Emile Paré à Blaise Compaoré : « Au nom de la paix, je vous demande de démissionner »

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Dans cette lettre ouverte, le Dr Emile Pargui Paré, ancien candidat à la présidentielle de 2010 et militant du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), parti d’opposition, s’adresse au Chef de l’Etat sur la situation politique nationale. 

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Le Burkina Faso est aujourd’hui et véritablement à la croisée des chemins (dixit Laurent Bado).

Il est à un moment historique où plus que tout autre couche sociale, les intellectuels doivent s’assumer, prendre leur responsabilité pour peser sur le cours des évènements politiques et sociales à venir.

Intellectuel médecin, intellectuel politique que je suis, j’ai décidé de m’assumer par cette lettre que je m’emploierai à diffuser partout, où besoin sera.

Bienvenue au projet de loi portant révision de la Constitution parce qu’il a l’avantage de clarifier votre position tant entendue depuis votre sortie provocatrice à Dori le 11 décembre 2013 lors de la célébration de l’anniversaire de l’indépendance de notre pays.

Du coup dialectiquement, elle a mis fin aux angoisses, aux atermoiements, et aux hésitations du peuple qui désormais est contraint de se mettre en ordre serré de bataille pour empêcher votre forfaiture, pour défendre sa démocratie, pour ne pas dire exactement réaliser sa véritable Révolution démocratique.

Monsieur le Président,

Le 15 octobre 1987 vous avez pris le pouvoir au nom de la « Rectification de larévolution », au nom de l’approfondissement de la Révolution. Deux ans après, les révolutionnaires entrainés dans ce mouvement ont fait le constat amer de la liquidation sans appel de la Révolution d’août dont vous étiez un des « pères historiques ».

Sentant le vent du Renouveau démocratique ; de la révolution démocratique (comme disent certains intellectuels) venir sur l’Afrique, sous la pression du discours de la Baule de 1990 du Président français François Mitterrand et sous la poussée des luttes populaires, vous vous êtes soumis au régime d’Etat de droit matérialisé par la Constitution du 02 juin 1991.

Faute d’avoir passé par la conférence nationale souveraine (CNS) qui a permis de poser les bases solides du Renouveau démocratique dans beaucoup de pays africain, notre pays sous votre direction a servi à l’Afrique et au monde une « démocratie militarisée », une « démocratie hybride » (dixit Professeur Loada).

Faute d’avoir appliqué la voie de la vérité – justice– réconciliation (VJR) recommandée par le collège des Sages, installée par vous-même, suite à la crise nationale consécutive à l’assassinat odieux du journaliste Norbert Zongo, notre processus démocratique sous votre direction a pris vertement la ligne rouge de la monarchisation et de la patrimonialisation du pouvoir.

Monsieur le Président,

Votre culture politique, je le sais bien, vous permet de savoir ce qui différencie fondamentalement l’Etat d’exception (que vous avez pratiqué et dirigé durant 4 ans) et l’Etat de droit (que vous pratiquez et dirigiez depuis déjà 23 ans).

Cette différence fondamentale c’est : la soumission de tous au droit (y compris le chef), les libertés et l’alternance politique dans l’Etat de droit.

Monsieur le Président,

Votre première tentative de lever le verrou de la limitation du mandat présidentiel en 1997 et par voie parlementaire avait clairement indiqué votre volonté de rester à vie au pouvoir. Mais certains n’y avaient pas cru (du moins, c’est ce que vous leur faisiez croire).

Dans le débat qui faisait rage sur la question de la rétroactivité de l’article 37 de 2000, empêchant de ce fait votre 3ème candidature, les opposants politiques de l’époque ont été « chicotés » correctement par certains intellectuels de haut vol et par le conseil constitutionnel pourtant constitué d’éminents juristes.

Ces derniers à mon sens ont plus interprété la lettre de la loi plutôt que son esprit. Ils ont oublié d’interpréter « votre esprit » à vous qui est que la loi vous permettra de remodifier cet article en temps opportun pour continuer d’assouvrir votre volonté de rester à vie au pouvoir.

Aussitôt après votre « élection brillante » à 80.3% à « hauteur d’homme », en 2005 vous avez introduit insidieusement le débat sur l’article 37 nouveau, débat qui voit aujourd’hui son dernier épilogue.

En 2006, alors que je présidais le cadre de concertation des partis de l’opposition(CPO), je m’insurgeais sur cette énième tentative de modification de l’article 37, en ces termes « si on modifie l’article 37, on va se rentrer dedans ». Il n’en fallait pas plus pour que certains de vos flagorneurs, de vos zélés supporters, me colle l’étiquette de « mal causeur ».

Depuis donc 2006, vous avez nourri le débat sur la question par diverses voies (presses interposées, stades interposés, dialogues interposés, petites phrases assassines interposées, rues interposées, etc.) et voilà qu’aujourd’hui, après votre projet de loi, « nous sommes en train de nous renter dedans ».

En 2010, candidat pour la deuxième fois contre vous, j’ai entamé ma campagne par une conférence de presse que j’ai intitulée « Elections présidentielles 2010 : la dernière bataille de Blaise Compaoré ».

J’avais la forte conviction que c’était votre dernière participation à une élection présidentielle dans ce pays ; non pas que vous n’allez plus poursuivre votre sport favori de fuite en avant pour tripatouiller la Constitution, mais parce que je ne voyais plus par quelle « voie géniale », par quelles « argumentaires géniales », vous allez passer pour faire accepter cette même forfaiture, faire avaler cette pilule assassine de la démocratie ; la démocratie « ce machin » auquel vous semblez n’y avoir jamais cru un seul jour.

J’avais la conviction que le peuple que j’ai nommé : paysans, ouvriers, intellectuels, travailleurs, opérateurs économiques, patriotes, citoyennes et citoyens des villes et des campagnes ; ce peuple-là qui a acquis une conscience extraordinaire à l’expérience de ces 23 ans de processus démocratique, de ces 27 ans de votre gestion du pouvoir, ne pouvait pas accepter cela.

Monsieur le Président,

  • Le 15 octobre 1987 vous avez dit « Rectification » certains citoyens comme moi vous ont cru ; vous aviez dit à d’autres « Démocratie » certains citoyens comme mes amis « Boly Moussa, Pierre Tapsoba, Paul Ismaël Ouédraogo » vous ont cru.
  • Le 30 mars 2000, vous avez dit « peuple du Burkina Faso je vous ai compris : plus jamais ça. Je demande pardon ». Ils sont nombreux les citoyens qui vous ont cru mais d’autres comme moi ne vous ont pas cru.
  • En 2011, vous avez dit aux militaires et paramilitaires insurgés : « mes chers compagnons d’armes, je vous ai compris ». Naïvement, ils ont cru oubliant la loi militaire et ils ont payé militairement.
  • En 2012, vous avez dit « dialogue CCRP », des dialoguistes sincères y ont cru mais le CFOP n’y a pas cru. Et voilà que les dialoguistes sincères, découvrent aujourd’hui que l’essence de ce dialogue, ce qui vous intéressait dans ce dialogue c’était bel et bien la modification de l’article 37.
  • Tous près de nous, il y a deux semaines vous avez dit : « dialogue politique inclusif sans médiateur, avec deux co-présidents ». Des gens y ont cru mais pas moi, la suite on la connait. En tant que capitaine vous saviez bien qu’il n’y a pas deux capitaines dans un bateau. Ce dialogue était donc programmé pour échouer.

Monsieur le Président,

« Trop c’est trop », « Borrybana ».

En adoptant le projet de loi de révision de la Constitution, en dépit du refus massif du peuple, du refus des forces politiques et de la société civile significative et en dépit de l’appel des forces coutumières et religieuses, de l’appel de la communauté internationale – France et USA notamment, vous avez ainsi perdu toute légitimité pour diriger encore ce pays.

Vous êtes par cet acte disqualifié pour diriger la « transition apaisée » pour des élections libres, transparentes et équitables en 2015.

Alors démissionnez. C’est aussi une application de la Constitution. C’est aussi un exercice de la démocratie.

La question n’est plus la qualité ou la taille de la porte de sortie (grande porte, petite porte, fenêtre ou persienne ou trou). La question aujourd’hui c’est sortir tout court.

Monsieur le Président,

Au nom de la démocratie, de la stabilité politique, de la paix et de la sécurité du peuple et du pays, je vous demande de démissionner.

Docteur Pargui Emile PARE

Ancien militant du CNR du Front populaire

Ancien candidat aux élections présidentielles

Militant du Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP)


Photo : Emile Paré (© DR)

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Abdou ZOURE

Abdou Zouré, journaliste à Burkina24 de 2011 à 2021. Rédacteur en chef de Burkina24 de 2014 à 2021.

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34 commentaires

  1. JE CROIS QUE NOS D?PUTES PRENDRONT LA BONNE MESURE DE LA SITUATION NATIONALE ET FERONT LE BON CHOIX POUR LA PAIX ET LA STABILIT? DE LA D?MOCRATIE EN PENSENT AUSSI A L?AVENIR DU PAYS PARTANT DE LEURS ENFANTS ET DE LEURS PARENTS.

    A BON ENTENDEUR SALUT!
    NA LARA AN SARA!

  2. Contre la modification de l’article 37 , ils n’y peuvent rien ! qu’ils arr?tent de br?ler et se concentrer sur les campagnes ?lectorales avenir .Ce sera mieux pour tout le monde .La bataille des id?es garantira le succ?s au plus m?ritant .halte ? la violence !!!

  3. effectivement la d?marche du pr?sident de la r?publique en vu de la modification de l’article 37 est d’une l?galit? sans faille .nul ne peut contester cela .ceux qui sont dans la rue ne cherchent qu’? cr?er des troublent sans fondement dans ce pays .halte ? la violence !!!

  4. En effet ces gens ne veulent que le d?sordre dans ce pays .ils se prom?nent de cit?s universitaires en cit?s universitaire afin d’inciter au d?bordement .chers ?tudiants ces derniers n’ont jamais ?t? pour notre cause ! aujourd’hui ils veulent nous m?l? ? leur farine .Disons non ? la violence , ? l’ins?curit? .n’accusons pas Blaise ! posons nous la question de savoir ;quand ces derniers ?taient les bras droits du pr?si qu’est ce qu’ils ont pu faire ? quand ils ?taient des membres tr?s importants du gouvernement Blaise qu’ont -ils fait ?

  5. la r?action du peuple aura sa place dans cette affaire de mon pays….tr?s dur pour qu’un pr?si parte aussi simple apr?s avoir fait au moins 20ans au pouvoir.cela s’est toujours sold? par des tueries…peuple du burkina soit vigilant sage et ne te fait pas acheter par ton argent…courage

  6. Issaka compaore il est encore temps pour quitter la barque , elle va inexorablement couler c’est le point , la porte du non retour . Valable pour tous ceux qui continus de s’ ent?ter.

  7. Sous couvert d’exactitude de cette carte « JEUNE AFRIQUE » :
    ===> http://www.jeuneafrique.com/infographies/2013/carte-interactive-mandats-chef-etat-africain/index.html
    —–
    O? l’on se rend compte qu’il y a au moins 6 ou 7 « chefs d’Etat » africain qui arrivent en bout de SECOND mandat d’ici un an ou deux, dont la Constitution limite normalement l’exercice du pouvoir ? deux mandats mais qui manifestement entendent tout faire pour rempiler « ? l’africaine »…
    Petite liste : Bai Koroma (Sierra Leone), Sassou Nguesso (Congo Braza), Kabila (RDC), Nkurunziza (Burundi), Kagam? (Rwanbda), Guebuza (Mozambique) et bien s?r le Blaise au Burkina24

  8. Jeunesse consciente, manifestation d’accord, c’est constitutionnel, mais pourquoi casser ce qu’on a tous les probl?me du monde ? construire? On ne manifeste pas contre les routes ni contre les feux tricolores ni contre les v?hicules mais manifester c’est juste donner son point de vu sur une question. Et on n’a pas besoin de tous casser pour s’exprimer. Soyons responsables et savons ceux que nous voulons.

  9. Jeunesse de la mode ou jeunesse consciente? C’est inqui?tant que la jeunesse aujourd’hui qui se dit consciente n’est pas capable de distinguer le mal du pire et qui est pr?te ? aller au pire juste pour leur propre ventre. Cette jeunesse qui n’a pas de convictions, qu’on peut acheter par un simple mea culba et on se dit digne de Sankara. pensez vous que la g?n?ration de Sankara va suivre ses gros crapules juste pour leur argent, non je pense que cette g?n?ration Sankara a d?nonc? pour moins que ?a et a m?me renonc? ? des postes minist?riels pour le bien du peuple. mais aujourd’hui la jeunesse est pr?te ? se prostituer pour des miettes. Quelle ?volution de la jeunesse, que j’ai honte de faire partir de cette jeunesse.

  10. GILBERT PEUT TOUJOUR RENTRER DANS L’HISTOIR. OU DU MOINS CERTAINS DEPUTES DU RDA. MEME SI VOUS AVEZ RECU DE L’ARGENT VOUS POUVEZ QUITTER ET CONVOQUER UNE CONFERENCE DE PRESSE POUR VOUS JOINDRE AU PEUPLE. ON VOUS PARDONNERA ET VOUS SEREZ LES HEROS NATIONAUX.

  11. Hey toi le chat sombre du Nayala. C’est quel refus massif du peuple dont tu parles. Toi qui as pris 30 millions sous la table avec le r?gime en place et qui a ?chou? lamentablement aux ?lections pr?sidentielles et l?gislatives, tu n’as plus droit ? la parole. Tu es tr?s mal plac? pour dire quoi que ce soit.

  12. Qel chef religieu et coutumier a officielmn di cela.???
    Qel sondage demontre cett mass enoncer ici si l’on a peur du referendum….
    Qel france et qel usa a demand? qoi…..areton de manipul? le monde si nou l’aimon vraimn….
    La politik oui mai sur des verit? svp…..c’es notr nation qi peri!!!

  13. Oh quand je vois tous ces jeunes instrumentalis?s par la politique, je me demande comme un pays aussi pauvre en ressource naturelle peut avancer? A chacun son domaine, mais non au Burkina tout le monde est politicien. mais qui va construire le pays alors? Les politiques ne construise pas un pays, ils ne fond que prendre les ressources cr?es par les citoyens pour faire fonction les institutions, prot?ger la nation contre des menaces internes et externes. Voila le r?le des politiques mais ils cr?ent de richesse. Donc quand je vois tous ces jeunes qui se transforment tous en politiciens je ne demandes qui va cr?er des richesses dans ce pays, qui va b?tir le pays. J’ai mal de voir tous ces jeunes se laisser instrumentaliser par la politique.

  14. Il ne faut pas suivre aveuglement un homme politique parce qu?on veut l?alternance ou parce qu?on veut la chute du r?gime en place. Il faut avoir un esprit critique et analytique. La d?sob?issance civile pensez que c?est une solution pour des personnes responsables qui comptent gouverner le pays demain? Pour une question politique on invite les citoyens ? ne plus travailler, comment une nation qui ne travaille pas puisse changement. Par ce mode l? que les opposants comptent cultiver dans l?esprit des burkinab?. Aujourd?hui pour une question politique on parle de d?sob?issance civile et demain quand il y?au un probl?me plus grave, qu?est ce que l?opposition demanderait au citoyen de faire. Je pense que tout le monde doit ?tre responsable et regarder la r?alit? en face. On ne va pas br?ler notre pays une question politique.

  15. Au nom de la D?mocratie et toutes tes inepties Emile PARE tu dois te taire

  16. Au nom quoi les leaders politique devraient parler pour pr?s de 16 millions d?habitants alors qu?ils pourraient leur permettre de s?exprimer directement ? Pourquoi tant de m?pris pour le peuple dans son ensemble ? Le peuple sait ce qu’il veut et qui il veut ? la tete de l’Etat. Donc laissons le peuple faire son choix.

  17. Au del? du destinateur de cette lettre ceci constitue un tr?s bon document qui retrace fid?lement une partie de notre histoire,il est important que les jeunes comprennent que notre constitution a ?t? cafouiller plusieurs fois et pour une seule raison.Toutes nos f?licitations Docteur Par? et surtout n'oublie de l'envoyer au Quai d'Orsay et a ton ami Jup

  18. Merci Emile t?t ou tard il doit ecout? son peuple en agoni d’alternance politique et ?conomique. Normalement si le Burkina ?tait dot? d?un vrais conseil constitutionnel, bien structur? et reform?, bourr? des professionnels du droit, et des professeurs titulaires, des ma?tres de conf?rences, des docteurs en droit avec des ann?es d?exp?rience ainsi que des avocats et des magistrats qualifi?s, et assermenter de prot?ger nos lois et le peuple, m?me apr?s le referendum bidon, le conseil constitutionnel devra prendre sa responsabilit? en refusant de recevoir une troisi?mes candidature du pr?sident Blaise Compaor

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