Contraceptifs au Burkina Faso : L’autre face du « BBL » pour les jeunes

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Le taux de prévalence de la contraception moderne (TPCm) des femmes non mariées et sexuellement actives au Burkina est passé de 68% en 2022 à 61% en 2024, selon des résultats clés de la 10e vague de collecte de données du projet de recherche PMA Burkina. Si pour certaines femmes en âge de procréer, l’utilisation des contraceptifs répond à un désir d’espacement des naissances, pour d’autres en revanche, les méthodes contraceptives sont adoptées à d’autres fins. 

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« Pour ou contre les contraceptifs pour les adolescents ? ». C’est un sujet qui a fait l’objet d’un débat dans un groupe Facebook en 2023. Le débat a fait couler beaucoup d’encre et de salive dans le groupe, tellement les avis divergeaient. Cependant, il faut reconnaître que la majorité des femmes étaient pour l’utilisation des contraceptifs. Une dans les commentaires lâche : « Le jour où ma fille voit ses règles et si je remarque qu’elle commence à côtoyer les hommes, je la mets sous contraceptif ».

Une réponse parmi tant d’autres qui captive notre attention… Et nous entreprenons d’écrire en privé, des femmes. Certaines acceptent immédiatement. D’autres par contre refusent collaborer avec nous. Elles nous l’ont fait savoir clairement. Elles ne souhaitent pas échanger avec une inconnue sur un tel sujet.

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Celles qui ont accepté nous ont posé comme condition que leur intervention reste sous anonymat. Maria (nom d’emprunt) a été catégorique : « J’accepte parler mais si mon nom apparaît quelque part et ça arrive chez mon mari, ça sera vous et Dieu car je sais que mon foyer sera en danger », nous prévient-elle.

Après l’avoir mise en confiance, elle décide enfin de s’ouvrir à nous. « Ma chérie, il n’y a rien de plus compliqué que l’éducation des enfants dans une famille polygame. Ma coépouse a des filles tout comme moi. Et si ma fille tombe enceinte dans cette cour, mon mari va me répudier. Vous connaissez les jeunes de nos jours, elles n’écoutent pas. Ma petite depuis ces 15 ans, elle ne reste pas tranquille.

Je l’ai frappée maintes fois même mettre Gnamakou (gingembre, NDLR) chez elle, on dirait rien. On ne se met pas au monde et si on pouvait lire la souffrance d’une mère je crois qu’elle allait arrêter. C’est face à tout cela que je l’ai amenée voir une sage-femme et elle a choisi une méthode contraceptive pour elle. Moi à mon tour je lui ai dit de se protéger pour éviter les maladies. Même ça elle a dit vion vion, elle ne le fera pas », renchérit-elle.

Abiba (nom d’emprunt) tout comme Maria dit qu’à 15 ans, elle a mis sa fille sous contraceptif. Elle nous confie qu’elle a surpris une fois sa fille d’expliquer ses ébats sexuels à sa copine. « Je ne savais même pas qu’elle avait un copain à fortiori être déjà sexuellement active. Je lui ai fait faire un test de grossesse avant de lui demander de se protéger dorénavant », affirme-t-elle.

Si ces femmes par peur de leurs conjoints ont voulu éviter des grossesses précoces à leurs enfants, pour une des éducatrices dans un Lycée de Ouagadougou qu’on nommera madame Ki, qui intervenait dans le débat  du groupe que nous avons approché aussi en privé dit que l’éducation des jeunes filles de nos jours est à revoir. Elle confie qu’elle ne sait pas combien d’élèves viennent dans son bureau.

« Comme une mère, je les écoute mais quand je veux leur dire de se concentrer sur leurs études, certaines avec un air moqueur me dit madame les temps sont plus pareils tout en souriant, en rétorquant madame si tu ne donnes pas, ton copain va aller voir ailleurs. 

Ou si tu lui dis de se protéger, il va penser que tu ne l’aimes pas donc on est obligé de faire avec », poursuit-elle. Cette éducatrice dit qu’elle fait de son mieux pour conseiller celles qui viennent à elle en les encourageant à aller voir des spécialistes en matière de santé sexuelle et reproductive.

Entretien avec certaines jeunes filles sous contraceptif 

Si elles sont nombreuses ces mères qui mettent leurs filles sous contraceptif, il faut reconnaître que beaucoup de filles le font aussi à l’insu des parents. Un groupe de filles qu’on accoste, qui au départ sont hésitantes, se prêtent enfin à notre micro. Comme à chaque fois qu’on se dirige vers quelqu’un dans le cadre de cette enquête, la phrase qui reviennent à chaque fois, on peut parler mais sans caméra et à condition qu’on n’entend pas nos voix, disent-elles.

« Je vais parler, c’est bien Burkina 24, chez vous, vous écrivez n’est-ce pas ? Sinon si c’est pour me filmer ou m’enregistrer je ne vais pas le faire, c’est facile de m’identifier », nous dit l’une d’entre elles. Après l’avoir rassurée, elle décide de s’ouvrir à nous, Aline, âgée de 14 ans, dit avoir utilisé déjà des contraceptifs, pour elle, c’était la pilule du lendemain. « D’habitude je me protège mais il arrive que je ne le fasse pas, et dans ce cas de figure, je prends la pilule après les rapports sexuels », confie-t-elle.

A la question de savoir combien de fois par mois ? Ou par semaine ? Elle confie que ça dépend. « Ça dépend, dans la semaine si j’ai fait deux fois si je vois que c’est risqué, je prends ça pour être tranquille. Si je m’amuse tomber enceinte mes parents vont me tuer », avance-t-elle.

Sita, 16 ans à son tour renseigne qu’elle prend les contraceptifs mais elle n’a jamais eu de relation sexuelle. Pour elle, c’est juste pour avoir un joli teint et une belle forme. « La belle forme mon combat ! Pour le moment je ne veux pas de relation sexuelle avec un homme, ma préoccupation, ce sont les études d’abord. Mais pour belle forme je ne laisse pas », dit-elle en souriant.

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À l’image de Sita, Fatou 19 ans, dit qu’elle est sous contraceptif depuis l’âge de 16 ans. « Et en toute franchise, je voulais une forme de waouh parce que j’ai longtemps été rabaissée à cause de mon physique depuis toute petite. Je me rappelle qu’on m’avait même surnommé » djalamane saché » ou « macaroni ni slipoudo », c’est en dioula je ne sais pas comment vous traduire cela en français mais c’était pour montrer à quel point suis maigre ».

Avec l’adolescence entre copines, on se passe des astuces. « C’est dans cela mes copines m’ont fait comprendre que si elles ont de belles silhouettes, c’est grâce aux méthodes contraceptives. Quand j’ai essayé, je ne le regrette pas, j’ai la forme que je veux, souvent je prends trop de poids mais ça vaut mieux que mon avant, c’est BBL qui coûte cher sinon avec ça, ça marche, vous même regardez comment suis bien dessinée« , confie Fatou.

L’utilisation de ces contraceptifs est- elle sans conséquences ? 

Nous avons pris l’initiative d’entrer en contact avec des spécialistes pour savoir si l’utilisation de contraceptifs peut avoir des impacts sur la santé des jeunes. Nous contactons une gynécologue. Au téléphone on lui brosse le sujet, elle nous programme pour l’entretien un jeudi soir à 17h dans une clinique de la place, on arrive 10 mn avant l’heure de l’entretien.

Après quelques minutes, elle nous fait savoir qu’elle va mieux s’approprier du sujet et nous programmer pour une autre fois. Car, dit-elle, elle travaille dans une structure internationale qui est sur un projet de promotion des contraceptifs chez les adolescents, elle doit mieux comprendre le sujet et nous revenir dans les semaines qui suivent.

Après plusieurs relances, le RDV n’a jamais eu lieu. Là, notre curiosité augmente, ce sujet est-il tabou ? On se dirige vers d’autres centres de santé, et un maïeuticien accepte se prononcer sur le sujet. Mais son supérieur demande une autorisation du ministère de la santé.

On dépose une demande d’autorisation au niveau du ministère après l’approbation de la demande, on repart dans ce centre muni du document, le supérieur hiérarchique du maïeuticien avec qui on devrait s’entretenir refuse catégoriquement de nous laisser faire l’interview. « La demande est là, mais je refuse catégoriquement car je n’ai pas reçu d’appel du ministère », dit-il.

En attendant qu’il ait l’appel du ministère, on se dirigea vers l’ABBEF. Une fois dans ce centre qui conseille en matière de santé sexuelle et reproductive, on s’entretient avec Mady Dera, médecin qui laisse entendre que le Burkina Faso dispose de beaucoup de contraceptifs allant de méthodes naturelles, les contraceptifs modernes tels que la pilule du lendemain ; le stérilet hormonal ; le patch contraceptif ; l’implant contraceptif ; l’anneau vaginal ; l’injection contraceptive.

Mady Dera, médecin

A la question de savoir s’il y a de méthodes destinées spécialement aux adolescents ? Dr Dera  répond d’abord par la négative car pour lui, dès qu’une fille voit ses règles déjà, elle peut commencer les contraceptifs. « Les tranches d’âge au Burkina Faso commencent à 10 ans en remontant. Il faut dire que dès lors que l’adolescente a vu ses règles, si elle est sexuellement active, elle peut utiliser une méthode contraceptive », précise-t-elle.

Pour Dr Dera, il n’y a pas de méthodes destinées aux adolescents, le choix de ces méthodes dépend de leur besoin. « Elles peuvent utiliser toutes les méthodes que j’ai citée à l’exception des méthodes chirurgicales », ajoute-t-il. Aux jeunes filles qui ne sont pas très sexuellement actives ou qui le font occasionnellement, il les conseille l’abstinence ou d’utiliser les préservatifs.

Par rapport à la pilule du lendemain, qui n’est pas une méthode contraceptive, Dr Dera souligne qu’il n’est pas conseillé de la prendre plus d’une fois dans un cycle. Car elle est très dosée en hormones et peut perturber le fonctionnement hormonal des jeunes filles.

« Les jeunes doivent comprendre que les pilules du lendemain ne sont pas des méthodes contraceptives et doivent être utilisées lorsqu’on a eu un rapport non protégé et ce rapport peut aboutir à une grossesse, on peut se rattraper avec la pilule du lendemain », prévient-il.

Contraceptifs pour les personnes sexuellement actives

La plupart des personnes qui viennent à nous sont d’abord sexuellement actives. Ces jeunes quand ils viennent, c’est pour trouver des solutions, fait comprendre Dr Dera. « Étant sexuellement actives, elles veulent savoir comment elles peuvent faire pour ne pas tomber enceinte et aussi éviter des maladies sexuellement transmissibles », explique-t-il.

La prise de poids est l’un des effets secondaires de certaines méthodes contraceptives, la prise de poids donne l’impression d’avoir une belle forme, pour certaines filles. A entendre Dr Dera, au Burkina, la prise de poids fait croire que tout va bien et pousse certaines jeunes à prendre des contraceptifs.

« Chez nous, la belle forme n’est pas un critère quand elles viennent vers nous même si c’est le cas, elles ne le diront pas. Nous même, la prise de poids est un signe que les méthodes contraceptives ne vous convient pas. On va insister là-dessus, dès lors que tu prends du poids, y a un suivi et dans ce suivi il y a un seuil acceptable, quand c’est au-delà de ce seuil, on va te demander de changer de méthodes car ça ne convient pas si tu poursuis ça peut te créer d’autres soucis de santé », note-t-il.

Ira Daouda, confie qu’ils reçoivent beaucoup de jeunes à leur niveau dont l’âge varie entre 11 ans et plus. A l’en croire, ils ont déjà reçu une fille de 11 ans au cours d’une consultation. « Au début, je pensais qu’elle a accompagné sa mère qui était venue en consultation. C’est quand elle est rentrée pour la consultation qu’elle m’a dit qu’elle veut adopter une méthode contraceptive. Elle m’a fait savoir qu’elle a 11 ans, elle me disait qu’elle était en classe de Cm2. Je lui ai demandé c’est quelle méthode contraceptive elle désire, elle m’a dit injectable 3 mois », fait-il savoir

Ira Daouda, Maïeuticien

À la question de savoir si c’est permis de conseiller une adolescente de 11 ans sur la prise des contraceptifs, il répond par l’affirmative. Il nous fait comprendre que lorsqu’une fille voit déjà ses règles, et vient vers eux et dit qu’elle est en activité sexuelle, ils sont dans l’obligation de la conseiller.

« Généralement, si ce sont les jeunes de 11 ans, 12 ans, on essaye de comprendre, ce qui l’a poussé à vouloir être sous contraceptif. On essaie aussi de voir si elle peut être accompagnée par quelqu’un pour mieux comprendre certaine chose », informe-t-il.

Il laisse entendre que la majeure partie des filles qui viennent à eux leur font savoir qu’elles sont sexuellement actives et que si elles n’adoptent pas de méthodes contraceptives, elles risquent de tomber enceinte. « D’autres aussi viennent adopter une méthode contraceptive parce qu’elles ont entendu dire que faire la méthode contraceptive amène un changement sur sa morphologie », révèle-t-il.

Saly OUATTARA

Burkina 24

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