Opinion : Mon « coup de gueule » au « coup de pub » de Tiken

Tiken Jah Fakoly, l’artiste « engagé » pour les causes siglées « RFI », celui qui « chante les pauvres aux gosses de riches », fait un tour au Sahel sur le compte d’ACF pour venir constater que les vaches sont maigres au Faso, les enfants malnutris et que la famine risque de frapper cette année, à cause des « mauvaises pluies ». En français dans le texte, cela signifie que, bien évidemment, c’est la « faute à personne » !  Retour sur une B.A.*, « coup de pub », qui va encore et toujours dans le sens de l’Afrique telle que l’on l’aime à l’extérieur, famélique et quémandeuse.

Des enfants qui meurent de faim évidemment cela fait mal. La famine, ce mot scotché à l’Afrique. Il en serait presque devenu une définition. Le mal est là. Mais le mal est pernicieux puisqu’il est devenu le bien de certains, leur business, leur fond de commerce. Un estomac vide par ici et c’est une aubaine pour quelques uns qui peuvent remplir aussitôt de longues demandes d’«  aides d’urgence » à la bien nommée « communauté internationale ». Le circuit est connu : l’humanitaro-business ne date pas d’aujourd’hui. Mais lorsqu’un pseudo-artiste engagé qui chante l’Afrique à l’extérieur, pose ses pieds sur notre terre rouge pour venir quémander sans plus de discours, ni d’analyse, de l’aide à nos très chers bailleurs, au nom d’une sacro-sainte ONG : ACF – et tout ceci en notre nom – cette fois-ci, on dit stop à la mascarade.

Quoiqu’il en soit, que nos enfants crèvent la dalle, que leurs parents vivent la galère, cela fait des années que cela dure sans que ça n’émeuve vraiment les grands de ce monde. Si ce n’est pour alimenter la pensée que «l’Afrique a besoin d’aide ». Que ces étrangers le défendent est leur droit : ils donnent parce qu’ils y gagnent. Là encore soyez réalistes mes frères, et n’oubliez pas que l’homme n’offrira en aucun cas le pain de son enfant à un autre enfant. Ce qu’ils donnent, ils ne le perdent pas… loin de là. Mais ce qui fait mal, c’est quand l’artiste dit « engagé », celui qui est sensé nous apporter l’espoir et porter notre voix, vient alimenter son propre business sur nos estomacs vides. Il ne nous parle pas, ils leur parlent en notre nom. Il abuse de son identité africaine pour mieux se vendre. Il ne nous défend pas, il nous vole notre dignité en mendiant, et en plus il se définit comme engagé… A quoi ?

On a faim. Certes, c’est entendu. La question, c’est pourquoi ? Pourquoi une « mauvaise pluie » laisse des milliers de gens sans aucune ressource. Qu’avaient-ils même avant pour survivre ? Et pourquoi, encore une fois, pourquoi, alors qu’on l’a su, qu’on a mesuré cette pluie, qu’on sait qu’on est un pays sahélien, un pays où la majorité des gens vivent de l’agriculture et le plus souvent en « autosubsistance », pourquoi ne réagit-on que maintenant, et via des ONG extérieures ? Pourquoi le destin des populations est-il aussi éloigné de ceux qui sont sensés diriger leurs pays ? Pourquoi ACF ne nous dit pas tout simplement qu’ils ( nos dirigeants) ne servent à rien ? Pourquoi Tiken Jah appelle « la communauté internationale », et pas nos présidents et gouvernements ? Pourquoi affirme-t-il qu’ « il faut se mobiliser dès aujourd’hui pour éviter une crise au Sahel » et lance-t-il « un appel à l’attention de la communauté internationale » ? Donc pour lui, se mobiliser, c’est demander à quelqu’un d’autre d’agir ? Quand un Africain « se mobilise » face à une situation qui le concerne il fait appel aux bailleurs de fonds, aux PTF, à nos nouveaux colons ? Et nos dirigeants dans tout ça ? Pourquoi n’interpelle-t-il pas ceux qui sont responsables de nos pays ? Ceux qui doivent rendre des comptes à ces populations ? Ceux qui les représentent, puisque nous vivons dans cette belle démocratie qui n’en a, on s’en rend compte, que le nom pour pouvoir toucher un maximum d’aide au développement ? Comment un intellectuel digne de ce nom ne peut-il pas voir le défit que nos pays ont aujourd’hui à relever : celui de se diriger !

Se mobiliser, c’est agir, et c’est agir ensemble, ici et maintenant, voir dans quelle mesure nos enfants arrêteront de mourir de faim. C’est demander des comptes à ceux qui doivent répondre à nos soucis. C’est le moment de se regarder droit dans les yeux, ici bas, et de se demander pourquoi cela et comment changer ! ACF est certainement mû de très bonnes volontés, mais qu’on se le dise, ni ACF ni aucune ONG ne seront jamais la solution à nos problèmes. Le jour où « nos » artistes auront le courage de nous le dire et de leur dire, au risque de perdre quelques deals juteux, ce jour-là, on pourra se sentir plus dignes, plus respectés. Mais sincèrement, Tiken, ces mots-là, garde-les pour ton public de là-bas, celui qui pleure nos problèmes, sans chercher à les comprendre. Ici on vous connait et on a compris. Changeons de disques !

*Bonne Action

Fatoumata Touré

Ouagadoudou