s’achever, nous avions pour objectif de mettre à disposition autour de 1500 ha au-delà des espaces qui étaient déjà mis en exploitation. À date, nous avons pu exploiter environ 1700 ha. Cela veut dire que nous sommes au-delà de ce qui nous avait déjà été assigné », se félicite Jacques Bonkoungou, Secrétaire général de Bagrépôle.
Un motif de satisfecit pour la SP de l’initiative présidentielle. Pour elle, l’initiative présidentielle « Assurer à chaque enfant en âge scolaire au moins un repas équilibré par jour » n’est rien d’autre qu’un marché potentiel pour les producteurs.
Ce, parce que pour approvisionner les cantines scolaires, les écoles devront s’appuyer sur la production locale. Cela est effectivement l’idéal, mais force est de constater que les produits agricoles locaux, malgré leur meilleure qualité, ne sont pas payés par les fournisseurs des cantines scolaires.
Le riz, roi des productions dans les espaces aménagés de Bagrépôle
Nonobstant, Bagrépôle vit bien et ne cesse de s’accroître. Il y a des résultats satisfaisants, mais aussi des défis à relever. Notre excursion dans ce bastion agricole sur lequel repose un espoir de développement économique du pays nous a permis de découvrir plusieurs unités de production et de transformation de riz, de poisson, des périmètres irrigués, etc.
De la riziculture à la pisciculture en passant par les unités de transformation, on peut dire que la machine Bagrépôle est huilée. Il ne reste qu’à mettre les gaz. Puisque même les premiers responsables reconnaissent que le site n’a pas encore atteint sa pleine capacité d’exploitation.
Bagrépôle, par exemple, ce sont 5 périmètres irrigués, un ensemble de 5 880 ha sans compter l’espace non irrigué qui reste. « Nous avons par exemple les périmètres de 680 ha, de 1500 ha qui sont mis en valeur, un périmètre de 1200 ha en rive droite qui est mis en valeur.
Nous avons aussi un périmètre 2194 ha au niveau de la rive droite qui n’est pas encore complètement achevé », détaille Rigobert Guingané, Directeur de la valorisation économique de Bagrépôle. Selon lui, dans ces cinq périmètres de Bagrépôle, on rencontre toutes sortes de productions. À l’entendre, la riziculture occupe la grande partie de la production.
« On a une capacité de production (de riz, NDLR) de 3100 ha par campagne soit autour de 6200 ha par an avec un rendement qui tourne autour de 4 tonnes l’ha », renseigne-t-il sur la production de riz. À cela, ajoute-t-il, des aménagements permettent aussi la production des agrumes, les tangelos, la banane, la papaye et les cultures maraîchères de saison sèche que les producteurs font en contre-saison.
On a effectivement pu constater que la production de riz se fait majoritairement sentir à Bagrépôle. Il y a toute une chaîne allant de la culture à la transformation pour ce produit sur place à Bagrépôle. Madame Kéré/Zouré Lamoussa, depuis plus de dix ans, a une rizerie dans la plaine de Bagré. Agro businesswoman, elle achète le riz bord champ avec les producteurs et le transforme dans une rizerie propre à elle.
Et tout cela se fait à Bagrépôle. Par an, elle peut se frotter les mains. « Nous achetons le riz avec les agriculteurs à 200 francs le kilogramme. Nous avons une usine de transformation où le riz est débarrassé de ses coques, blanchi et mis en sac », nous explique-t-elle. À l’entendre, par an, elle arrive à vendre plus de 1000 tonnes de riz aux grossistes.
La brave dame avoue également que si elle écoule 750 tonnes l’année, c’est que les affaires n’ont pas été bonnes. Par ailleurs, cette année, elle évoque des difficultés dans l’écoulement de ses produits, mais elle dit garder bon espoir pour la suite.
Selon Jacques Bonkoungou, Bagrépôle contribue à la production de riz au plan national à travers plusieurs unités semi-industrielles et industrielles de production de riz qui existent dans la plaine. Le mérite et la vocation de Bagrépôle, selon ses premiers responsables, c’est de favoriser justement la production et la transformation, bref de booster l’économie de façon endogène. Comme la filière riz, d’autres filières connaissent une organisation de la production. C’est également le cas de la pisciculture.
Bagrépôle, c’est aussi ce cadre enchanteur du centre écotouristique. C’est notre gîte tout au long de notre séjour. Il faut le dire, nous avons trouvé la cuisine, avec la bonne soupe de carpe pêchée du barrage, exquise. On y a mangé des mets locaux, dont la matière première est issue de la plaine. Le cuisinier pour parfaire le tout est un véritable cordon bleu.
Que dire de notre chambre d’hébergement ? Nous y avons occupé une spacieuse villa de 3 chambres salon avec trois autres confrères. Les lits y étaient spacieux avec un design présidentiel. Cependant l’arbre ne doit pas cacher la forêt.
Des difficultés, le soldat Bagrépôle en connait
Nous constatons que dans d’autres villas du centre écotouristique, les plantes sont en train de prendre le dessus sur les bâtisses, un fait sans doute lié à un manque de fréquentation des touristes. La piscine aussi n’est pas en reste. Des batraciens y règnent en maîtres. Interrogé sur la question, le directeur général du centre écotouristique de Bagré, Capo Chichi Joel Euric, rassure.
À l’entendre, le problème constaté n’est pas lié en tant que tel au manque de fréquentation. « Les vacances surpassées, on refusait du monde. Même pendant la période des fêtes, on refusait du monde« , révèle-t-il. Selon lui, il y a une certaine psychose due à la situation sécuritaire globale du pays. Pourtant, la zone est sécurisée. Pour lui, cette situation est due au fait qu’il y a une confusion entre Bané qui a déjà enregistré une incursion d’hommes armés et Bagré.
Si bien que beaucoup de touristes se laissant hanter par cette fausse psychose évitent la destination Bagrépôle. Pour ce qui est de la piscine, celui-ci nous fait savoir que la situation d’occupation des lieux par ces batraciens est due à une panne de la machine à pompage d’eau.
Cela rend difficile le traitement de la piscine. Et « comme tout doit passer par la commande publique ça (le paiement de la machine, NDLR) prend du temps« , nous avoue à mi-voix M. Capo Chichi. Il nous assure par ailleurs que la situation sera réglée dans un bref délai.
Qu’à cela ne tienne, nous y passons notre séjour en toute sécurité, contrairement à ce que les gens qui se laissent gagner par la psychose de l’insécurité pensent. La sécurité est garantie dans le centre écotouristique et dans le reste de Bagrépôle. Dans le périmètre, on ne peut pas faire une certaine distance sans tomber sur des éléments des Forces de Défense et de sécurité (FDS) ou des Volontaires pour la défense de la partie (VDP).
Pour la petite histoire, un confrère qui s’est adonné à une randonnée pédestre nocturne a vite rebroussé chemin après être tombé né à né avec des FDS dans la pénombre. Il s’agissait, selon ses explications, d’un important groupe de FDS qui faisait la ronde. De cette rencontre avec les éléments amis, il s’est pris de frayeur et a écourté sa balade. Il se plaisait à nous dire que le coin est sécurisé tout en nous racontant son aventure.
Chantier d’exploitation en pleine extension, Bagrépôle porte les espoirs d’un Burkina Faso en route vers sa prospérité économique. Notre guide dans cette immersion se plait à nous prévenir que si on a besoin de quelque chose à Bagrépôle de le prévenir à date pour qu’il prenne des dispositions, car dans un rayon de 50 km de notre point de départ, on est toujours à Bagrépôle.
De façon imagée, c’est cela l’étendue de ce mastodonte économique en pleine ébullition, premier du genre au Burkina Faso. Selon nos recherches, « la zone du projet se situe sur les deux rives du fleuve Nakambé entre les parallèles 11°12’ et 11°53’ de latitude Nord et les méridiens 0°14’ et 0°50 de longitude Ouest » (site web Bagrépôle).
Selon le secrétaire général de Bagrépôle, le pôle de croissance de Bagré a été mis en place en 2012. Il est issu de la restructuration de la maîtrise d’ouvrage de Bagré. Le volet électrique s’est achevé en 1993 avec la réalisation d’une centrale hydroélectrique d’une capacité de 16 mégawatts.
La plaine hydroagricole de Bagrépôle est passée d’une production de 21 824, 6 tonnes en 2012 à 39 527, 55 tonnes en 2019, soit un taux d’accroissement global de 55, 21. Sur l’ensemble de la zone de concentration, la production totale est passée de 103 896 tonnes en 2013 à plus de 160 300 tonnes en 2019.
Actuellement, le réseau routier y est développé et est en pleine croissance. Les bulldozers vrombissent toujours quand nous quittons les lieux dans la matinée du 25 novembre, preuve de la croissance du projet Bagrépôle. Vivement que ce pôle atteigne sa pleine croissance et que la capitalisation issue de sa mise en place appelle d’autres pôles.
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Hamadou OUEDRAOGO
Burkina 24
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