Analyse des actions des agences publiques de coopération internationale bi et multilatérale dans les domaines de l’éducation et de la formation au Burkina Faso depuis 1960

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Ceci est le résultat d’une étude sur l’«Analyse des actions des agences publiques de coopération internationale bi et multilatérale dans les domaines de l’éducation et de la formation au Burkina Faso depuis 1960 », réalisée par Amado Kaboré, Chargé de recherche CNRST [email protected]

INTRODUCTION

Ce papier de vulgarisation émane d’un travail scientifique publié dans le International Journal of Education, Culture and Society sous le titre « Historical Analysis of Bilateral and Multilateral Cooperation  Agencies’ Interventions in Education and Training in Burkina Faso from 1960 to 2015 ».

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Après plus de 50 ans d’indépendance, le Burkina Faso éprouve toujours d’énormes difficultés dans l’atteinte de ses objectifs régaliens d’Éducation et de Formation de qualité pour tous.  Mais, il faut noter que si la responsabilité de l’effectivité et de la démocratisation de l’EF incombe en première instance aux États, les programmes et projets portés par les agences de coopération internationale au développement contribuent à influencer les politiques nationales d’EF. En 2016, le Rapport global de suivi sur l’éducation indiquait que si le monde veut sérieusement atteindre les Objectifs de Développement Durable (ODD) au Burkina Faso, l’Aide Publique au Développement (APD) dans l’EF doit connaître une hausse substantielle (Burkina Faso, 2015).

La présente note vulgarisation vise à analyser les actions des agences publiques de coopération internationale bilatérale et multilatérale dans l’EF au Burkina Faso et à déterminer ce qui peut en être retenu après plus de 50 ans d’action.

Les informations récoltées ont permis d’organiser la réflexion autour de deux axes majeurs : l’aperçu de la coopération internationale au développement de l’EF, en général et au Burkina Faso et l’analyse des principes, objectifs, stratégies, politiques, activités et instruments des agences bilatérales et multilatérales au Burkina Faso.

  1. 1. METHODOLOGIE ADOPTE

De façon générale, la méthodologie adoptée a été de type qualitatif. Dans un premier temps nous avons réalisé une revue documentaire. Ensuite nous avons fait à des entretiens qualitatifs auprès des acteurs du système éducatif burkinabè, des partenaires techniques et financiers, des acteurs de la société civile et des parents d’élèves. Les entretiens ont lieu principalement dans les villes de Bobo-Dioulasso, Koudougou et Ouagadougou.

Au total, 50 personnes ont été interviewées et 6 centres de documentation et d’archives ont été visités.

L’échantillonnage des acteurs a été de façon raisonnée aussi pour le choix des interviewés. En somme, il s’est agi d’une méthode de recherche de type qualitatif basée sur la triangulation des informations.

2. ANALYSE DES PRINCIPAUX RÉSULTATS

2.1. Cadre général de la coopération internationale bilatérale et multilatérale au développement de l’éducation et de la formation au Burkina Faso

La montée en puissance des idéaux en faveur de l’aide au développement est apparue au même moment que la décolonisation et l’émergence du concept de Tiers Monde. Le Plan Marshall, mis en place par les États-Unis d’Amérique pour la reconstruction de l’Europe dévastée par la 2e Guerre mondiale, impliquait pour les colonisateurs des actions en faveur du développement des colonies. Ainsi, des actions dans l’EF, entre autres, ont été engagées dans les territoires sous contrôle colonial comme la Haute-Volta. Il s’est agi aussi bien de la construction d’écoles et de centres de formation, que de la formation des personnels de l’enseignement et de la formation professionnelle.

« En 1947, cette colonie disposait de 79 écoles primaires parmi lesquelles on distinguait vingt (20) écoles privées, dix (10) écoles de filles dont sept (7) écoles privées, trois (3) collèges modernes et quatre (4) cours normaux, dont un privé.  Lorsque le pays accède à l’indépendance en 1960, il dispose de 354 écoles primaires dont 130 privées » (Capelle J. ; Compaoré, M., 1995).

Par ailleurs, au profit des Territoires d’Outre-Mer (TOM) et les colonies, la loi française du 30 avril 1946 avait institué le Fonds d’Investissement pour le Développement Économique et Social (FIDES) et la Caisse Centrale de la France d’Outre-Mer (CCFOM). Ces institutions étaientt le cadre d’expression de la politique de coopération française avec les colonies et les TOM. « C’est par le biais de cette loi qu’est apparu pour la première fois le terme « aide » dans la politique coloniale française correspondant à une contribution non remboursable » (Sarambé, B. E., 1992).

Jusqu’à l’accession à l’indépendance des territoires sous colonisation et tutelle françaises, l’action française en Afrique était inscrite au titre de cette loi. Par la suite, c’est dans cette dynamique que la coopération internationale française est née et s’est développée avec la plupart des pays africains.  C’est à partir de cette période que l’EF a été l’un des principaux socles d’intervention de la France et d’autres partenaires bilatéraux et multilatéraux. D’une manière générale, au plan bilatéral, les premières initiatives d’aide au développement dans le contexte de l’Afrique post indépendance (années 1960) sont surtout l’œuvre d’agences publiques: Agence Française de Développement (AFD), Direction du Développement et de la Coopération (DDC) Suisse, Agence des États-Unis pour le Développement International (USAID), Agence Canadienne de Coopération Internationale pour le Développement (ACCID), Agence Autrichienne pour le Développement International. Elles ont été suivies par les organisations internationales multilatérales de coopération à l’instar de l’UNICEF, l’UNESCO, la Banque Mondiale.

2.2. Aperçu de l’apport financier des principaux partenaires bilatéraux

En 2016, les 5 principaux bailleurs bilatéraux pour le financement de l’EF sont le Canada, la France, le Japon, les Pays-Bas et la Taïwan. Leurs contributions sont présentées dans le graphique ci-après :

Graphique : Apport (en %) des principaux bailleurs bilatéraux de l’APD à l’Éducation-Formation (2016)

Source : Tableau réalisé par l’auteur à partir des données du MINEFID /  Direction de l’évaluation des projets et du suivi des investissements (DEPSI) et Programme d’investissement public (PIP).

Les 5 pays concernés fournissent à eux seuls 53, % de l’APD  à ce secteur (DGCOOP, 2017). La France et les Pays-Bas sont très réguliers dans leurs contributions depuis l’indépendance du pays. Des bailleurs comme le Japon et le Luxembourg sont les plus constants dans le financement de l’éducation de base (scolarisation et alphabétisation). Ainsi, en 2006 la contribution  du Japon s’élevait  déjà à 7 millions d’Euros et celle du Luxembourg  à 1 million d’Euros  (MEF-DGCOOP / Ministère de l’Économie et des Finances, 2015).

Notons que certains donateurs bilatéraux participent également au financement de donateurs multilatéraux utilisés à cet effet comme intermédiaires entre les bénéficiaires et le donateur.

2.3. La coopération bilatérale en provenance de l’Afrique

Le Burkina Faso a établi des accords de coopération bilatérale avec de nombreux pays africains qui lui apportent des appuis dans l’EF. Il s’agit d’offres de bourses par des pays amis, surtout du Maghreb, visant l’enseignement et la formation professionnelle initiale et continue de jeunes mais également la formation des formateurs. En 2015, on dénombrait 22 bourses de formation initiale de jeunes en Algérie, 15 bourses de formation initiale de jeunes en Tunisie ; 10 bourses de formation initiale de jeunes et 10 bourses de formation continue de formateurs et de personnels de gestion du système de formation professionnelle au Maroc (DGCOOP, 2015). La coopération avec les pays maghrébins se renforce de plus en plus. C’est l’exemple du Maroc avec lequel le partenariat a débuté en 2006 et se situe depuis 2015 dans le domaine de la formation professionnelle avec l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail. Toujours dans la perspective d’accroître et d’améliorer les offres de formation, des pistes de coopération sont actuellement à l’étude avec la Côte d’Ivoire (Traité d’amitié et de coopération) et le Ghana.

2.4. Les acteurs nationaux de gestion et de suivi des agences de coopération multilatérale

Au plan interne, à la différence avec les agences de coopération bilatérale, le suivi de la coopération multilatérale est l’œuvre de plusieurs d’acteurs.

Les actions des agences sont coordonnées, en grande partie, par le Ministère en charge de l’économie, des finances et du développement. Le Ministère en charge des Affaires Étrangères joue le rôle de veille et de contrôle de conformité et d’existence effective des agences multilatérales. Il donne, à la demande du Ministère en charge des libertés publiques, son avis technique sur l’existence véritable des agences de coopération multilatérale désirant s’implanter au Burkina Faso en se référant à la représentation diplomatique de ce dernier dans le pays d’origine. C’est après ce contrôle a priori que le Ministère en charge des libertés publiques délivre une autorisation d’exercer. De leur côté, chaque organisation ministérielle touchant l’EF dispose d’une structure spécialisée en relations extérieures et de coopération. Cette dernière sert de pont entre elle et les trois ministères sus-indiqués.

2.5. Principes, objectifs, stratégies, politiques, activités et instruments des agences de coopération multilatérale

Ce sont des institutions spécialisées de l’Organisation des Nations Unies telles que l’UNESCO, le PAM ainsi que des programmes et fonds tels que le PNUD, l’UNICEF, appuyant l’EF entre autres secteurs. Les institutions du Groupe de la Banque mondiale (BIRD et AID) fournissent aussi un soutien à l’EF sous forme de prêts, de dons et de subventions. La Banque Islamique de Développement (BID) est arrivée en 2010. Sur le terrain, l’action de ces agences s’inscrit dans le cadre de l’Axe II de la Stratégie de Croissance Accélérée et de Développement Durable (SCADD) et du dispositif de mise en œuvre du Plan National de Développement Économique et Social (PNDES), qui visent la consolidation du capital humain et la promotion de la protection sociale.

De 2000 à 2015, l’EF a reçu de la part de ces agences multilatérales une aide de 601 millions d’Euros sur une APD totale de 95 milliards d’euros, soit 5,2 % de cette dernière. De 2000 à 2015, la contribution des cinq principaux bailleurs multilatéraux à l’éducation de base a été :

Tableau : APD multilatérale allouée à l’éducation de base de 2000 à 2015 (en millions d’euros)

Année

Origine du financement

2000 2005 2010 2013 2014 2015
AID 8,57 11,69 20,98 27,51 6,83 5,33
BID 0,52 5,7 2,68 2,34
PAM 1,53 1,88 2,35 1,21 2,34
PNUD 0,21 0,52 0,36
UNICEF 2 2,83 1,72 1,45 1,42 1,65
Autres 4,45 3,83 1,9 17,4 0 0
TOTAL 15,02 20,09 27,52 54,77 12,14 11,66

Source : Tableau réalisé par l’auteur à partir des données du MINEFID / Direction de l’évaluation des projets et du suivi des investissements (DEPSI) et Programme d’investissement public (PIP).

La plus grande part de l’APD allouée à l’EF a été enregistrée en 2013 avec une part de 54,77 milliards d’euros dont 27,51 milliards à l’Agence internationale de développement (AID) sous forme de prêts.

La grande partie de ces fonds a été acquise dans le cadre du Programme de Développement de l’Enseignement post-primaire (PDEPP) adopté en 1994. En effet, suite à la demande du gouvernement burkinabè, la Banque mondiale a fourni un crédit de 29 millions d’Euros (1997-2004) avec pour objectifs d’« appuyer le plan par la promotion d’une utilisation rentable et équitable des ressources affectées à l’éducation et une amélioration de l’accessibilité et de la qualité de l’éducation » (Altinok N. et Lakhal T., 2005.). Ce projet vise l’amélioration de la qualité de l’enseignement dans l’enseignement post-primaire et le secondaire.

Au Burkina Faso, le PAM a commencé à intervenir dans le domaine l’éducation en 2004. IL se concentre précisément sur les zones à forts taux d’insécurité alimentaire et de malnutrition et de faibles taux d’alphabétisation, concrètement dans les régions du Sahel, du Centre-Nord et de l’Est. Cette action encourage aussi bien la scolarisation que l’assiduité des élèves. À ce propos, une évaluation de la Banque mondiale réalisée en 2008 sur le programme du PAM dans la région du Sahel burkinabè concluait que les déjeuners à l’école ainsi que les rations à emporter pour les filles avaient permis d’augmenter le taux de scolarisation féminin de 6 % (PME, 2012).

Le PNUD est active dans le financement des cadres de dialogue et de mobilisation des fonds. À cet effet, il a participé au financement de rencontres de réflexion sur l’EF au Burkina Faso : la tenue des États de l’éducation (1994), les Assises nationales sur l’éducation (2002) et l’élaboration et la mise au point de la Loi d’orientation de l’éducation.

Pour ce qui est de l’UNICEF, elle agit en faveur de l’EF dès l’indépendance du pays. Depuis les années 1970, ces actions sont orientées principalement vers le préscolaire et la scolarisation des filles. Entre 1979 et 1984 elle a appuyé l’État burkinabé pour expérimenter le préscolaire en milieu rural. Cette expérience a servi de tremplin au développement du préscolaire en général, et de son expérimentation en milieu rural en particulier. Depuis la Conférence de Jomtien, les actions de l’UNICEF sont surtout orientées vers l’effectivité de la politique nationale de la gratuité de l’éducation primaire. Pour elle la gratuité est primordiale pour garantir l’accès des plus pauvres au système éducatif (UNICEF, 2013).

CONCLUSION

En somme, l’analyse des actions des agences de coopération, après plus de 50 ans de présence, révèle en effet qu’elles reflètent essentiellement les politiques de leur pays d’origine en matière d’EF. Le niveau de contribution de ces agences dépend donc largement de l’état des rapports de coopération entre deux États et surtout des orientations idéologiques et politiques des donateurs. À l’opposé, la contribution des agences de coopération internationale multilatérale met surtout l’accent sur le respect des principes liés à la gouvernance politique, financière et à la démocratie dans le pays bénéficiaire. De façon pratique, la difficulté majeure réside dans le type d’aide octroyé. Lorsque cette dernière est de type sectoriel, elle profite à l’EF. Mais quand l’aide est budgétaire, elle échappe au contrôle des acteurs de mise en œuvre de l’EF. Finalement, depuis l’appel à la communauté internationale lors de la Conférence sur l’éducation pour tous (Jomtien, 1990) jusqu’aux ODD (2015-2030), plusieurs secteurs de l’EF voient se développer des acteurs nouveaux comme des associations de développement et des organisations non gouvernementales.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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CAPELLE, J. (1990). L’éducation en Afrique Noire à la veille des indépendances (1946-1958), [Education in Black Africa on the eve of independence (1946-1958)], Éditions Karthala – ACCT, Paris.

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DIABOUGA, Y. P. & BAZONGO, B. D. (2014). Le financement de l’éducation au Burkina Faso: le défi de la scolarisation primaire universelle, [Financing education in Burkina Faso: the challenge of universal primary education], Revue internationale d’éducation de Sèvres, n°65, Paris, pp. 111-120. URL: https://bit.ly/2pFRA49

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MANIERE, L. (2010). La politique française pour l’adaptation de l’enseignement en Afrique après les indépendances (1958-1964), [French policy for the adaptation of education in Africa after independence (1958-1964)], Histoire de l’éducation, n°128, Paris, pp.163-190, URL: http://bit.ly/1wuy83P

MINEFID / DEPSI. (2016). Programme d’investissement public (PIP) 2015, [Public Investment Programme (PIP) 2015], Ouagadougou.

MINEFID-DGCOOP. (2013). Rapport sur la coopération pour le développement 2012, Ouagadougou.

SARAMBÉ, B. E. (1992). La coopération française: L’aide publique au développement de la France en faveur des pays du Tiers-monde (concentration et répartition), [French cooperation: French official development assistance to Third World countries (concentration and distribution)], Rapport du Séminaire de l’Institut universitaire d’études du développement (IUED), Genève.

VIDROVITCH, C. et al. (dir.). (1988). Pour une histoire du développement : États, sociétés, développement, [For a history of development: States, societies, development], Paris: L’Harmattan.

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