Boubacar Ben Sidi Compaoré : Le « Moïse » de la musique burkinabè vers la terre promise
Boubacar Ben Sidi Compaoré, dit « Bâton de Moïse », est un produit musical des années 2000 qui fait son retour après un temps de latence. Plein de projets, il ambitionne marquer la musique burkinabè avec des œuvres classiques. Il se conjugue au pluriel. À la fois transporteur, agriculteur, éleveur, l’homme a vite compris que l’indépendance financière est aussi gage d’une carrière stable. Il a déjà vu le lion, c’est peut-être pourquoi il tient le « bâton de Moïse » pour la traversée. Il fait de la variété. Il chante en Mooré, en Dioula, en Français, en anglais et en Haoussa. Redécouverte !
Burkina 24 : Rappelez-nous votre début dans la musique.
Bâton de Moise : J’ai commencé ma carrière dans les années 2000 où le rap était en vogue au Burkina Faso. Presque tout le monde voulait faire du rap au Burkina à cette époque. On avait notre groupe de 4 personnes où on a commencé avec les Sank systèmes, les compétitions comme vibes académique, All flows, etc.
Le Rap était tellement en vogue que presque tous les quartiers avaient des groupes. En ce moment, il faut faire de la musique pour se faire voir. Après il ont délogé notre quartier, chacun a vaqué à ses occupations.
Mais, c’est rester en chacun de nous. En 2018, j’ai décidé de revenir. J’ai fait un maxi single de 4 titres sorti, aout 2019 et j’espère d’ici la fin de cette année faire sortir un album. Sinon, j’ai une vingtaine de titres dans mon répertoire. Je viens de faire sortir un single, clipé nommé « Yaaba »; ça c’est un retour aux sources, le clip est sur YouTube et ça passe sur certaines chaines de télévisions.
Burkina 24 : Qu’est ce qui s’est passé pour que vous raccrochiez ?
Bâton de Moise : Je devrais travailler à plein temps pour construire une famille, parce que j’ai compris quelque chose très tôt. Ici au Burkina Faso, si tu fais de la musique ta passion, et tu veux t’inspirer par toi-même, il va falloir que tu travailles et pouvoir pousser avant que les gens adhèrent sinon tu risques de faire des choses qui vont à l’encontre de ta créativité.
C’est ce que j’ai compris, voilà pourquoi je suis allé me construire mentalement, physiquement, financièrement avant de revenir. J’ai commencé les voyages, j’ai travaillé dans des sociétés, jusqu’à ce que je vois que je suis prêt maintenant à affronter parce qu’il faut d’abord pouvoir gérer sa famille subvenir à beaucoup de besoins avant de se lancer, parce que c’est une question de passion. Si tu veux avoir des résultats instantanés, si tu ne fais pas attention tu vas raccrocher.
Burkina 24 : Quel style de musique vous faites aujourd’hui ?
Bâton de Moise : Au début c’était le rap. Mais comme j’ai marqué une pause, je suis revenu dans la variété. Je fais le slam, le reggae, le Dance hall, l’afro et l’amapiano. Pour voir ce que les mélomanes vont adopter pour pouvoir bâtir ma carrière sur une identité.
Burkina 24 : Qu’est-ce qui fait votre particularité ?
Bâton de Moise : Moi j’aborde les sujets très sensibles. Il y a des sujets que les gens pensent tout bas, et que moi si ça m’inspire, je le dis et je l’affirme. C’est mon petit secret, parce que je médite beaucoup, je crois juste en moi.
Ce n’est pas obligé que ce soit juste avec tout le monde, si moi je sens la chose j’y vais à fond, tout en m’assumant. Voilà mes choix. Je crois que je suis compris parce qu’il y a des gens qui s’y intéressent. Il y a d’autres aussi qui écoutent, d’autres aussi donnent leur point de vue. Sinon dans mes chansons, je me focalise sur la cohésion sociale, et tout ce qui concerne l’éveil des consciences en Afrique.
Burkina 24 : Qu’est-ce qui vous inspire dans la musique ?
Bâton de Moise : Moi je m’inspire de Positive Black soul, il y avait All Mighty, Basic soul un grand frère du quartier dont son petit frère faisait partie de notre groupe. Et surtout la méditation. Dans mon parcours, j’ai beaucoup voyagé dans le cadre de mes activités. Et j’ai découvert beaucoup de cultures. Je pense que si tu médites par toi-même tu vas pouvoir trouver le juste milieu pour pouvoir t’installer et t’affirmer.
Burkina 24 : Quel regard vous portez sur la nouvelle génération de la musique Burkinabè ?
Bâton de Moise : Ce que j’admire dans cette génération, c’est leur solidarité. Nous avons commencé avant eux, mais à notre temps, il y avait beaucoup de petits trucs qu’ils ont pu décaler. Eux ils évoluent ensemble. Cette génération-là, ils sont presque tout le temps ensemble. Sur les réseaux ils se soutiennent mutuellement. Quand une personne fait quelque chose les autres adhèrent, nous nous n’avions pas ça.
Ce n’est pas pour dire que l’ancienne génération a échoué. Les matériels que la nouvelle génération a eu pour se promouvoir, l’ancienne génération n’avait pas ça. Ce n’est pas comme aujourd’hui tu peux toi même faire ta communication sur internet.
En plus, la solidarité manquait. Il y avait des gens si eux ils ne vous acceptent pas, vous ne pouviez pas évoluer. Sinon, il y avait du bon talent. Mais aujourd’hui avec l’évolution des choses, je pense que les jeunes commencent à comprendre qu’il faut être ensemble pour évoluer.
Burkina 24 : Et si vous aviez des conseils pour ces petits frères ?
Bâton de Moise : C’est de vraiment réfléchir et ne pas se laisser emporter par les premiers succès. Quand tu gagnes tes premiers succès si tu ne fais pas attention tu gèles. Tu te mets à un niveau où tu n’es pas arrivé. Tu ne te construis pas et après ça créait un problème.
On en a vu beaucoup de cas avec ma génération, les ainés et même des petits frères. Ce que je donne comme conseil, quand on commence à récolter les fruits, on ne doit pas se lasser d’entreprendre et puis se protéger financièrement pour que après si les collaborations se rompent que tu puisses évoluer de toi-même petit-à petit.
Burkina 24 : Que dire de la réception des œuvres burkinabè ?
Bâton de Moise : On commence à être sur un bon élan. Étant Burkinabè il y a quelques années nous-même on était complexés et ce complexe commence à disparaitre. Parce que nous on aimait ce qui venait plutôt d’ailleurs. Mais je pense que ce complexe commence à disparaitre, les gens commencent à comprendre grâce aux réseaux sociaux.
Je constate que les gens commencent à comprendre qu’il faut que les Burkinabè même soutiennent les Burkinabè pour qu’on puisse aller de l’avant. C’est dans ça l’identité va se faire elle-même. Si vous constatez, les autres qui ont leurs identités musicales c’est qu’ils ont déjà des gens qui sont prêts pour eux et qui investissent beaucoup.
Burkina 24 : Les forces et faiblesses de notre showbiz ?
Bâton de Moise : La force de notre showbiz aujourd’hui, les jeunes eux-mêmes ont compris qu’il faut qu’ils soient ensemble pour pouvoir évoluer. La faiblesse c’est qu’on reste toujours Burkinabè. Ici le droit d’aînesse exige beaucoup de choses. Si les ainés ne sentent pas le respect, ils ne s’engagent pas.
Ce n’est pas comme dans d’autres pays où on voit ton talent et on t’accepte. Ici, il faut que tu travailles sur ta personne, ta culture, ta manière d’aborder tous ces aspects-là. Il faut passer cette transition avant de comprendre la société et que chacun a des limites. Je crois que dans un mouvement d’ensemble si on s’aide ça va aller.
Burkina 24 : Quelle perspective pour votre carrière?
Bâton de Moise : Quand j’ai sorti l’album je suis allé me confier à une chargée de communication qui se charge pour la promotion digitale, on a essayé de toucher beaucoup de radio, de télévision, où vraiment je suis satisfait. Si bien avant, j’avais ces personnes en 2019 où si je comprenais le showbiz comme ça, peut-être que je ne serai pas où je suis aujourd’hui.
À court terme je me prépare pour un album avec lequel je veux vraiment impacter. Car ma plus grande ambition, musicalement, c’est de créer des œuvres qui vont impacter même après moi. Je vise loin…
Akim KY
Burkina 24
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