Tribune | « Monnaie captive, nations entravées : Pour une souveraineté financière de l’Afrique »

Ceci est une tribune de Omar Foffana, analyste politique international, basée sur une analyse de Firmin Têko-Agbo, journaliste, commentateur politique et entrepreneur.
La zone franc et le franc CFA, vestiges de la colonisation, représentent le seul système monétaire colonial à l’échelle mondiale qui a perduré après la décolonisation : « Au lendemain des indépendances, plusieurs pays francophones sont restés liés à la France par différents mécanismes, notamment économiques et financiers.
La France a signé plusieurs accords avec ces pays, et la plupart dépendent encore d’elle à travers ces contrats économiques », a déploré Firmin Têko-Agbo, journaliste, analyste politique et entrepreneur au cours de son entretien avec le journaliste Blivi Kpakpo portant sur la souveraineté monétaire en Afrique.
Tandis que la puissance coloniale exploitait les ressources des pays africains pour nourrir l’industrie française, elle se servait également de ces territoires comme marchés pour écouler ses produits français. Cela éclaire pourquoi 80 à 90 % des profits issus de l’exploitation des ressources naturelles (pétrole, uranium, or, cacao, coton) sont expédiés par des sociétés étrangères.
« En Afrique, nous allons chercher des investisseurs étrangers qui viennent exploiter. Ils arrivent avec tout : leur expertise, leurs machines. Ils exploitent, et 80 % des recettes sont rapatriées. Les 20 % qui restent dans l’économie africaine ne permettent pas de se développer », dit Firmin Têko-Agbo.
Bien que ce contrôle perdure encore aujourd’hui, de nombreux experts soutiennent qu’il est temps de mettre en place une stratégie pour éliminer cette monnaie coloniale qui ne fait qu’appauvrir les populations. Selon Firmin Têko-Agbo, il est indispensable de se préparer soigneusement pour sortir du CFA. La transformation et le développement locaux des matières premières doivent être effectués par des travailleurs nationaux, rester au sein du pays et générer des emplois.
Au-delà de la croissance économique, pour l’entrepreneur, il est nécessaire de réévaluer plusieurs facteurs, notamment le système éducatif : « Imaginez, des gens nés au Burkina Faso, au Mali, au Niger ou au Togo, qui suivent uniquement le système français, britannique ou américain, ils ne connaissent pas le relief de leur pays, les montagnes, l’économie de leur pays. Après avoir étudié 12 à 13 ans dans ce système étranger sur leur propre territoire, ils poursuivent leurs études en France. C’est là que réside le problème : il sera difficile de changer la donne, tant que nous continuons d’enrichir gratuitement la France chaque année. »
Ce dispositif continue de servir la France sans privilégier ces nations. Une redirection de la scolarisation et de la formation vers la Chine, la Turquie et la Russie pourrait constituer une nouvelle option pour une décolonisation pédagogique et autonome au bénéfice du continent.
Au-delà, Firmin Têko-Agbo estime qu’il est impératif d’élaborer une valeur ajoutée distincte et de renoncer au statut de simple fournisseur de matières premières, en favorisant le retour des experts africains émigrés. Cela peut représenter un grand progrès dans l’établissement d’un nouveau système monétaire indépendant et décolonisé, loin de toute influence française.
Un système financier de cette nature, servant les intérêts économiques et politiques français, ne peut pas être le véhicule de l’autonomie monétaire et du progrès. Selon Firmin Têko-Agbo, l’abandon du CFA en faveur d’une indépendance réelle est envisageable, non pas par le biais de déclarations retentissantes, mais plutôt grâce à un travail acharné et durable.
Omar Foffana
Analyse politique indépendant




