« Faso One Village », une bouée de sauvetage contre les accidents de la route
Ouagadougou, la Capitale du Burkina Faso, porte également la casquette de la capitale des deux roues. La belle cité est réputée pour son effervescence urbaine et sa circulation dense. Face au flot incessant des engins, les accidents de la route sont malheureusement fréquents. L’ONASER dénombre 25.118 cas d’accidents avec 15.340 blessés pour 1.272 personnes tuées, en 2021. C’est assez énorme ! Aux côtés de la force publique engagée dans la sensibilisation et la répression, des structures privées abattent également un grand boulot. Au front contre les accidents de la route, l’Association Faso One Village (AFOV) joue aussi sa partition. Guidés par l’engagement citoyen et la volonté de faire la différence, ces infatigables volontaires sillonnent les carrefours, œuvrant sans relâche à fluidifier le trafic et, surtout, pour sauver des vies. A la rencontre des bénévoles de l’AFOV, véritables soldats de la sécurité routière au carrefour de Katr-Yaar à Ouagadougou.
Décembre 2023. Nous sommes dans l’arrondissement 5 de la ville de Ouagadougou. Au cœur d’une circulation dominée par les engins à deux roues. Les sifflements de moteurs, les klaxons intermittents, la vitesse et la précipitation caractérisent le rythme d’un trafic urbain mouvementé.
Les esprits sont à la fête. C’est l’effervescence dans la ville de Ouagadougou. La course contre la montre, pour célébrer la nouvelle année, s’intensifie. Mais, cette frénésie s’accompagne souvent d’une négligence fâcheuse des règles de sécurité routière.
Les panneaux de signalisation sont souvent rangés aux oubliettes par des usagers. Les actes d’incivisme se multiplient, transformant les routes en zones de danger accrues. Conséquences, la grande faucheuse s’en lèche les mains.
Nous sommes aussi acteurs de la circulation, le 22 décembre 2023. Il est 17 heures à notre montre. Nous tentons de regagner notre domicile après une journée de travail. Aux pas, à l’intersection de Katr-Yaar, communément appelée feu de Katr-Yaar, pour respecter le panneau de signalisation, une agitation inhabituelle attire notre attention.
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Notre instinct journalistique prend le dessus. Nous ne pouvons pas décliner cet appel de la curiosité. Nous nous faufilons donc dans la foule. Sur place, le tableau est familier, mais toujours aussi désolant. Un accident de circulation. L’incident est devenu presque banal. Puisqu’on en voit quasiment tout le temps en circulation.
Pour le présent accident, ce sont deux engins à deux roues qui sont entrés en collision. Une moto de marque connue et une autre dont l’identité a été effacée suite à la violence du choc. Cette dernière est complètement désagrégée, entièrement dispersée sur la chaussée.
Nous sommes témoins silencieux d’un télescopage qui aurait pu avoir des conséquences bien plus dramatiques. Fort heureusement, aucun blessé grave n’est à déplorer. Seuls les engins portaient les stigmates de la violence de l’accident.
Des jeunes, membres de l’Association Faso One Village (AFOV), se mettent à l’œuvre
Loin de rester spectateurs passifs, de jeunes hommes et femmes se mobilisent spontanément pour porter secours aux victimes. Avec humanisme et une solidarité remarquable, ils prodiguent les premiers soins aux blessés et sécurisent la zone en attendant l’arrivée des secours. Ces jeunes, ce sont les membres de l’Association Faso One Village (AFOV).
Vêtus de leur uniforme bleu marine de la tête au pied, les membres de cette association n’ont d’autres combats que maintenir la fluidité du trafic. Mais cette fois, ils n’ont pas pu empêcher cet accident. Néanmoins, ils ont promptement apporté assistance aux victimes.
A la tête de cette association, un homme engagé tient le bâton de commandement. Ousmane Sawadogo, un visage familier à ceux qui empruntent les rues du carrefour de Katr-Yaar. Du haut de ses 1m96, Ousmane sonne la cinquantaine. Un physique qui ne passe pas inaperçu, qui sans le vouloir intimide le plus souvent les inciviques de la circulation. Mais, ce colosse de la sécurité routière n’a pas commencé là.
Las de voir des vies gâchées par des comportements irresponsables, cet ancien transporteur et chauffeur de taxi troque son volant pour un gilet, un sifflet, un bâton de signalisation, une casquette de gardien de la route. Sa nouvelle mission est désormais de lutter contre l’incivisme et sauver des vies.
En une dizaine d’années de présence au carrefour de Katr-Yaar, il a le mérite de contribuer à la baisse du nombre d’accidents au niveau de ce carrefour. Lui et ses collaborateurs sont désormais les véritables anges gardiens pour les usagers de ce croisement.
« En 2008, je me suis levé, il y avait beaucoup de délestages et avec quelques éléments on a commencé à travailler sur ce carrefour, ce n’était pas goudronné comme ça, et on était là. En tout cas on essaye de faire de notre mieux pour qu’il n’y ait plus d’accident. Franchement, il y a eu un changement côté accident mortel à ce carrefour, je ne dis pas qu’il n’y en a pas, mais les chiffres ont diminué », se satisfait Ousmane.
« L’année passée, on a enregistré un décès »
Des efforts, Ousmane Sawadogo et son équipe en font. Du progrès, encore plus dans la gestion du trafic dans ce carrefour très agité. Mais garantir la vie éternelle à tous les usagers, ils n’en possèdent pas l’onction. Au quotidien, ils luttent bec et ongle afin d’assurer un retour certain à tous ceux qui quittent leur domicile pour répondre à certaines obligations.
Qu’à cela ne tienne, les anges de la mort sillonnent le carrefour en attendant les usagers indélicats et parfois malchanceux. « Si je vais regarder, l’année passée, j’ai enregistré un décès », déplore-t-il avec émoi. De ces grands exploits, Ousmane Sawadogo n’est pas le seul acteur.
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Face à l’ampleur d’un trafic dominé par l’incivisme, il rallie des jeunes à sa cause. Ainsi nait donc l’Association Faso One Village (AFOV).
Créée le 17 mars 2008, l’association réunit à ce jour une centaine de jeunes acquis à la cause de la promotion de la sécurité routière. Les champs d’action : réguler, sensibiliser et aussi apporter assistance en cas de besoin sur les routes.
Mais le dynamisme de son équipe est aussi le leitmotiv. Partie au départ avec 5 personnes, l’Association Faso One Village compte aujourd’hui des centaines d’âmes. Hommes, femmes, sans distinction ethnique y travaillent.
Postés principalement dans trois carrefours stratégiques à Ouagadougou, ils font des mains et des pieds pour préserver des vies.
« Je suis fière d’aider les usagers à bien s’orienter pour la circulation »
L’arrondissement 5 est le bastion de ces soldats de la route qui font la garde de 6h à 18h dans les carrefours. Dès les premiers rayons du soleil, ils sont postés dans les quatre coins du carrefour. Panneaux de signalisation en main, ils s’interfèrent entre les passants dans le seul but de leur assurer un trajet paisible.
Parmi ces héros de la circulation, une dame d’une forte corpulence attire notre attention. Noélie, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, est membre de l’AFOV depuis maintenant trois ans. Mariée et mère de 4 enfants, Noélie jongle entre son foyer et les abords des carrefours où elle prend un fort plaisir à voler au secours des usagers.
« Je suis fière de réguler la circulation, je suis fière d’aider les usagers à bien s’orienter pour la circulation. J’ai le plaisir de faire ce travail. Je suis membre de l’AFOV depuis trois ans maintenant. Je ne me plains pas dedans », fait savoir la jeune dame, avec des jets de regards sur la route, instinct de job oblige.
Profondément émus par les actions remarquables de l’Association Faso One Village, les passants ne peuvent s’empêcher d’exprimer leur soutien. De temps à autre, ils font des dons spontanés, permettant ainsi aux membres de l’AFOV, tous bénévoles dévoués, de poursuivre leur mission. Ces âmes charitables n’hésitent pas à louer publiquement les services d’Ousmane et ses coéquipiers.
« Pour moi, c’est un travail noble, en ce sens que ça va limiter quelques accidents, ça va aussi permettre à certaines personnes de prendre conscience quand ils sont en circulation », apprécie Loussané Séré, usager de la route.
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Principal organe régulateur de la circulation routière, l’Office National de la Sécurité Routière (ONASER) ne reste pas aussi indifférent face aux associations qui font de la régulation de la sécurité routière leur credo, à l’image de l’AFOV.
« Au regard de la transversalité même de la sécurité routière, on ne peut pas mener des actions de sécurité routière, tout seul », reconnait, Nina Samé/Yaméogo, directrice de la planification et de la promotion de la sécurité routière à l’ONASER.
« Il arrive que l’ONASER trouve du matériel pour ces associations »
Pour aller au-delà des simples mots, l’ONASER a adopté une batterie d’actions pour prêter main-forte à ces associations. « Pour les associations, l’ONASER les accompagne comme il peut. Au titre des accompagnements, il est prévu des accompagnements surtout techniques au profit des associations de sécurité routière.
L’ONASER forme les membres des associations de la promotion de la sécurité routière sur la sécurité routière, afin qu’elles puissent servir de relais auprès des usagers de la route. Il est prévu aussi des accompagnements matériels. Il arrive que l’ONASER trouve du matériel pour ces associations.
Ça peut être des bâtons lumineux, des sifflets, des cônes, pour les associations afin qu’elles puissent réguler la circulation, et éviter au maximum les accidents de la circulation », énumère dame Samé, toute aussi engagée pour les causes de la circulation routière.
Les conseils de l’ONASER pour réduire le nombre des accidents de circulation à voir dans la vidéo 👇👇
De son côté, le ministre en charge des transports, Anûuyirtole Roland Somda, s’engage activement à réduire au maximum les accidents de la route.
En témoigne son passage du 29 mars 2024, à l’Assemblée Législative de Transition (ALT). Il a sonné l’alarme en déclarant que « 65% des accidents de la route sont dus à des facteurs humains ». Cette déclaration capitale vient corroborer une fois de plus la pertinence et l’impact crucial des actions menées par l’Association Faso One Village.
Pour étayer cette déclaration, le chef du département des transports note que les facteurs humains, tels que l’excès de vitesse, la conduite sous l’influence de l’alcool ou de drogues, le non-respect des feux de signalisation et l’utilisation imprudente du téléphone au volant ou au guidon constituent des menaces majeures à la sécurité routière.
À l’entendre, il est impératif que chaque usager de la route prenne conscience de sa responsabilité et adopte des comportements exemplaires pour garantir la sécurité de tous.
« Nous exhortons l’ensemble des Burkinabè à faire preuve de compréhension »
Au-delà donc de saluer l’engagement sans faille des acteurs œuvrant à la régulation de la circulation routière, le ministre Somda lance un appel pressant aux usagers de la route, les exhortant à adopter des comportements responsables et respectueux du Code de la route.
« Si action il y a à mener, il faut mettre l’accent sur l’Homme. Mon département a travaillé, et travaille à sensibiliser l’Homme, à sensibiliser les citoyens, les usagers de la route quant aux règles de bonne conduite lorsque nous sommes en circulation… Nous exhortons l’ensemble des Burkinabè à faire preuve de compréhension, de patriotisme en adhérant, en répondant favorablement à l’appel des autorités », plaide Anûuyirtole Roland Somda.
Grâce à l’engagement continu des bénévoles dévoués qui font de la régulation de la circulation leur combat quotidien, des lueurs d’espoir se profilent sur les routes du Burkina Faso.
Les chiffres de l’Office National de la Sécurité Routière (ONASER) témoignent d’une légère baisse des accidents en 2022, avec 24.686 cas recensés, occasionnant 15.384 blessés et malheureusement 1.150 décès. De ces avancées, il faut s’en réjouir. Mais baisser la garde, non !
Sié Frédéric KAMBOU
Burkina 24
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