Médicaments de la rue à Bobo : Le règne du « Tramadol »
La vente illicite des médicaments de la rue prend de l’ampleur à Bobo-Dioulasso. Et la consommation excessive de certains produits de santé est devenue une habitude des populations. Il s’agit notamment des médicaments classés parmi les substances vénéneuses de la liste de stupéfiants dont l’accès n’est autorisé que par ordonnance. Malgré cela, les populations s’en procurent comme de petits pains sur le marché non légal.
14, 15, 120, 125, 150, 200, 500, Djess, Blé-blé, deux-couleurs ou vert-blanc. Autant de noms pour désigner ces substances vénéneuses de la liste de stupéfiants et communément appelées « Tramadol ».
Qui les consomment ?
A Bobo-Dioulasso, dans les quartiers, les marchés et les kiosques à café, ces médicaments de la rue se vendent comme de petits pains. Les consommateurs se recrutent majoritairement au sein des travailleurs du secteur informel, des ouvriers, voire des étudiants et des élèves.
La preuve dans un kiosque à café à Bobo, le vendredi 8 janvier 2016. Des clients sont assis. Les commentaires vont bon train. Certains boivent du café. Il s’agit en fait d’un breuvage composé de café et de deux ou quatre comprimés, voire la plaquette entière de ces produits.
L’un d’eux affirme que personne ne peut freiner la vente de ces produits, encore moins la consommation. « Il y a plus de 90% des jeunes du grand marché de Bobo-Dioulasso qui consomment. Même les femmes sont devenues des utilisatrices actuellement », a-t-il ajouté.
Pourquoi ?
Les raisons de l’utilisation de ces comprimés sont diverses. Les commerçants, vendeurs ambulants, tailleurs, dockers, maçons et autres charretiers qui en usent parlent de renforcement de l’endurance au travail.
A entendre, O.F, ces produits les empêchent de sentir la fatigue et la douleur ou de dormir lors des travaux nocturnes. En plus, ils les poussent à bien manger.
Un autre utilisateur, qui a requis l’anonymat, a confié ceci : « Je suis couturier et je prends ce produit pour travailler et veiller dans mon atelier ».
« Pour comprendre mieux, il faut rencontrer des jeunes du marché de fruits qui déchargent les mangues, les patates et les oranges », affirme pour sa part, K.O. Ces produits sont aussi utilisés pour améliorer momentanément la performance sexuelle, dit-il.
De l’argent
Dernier argument qui milite à l’essor du « Tramadol », ses vendeurs font de bonnes affaires. Pour les marchands, grossistes et vendeurs ambulants qui font le porte à porte en ville à la recherche du client, ces produits sont les mieux vendus.
Un vendeur révèle qu’il encaisse plus de 12 000 F CFA dans la journée grâce aux « Tramadol », contre 3 400 F CFA pour les autres.
Mais les conséquences néfastes de ces produits sont connues : évanouissements, santé fragilisée, dégradation des facultés mentales, etc.
Selon l’explication du Président de l’ordre régional des pharmaciens de Bobo-Dioulasso, Dr Issa Tarpaga, l’utilisation abusive et irrationnelle de ces produits a des conséquences incalculables.
Adama Traoré en sait quelque chose. « Personnellement, j’ai eu à utiliser ces produits quand je faisais la couture. Ces produits me fortifiaient pendant le travail. Cela me rendait joyeux, et me permettait de surmonter le sommeil. Mais après la dose, je constatais des effets néfastes, et ça me donnait d’autres problèmes ».
L’ignorance, un levain contre la lutte
Le lundi 8 février 2016, nous avons rencontré à la parque douanière de Bobo-Dioulasso, un véhicule saisi contenant 6 sacs de 100 kg des médicaments de la rue qui passait par fraude. Selon le chef de brigade mobile des douanes de Bobo-Dioulasso, l’inspecteur de douane, Armand Koudougou, l’ampleur de la pratique est due à l’ignorance des populations.
Quand il y a des saisies, dit-il, il y a des personnalités qui interviennent pour négocier. Aussi, les populations ne mesurent pas la gravité de la conséquence de ces produits.
« Quand vous faites des saisies, il y a des interventions qui vous étonnent, confie le douanier. Vous constatez que c’est le vieux du quartier, des personnes ressources qui viennent pour négocier. Mais l’objectif de la douane, c’est de détruire ces produits ».
En plus, il y a un manque de collaboration des populations pour traquer les médicaments de la rue.
Le commissaire central adjoint de la police nationale de Bobo-Dioulasso, le Commissaire Zakaria Sanou affirme qu’il faut sensibiliser les populations sur les effets indésirables de ces produits.
« Si ces produits marchent, c’est qu’il y a des consommateurs qui les estiment moins chers et peuvent venir au bout de leurs maux », a-t-il dit.
Un secteur toujours traqué, mais plein de stratèges
Par ailleurs, l’Ordre des pharmaciens, le syndicat des pharmaciens, le Comité national de lutte contre les drogues, la douane, la gendarmerie et la police combattent jours et nuits, la vente illégale de ces médicaments. Mais les vendeurs développent chaque jour de nouvelles stratégies.
Pour le commissaire Zakaria Sanou, ces derniers, sachant qu’ils sont traqués, mettent toutes les stratégies en place pour divertir la patrouille. « Vous saisissez les emballages déposés alors qu’en réalité ils sont vides, car ils mettent les médicaments de côté pour observer et lorsqu’ils vous voient arriver ils se subtilisent », explique-t-il.
Commissaire Sanou affirme que la police quadrille parfois des zones pour procéder à l’opération de saisie. Malgré tout, il y a des fuites d’informations, dit-il. Et lorsque la patrouille commence, les concernés sont informés et quittent vite les lieux. Le règne du « Tramadol » a donc encore de beaux jours devant lui…
Sidiki TRAORE
Correspondant Burkina 24 à Bobo-Dioulasso
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