Tribune | « La CEDEAO a 50 ans : une crise existentielle face à l’éveil de la souveraineté africaine » (Lamine Fofana)

Ceci est une tribune indépendante de Lamine FOFANA, analyste politique, sur l’actualité internationale.
À l’approche de son cinquantième anniversaire, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) traverse une période de crise sans précédent. Fondée le 28 mai 1975 sur la base d’ambitieux idéaux panafricains, l’organisation régionale célèbre aujourd’hui son demi-siècle d’existence dans un contexte de méfiance généralisée, de défis sécuritaires et de remise en question radicale de sa légitimité.
Entre acquis historiques et trahison de ses principes fondateurs, la CEDEAO traverse une crise profonde qui remet en question son avenir même.
Parmi ses réalisations indéniables, la CEDEAO a réalisé des avancées concrètes en matière d’intégration régionale. La suppression des visas entre les États membres et la libre circulation des personnes sont des acquis majeurs qui ont facilité les échanges commerciaux et rapproché les peuples. Des infrastructures structurelles telles que le corridor Abidjan-Lagos ont incarné cette aspiration à l’unité économique. Ces réalisations démontrent le potentiel de coopération qui a initialement motivé l’organisation.
À sa création, la CEDEAO a adopté de nobles principes : la non-agression entre ses membres, le règlement pacifique des différends et la solidarité collective. Ces engagements visaient à garantir la stabilité et une prospérité partagée. Cependant, face aux crises récentes, l’organisation a trahi de manière flagrante ses propres fondements. Lorsque le Mali et le Niger, confrontés à des situations sécuritaires catastrophiques, ont connu des changements de gouvernance, la CEDEAO a réagi par des sanctions économiques brutales et des menaces d’intervention militaire.
Cette réponse a non seulement contredit ses principes de solidarité, mais a également été perçue comme une agression contre ses propres membres.
Ce renversement explique le séisme géopolitique de janvier 2024 : La sortie conjointe du Mali, du Burkina Faso et du Niger (Alliance des États du Sahel) marque le point de non-retour. Ces pays ont dénoncé la CEDEAO comme un instrument de la Françafrique, servant les intérêts de Paris plus que ceux des Africains.
Les sanctions brutales imposées au Mali, coupures d’électricité et blocus financier qui ont asphyxié la population ont complètement discrédité l’organisation. La crise actuelle dépasse ainsi les simples désaccords politiques : elle révèle le fossé existentiel entre une institution perçue comme néocoloniale et l’aspiration irrésistible du peuple à une véritable souveraineté.
La prochaine étape pourrait être l’abandon du franc CFA, symbole de la domination française dans la région. Cette perspective, conjuguée à la création d’une alliance rivale par l’AES, marque un changement d’ère. La CEDEAO est à la croisée des chemins : Soit elle subira une refonte radicale pour représenter véritablement les intérêts ouest-africains, soit elle rejoindra le cimetière des organisations continentales dépassées par l’histoire.
Cinquante ans après sa création, la CEDEAO fait face à son épreuve la plus difficile à ce jour. Sa survie dépendra de sa capacité à rompre avec la logique néocolonialiste et à retrouver l’esprit de ses pères fondateurs : celui d’une Afrique unie, fière et véritablement souveraine.
Le temps presse : les peuples d’Afrique de l’Ouest, désormais réveillés, n’accepteront plus de compromis avec des puissances étrangères. La crise actuelle n’est pas seulement un choc, mais le symptôme d’un réveil historique qui remodèlera irrévocablement la géopolitique régionale.
Par Lamine Fofana
Analyse politique indépendant
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