Garango : Les timbres de la discorde
Depuis le 7 avril 2017, les classes sont fermées dans les écoles primaires de la commune de Garango, province du Boulgou. La raison ? Une correspondance du maire qui ne passe pas. La crise a connu son point culminant le 21 avril. Les gaz lacrymogènes ont crépité à la mairie causant la débandade dans la ville, ainsi que des blessés.
Article mis à jour le 25 avril 2017 à 16h00
La lettre
Le 20 février 2017, le maire de la commune de Garango, Jean-Célestin Zouré, fait parvenir une correspondance aux inspecteurs leur expliquant que toutes les demandes d’établissement d’actes administratifs des enseignants adressées à la mairie devront être revêtues d’un timbre communal.
Au décryptage, cette mesure concerne également les certificats de prise de service, de cessation de service et de non-logement des enseignants.
Ces derniers rétorquent qu’ils n’ont jamais rédigé de demande pour obtenir ces trois documents, à plus forte raison y apposer des timbres, dans la mesure où, à leurs yeux et selon les propos de Issoufou Soulene, secrétaire général du Syndicat national des travailleurs de l’éducation de base, section Garango II, « c’est quelque chose qui n’a jamais existé, ni ailleurs ni dans la commune de Garango ».
« Sur quoi faut-il coller les timbres puisqu’il n’y a pas de demande écrite ?, détaille un enseignant. Pour l’obtention par exemple du certificat de prise de service, l’agent retire sa décision d’affection auprès de l’inspection.
Il va prendre service. Le directeur remet à l’agent une attestation de prise de service. Ce dernier se présente à l’inspection avec ce document. L’inspecteur, au vu de ce document, rédige une attestation qu’il achemine à la mairie. La mairie établit un certificat de prise de service qui prend le chemin contraire jusqu’à l’agent ».
Entre légalité, besoin de ressources et droits
Mais qu’est-ce qui a motivé le maire à prendre cette mesure ? Contacté le 22 avril, il a promis s’exprimer sur le sujet. En attendant, à la lumière de la lettre, l’on peut citer la légalité. « Toutes les demandes adressées à l’administration sont soumises à l’obligation du timbre« , peut-on en effet lire dans la lettre. Ensuite et surtout, le besoin de générer des ressources. Le maire l’a d’ailleurs dit dans la lettre querellée : « (…) les droits de timbres constituent une ressource essentielle pour l’administration ».
La tension
Le 15 mars, le maire reçoit les enseignants à leur demande pour discuter du sujet. Les deux parties ne s’accordent pas. « On s’est quitté sans se dire au revoir », se rappelle Soulene.
Le 20 mars, les enseignants envoient une lettre pour demander au maire d’annuler sa décision. Cette lettre n’a pas été reçue, déclare le syndicaliste.
Le 27 mars, les syndicats déposent un préavis de sit-in les 5 et 6 avril prévu se tenir à la mairie, auprès des autorités administratives qui les dirigeront vers la mairie.
Le 3 avril, le maire accorde l’autorisation de sit-in, mais hors de l’enceinte de la mairie.
Le 5 avril, les enseignants tiennent leur mouvement au sein de la mairie. Mais le lendemain, selon les affirmations du SG du SYNATEB Garango II, des jeunes « armés de gourdins et de coutelas » les y attendaient.
Le mouvement se transforme par conséquent en « débrayage actif » le lendemain 7 avril. Les classes sont fermées. Le 14 avril, un sit-in provincial est décrété.
Le haut-commissaire demande une médiation à Tenkodogo, le 19 avril, pendant laquelle, affirme Issoufou Soulene, le directeur provincial des impôts aurait affirmé que la décision du maire est fondée, mais uniquement pour les demandes adressées aux préfectures, haut-commissariat et gouvernorats.
La disposition du code fiscal ne s’appliquerait pas aux collectivités territoriales.
Les négociations ce jour-là n’aboutirent pas. Pas plus qu’une autre médiation parallèle tentée par le président de l’APE du lycée départemental de Garango, Zakaria Zouré, impliquant les leaders religieux et coutumiers de la commune.
Lacrymogène
La situation va ainsi perdurer jusqu’au 20 avril où les élèves des lycées décident de se mêler à la danse, à l’occasion d’une « marche pacifique », afin de convaincre le maire de laisser leurs « petits-frères » retourner en classe. Le lendemain 21 avril, ce sont les enseignants qui prennent la relève. Les forces de sécurité sont appelées, sous la raison que les manifestants voulaient s’en prendre à la mairie.
Les gaz lacrymogènes dispersent les manifestants jusque dans le marché de Garango qui a lieu ce vendredi-là. Le Secrétaire général du SYNATEB section Garango II note qu’il y a eu au moins 14 blessés du côté des manifestants.
L’annulation et les rumeurs d’attaque contre le maire
Le soir de ce 21 avril, le Haut-commissaire prend l’arrêté N°2017-013/MATD/RCES/PBLG/HC-TNK « portant annulation de la lettre N°2017-012/RCES/PBLG/CGAR/M du 20 février 2017 relative aux timbres communaux à revêtir sur les demandes d’établissement des actes administratifs dans la commune de Garango ».
Le haut-commissaire, contacté par téléphone pour vérifier cette information, n’a pas souhaité faire de commentaire et a renvoyé à sa hiérarchie.
Les enseignants ont décidé, après ce décret, selon Soulene Issoufou, de revoir leur position, notamment l’éventualité d’une reprise des cours.
Mais avant, une réunion le lundi 24 avril est prévue pour faire le bilan et surtout, « situer les responsabilités » et voir l’éventualité d’une prise en charge des blessés par l’autorité responsable.
Issoufou Soulene a démenti cependant les rumeurs faisant état d’une manifestation avec des gourdins et des machettes programmée le lundi « pour aller attaquer le maire ».
«C’est de l’intoxication, a-t-il déclaré, car continue-t-il, nous considérons que l’arrêté du Haut-commissaire a annulé la note du maire. Nous ne trouvons pas une autre raison de continuer notre lutte ».
Aux dernières nouvelles, les cours ont repris le 24 avril 2017 au sein des différents établissements scolaires tant primaires que secondaires.
Burkina24
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