Idrissa Diarra : « Le Peuple dans l’Armée, l’Armée dans le Peuple »

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Idrissa Diarra nous revient avec un nouvel article sur l’armée nationale burkinabè.

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Toute Révolution a sa part de dérive ! Dans la Révolution française de 1789, les Français ont connu des horreurs, entre autres, le « mariage républicain », une trouvaille fièrement cité par les initiateurs, pour éliminer certains citoyens en couple, ne se connaissant guère (…). Aussi, le redoutable Robespierre dans ses dérives autoritaires, avait fini par prendre un goût obsessionnel à envoyer ses concitoyens à l’échafaud – pour y être décapités à la guillotine -, pour un oui ou pour un non, pour enfin tomber dans ce piège fatal lui-même! (Jean-Joseph JULAUD, L’histoire de France illustrée pour les Nuls, p. 490)

Dans notre insurrection, ce qui est à déplorer, ce sont ces personnes innocentes, tombées, les mains nues, ce sont ces nombreux blessés enregistrés, ce sont ces nombreuses pertes et dégâts matériels. Bien avant donc de rentrer dans le vif de notre sujet du jour, adressons à nouveau, notre compassion aux nombreux blessés et aux familles de tous ceux qui sont tombés sur le champ de bataille. Ils sont devenus par leurs actes de bravoure, des Héros nationaux.

Bain de sang évité avec intelligence

Dans la notre Révolution intervenue les 30 et 31 octobre, les « multiples auto-proclamations avortées ou non, comme chefs d’Etat, sous l’impulsion des foules », tiennent des difficultés inhérentes à toute révolution. Cependant, les dégâts ont été contenus dans une certaine limite, grâce à la symbiose entre l’armée et les civils, dans une intelligence incroyable !

C’est cet attelage harmonieux qui fait le Peuple ! Sans cette intelligence et cette retenue, le bain de sang tant redouté aurait lieu, tant le Peuple était massivement mobilisé et déterminé, malgré un arsenal policier et militaire impressionnant ! Et la dernière sortie médiatique de l’ancien Président Blaise COMPAORE, – qui parle de complot -, n’est pas pour démentir ce constat.

A analyser ce propos, il ressort sans l’ombre d’un moindre doute, que pour juste conserver son pouvoir, Monsieur Blaise COMPAORE était prêt à frapper son propre Peuple jusque dans la chair sans sourciller, sans gêne, sous les camera du monde. Un Peuple qui l’a pourtant porté à sa tête, qui l’a aimé, qui l’a admiré, qui l’a honoré, qui l’a toléré pendant des années ! Quand on pense aux sacrifices faits par nos compatriotes pour lui permettre une sortie honorable, il y a de quoi avoir mal aujourd’hui à cette idée ! De quoi avoir très mal d’ailleurs!

Il est donc convenable de saluer l’armée, qui s’est illustrée républicaine, en refusant de céder au bain de sang inutile et sauvage pour notre époque, pour notre civilisation du 21ème siècle! Ce salut et cette reconnaissance à l’endroit de l’armée ne serait point, trop la glorifier, ni trop diminuer les civils. Que l’armée non plus ne refuse pas ce salut ! Il est temps, que les africains cessent définitivement de présenter des scènes sordides, incohérentes et immatures d’une autre époque aux occidentaux ! C’est seulement par des attitudes cohérentes et responsables, que nos chefs d’Etat peuvent bénéficier du respect venant de leurs pairs occidentaux ! Ce ne sera point par de gros discours, à la limite effrontés, qu’ils y parviendront en effet.

S’il est inconcevable qu’un individu, muni d’une arme aille dépouiller un boutiquier de ses marchandises, comment tolérer alors, que le Premier garant de l’Etat, le Président de la République en personne, veille bander ses muscles sans honte, pour soumettre ses concitoyens par la peur des armes? Cette observation est valable pour tous les pays africains, sans exception.

A travers l’insurrection, le Peuple burkinabè, constitué de ses parties civile et armée, s’est réapproprié son pouvoir ! Et cette Révolution est un grand pas de marqué pour un renouveau démocratique exemplaire au Burkina Faso, en Afrique et même dans le monde, pourvu que l’on sache faire des compromis, pour l’intérêt supérieur de la nation.

La problématique de la gestion du pouvoir par l’armée

Ces derniers temps, il y a beaucoup de propos susceptibles d’entretenir la confusion dans l’esprit des citoyens non avertis. D’une part, certains ont plusieurs fois, fait la distinction entre le Peuple et l’armée. D’autres ont établi une dichotomie prononcée entre militaires et civils d’autre part. On est donc fondé à se demander : qu’est-ce qu’un peuple qui n’a pas d’armée pour sa sécurité et sa défense ? Ces questionnements ont sans doute interpelé le Dr Debrsèoyir Christophe DABIRÉ à publier un article recommandant de ne pas tirer sur l’Armée.

Ces appréhensions, ces confusions, ne viennent certes pas du néant. L’arme d’où le nom « armée » dérive, n’est-elle pas en soi un instrument de dissuasion et de peur, faisant la particularité de l’armée elle-même? Si l’arme rappelle la force et la mort, comment ne pas craindre celui ou celle qui a le monopole de sa détention ? Aussi, c’est eu égard au stade d’évolution à notre temps que certaines appréhensions trouvent leurs justifications, à tort, ou à raison. Au 21ème siècle, avec notre monde intra et interconnecté, on ne saurait plus s’accommoder du fait que le pouvoir revienne légitimement à une structure, juste parce qu’elle est surarmée. (Lire Touorizou Hervé SOME, L’armée et ses officiers supérieurs, le Deus Ex Machina du Soulèvement Populaire au Burkina Faso ? http://www.lefaso.net/spip.php?article61592 )

Cela ne fait pas exceptionnel, et pire, n’honore pas une telle structure, en ce sens que cet état de fait, ne laisse aucune place à l’esprit, à la pensée, qui fait le propre et la spécificité de l’être humain.

C’est cette erreur de lecture que notre désormais ancien Président Blaise COMPAORE a eu à faire, et qui été fatale pour son régime ! Il avait toutes les chances d’amener le peuple burkinabè à lui garantir l’amnistie après le pouvoir, malgré certaines violences relevées à son compte, depuis 1987. Malheureusement, toutes ces images de médiations à l’échelle internationale, de dialogues, de beaux discours de paix, n’avaient apparemment pas réussi à faire oublier au Président COMPAORE, les conditions dans lesquelles, lui-même aura accédé au pouvoir et à faire confiance aux différents acteurs politiques pour lui pardonner. Sinon, comment puissions-nous comprendre cette opiniâtreté à forcer les choses pour demeurer au pouvoir contre vents et marées ?

Par ailleurs, la méfiance vis-à-vis de l’armée s’explique-t-elle légitimement. N’est-ce pas que certains disent que « c’est un seul singe qui gâte le nom de tous les autres singes ». Si les USA, de par leurs textes, refusent de soutenir les régimes militaires, ils ne tiennent pas cela du néant absolu certainement. C’est eu égard à une longue expérience. A côté de nous, les exemples font légion : Dadis CAMARA, Robert GUEI, pour n’avoir pas respecté leurs paroles, pour s’être cramponnés au pouvoir, auront donné de très mauvais exemples pour l’image républicaine, neutre et restauratrice de la quiétude sociale et politique.

Le potentiel de l’armée

Au delà de toutes ces inquiétudes, il est bon de retenir un élément, qui peut clarifier les choses à savoir, la genèse des armées. En d’autres termes, d’où vient l’armée ? Le journaliste écrivain, Sayouba Traoré, a publié un brillant article touchant l’armée (De la difficile question des forces armées nationales, http://www.lefaso.net/spip.php?article59503 ). Il y montre en effet, que ce sont nos frères et nos enfants qui alimentent le corps de l’armée, ni plus, ni moins ! L’armée, ce ne sont donc pas des robots qui la constituent, indépendamment des civils ou du Peuple. Ces fils et filles de la République, sont dotés d’un sens, mieux, d’un bon sens pour discerner les choses parfaitement. Chaque militaire ne possède-t-il pas une famille (père, mère, épouse, époux, enfants, frère, cousins, etc.) dans la société civile ?

J’avais personnellement une idée arrêtée sur le corps militaire, jusqu’à ce que je lise la biographie du Président Thomas SANKARA, rédigée par Bruno JAFFRÉ. Ce dernier dresse le portrait du Président SANKARA, tout le long de sa formation à Antsirabe à Madagascar. J’y ai vu un homme enthousiaste pour le développement de son pays, pour le développement de l’Afrique, un homme enthousiaste à se former, à apprendre, à débattre avec ses enseignants et ses amis. Ses articles ou lettres, à l’époque, à l’adresse de ses amis, notamment sur l’actualité africaine, son assez éloquentes ! Lui qui a prononcé cette célèbre phrase selon laquelle, « un militaire sans formation politique et idéologique est un criminel en puissance ! »

Loin de chez nous, rappelons que l’armée américaine, la 1ère Puissance du monde, est une matière grise (intelligence) incroyable! Il semble même que certains grands projets technologiques et stratégiques des USA sont élaborés dans les laboratoires de l’armée.

Suite à ces connaissances sur l’armée, il est apparu que le développement de nos pays, en termes d’essor technologique, pourrait même avoir comme support, l’Armée, à cause d’un potentiel qui lui est propre : c’est l’attachement quasi-absolu de ses membres à l’Etat, minimisant leurs libertés individuelles et privées. Cette fidélité des membres de l’Armée à l’Etat constitue en effet, une garantie ou un atout majeur pour développer des technologies via la formation de ses cadres à l’étranger, pour le transfert de technologie (…). C’est dire en d’autres termes, que nos Armées gagneraient en image positive auprès DE l’opinion, par leur diversification, leur spécialisation et leur réputation dans des domaines autres que l’équipement massif en armements, notamment par le développement d’une expertise prononcée dans les technologies de pointes par exemple (…).

L’héritage de l’insurrection: une aubaine pour l’ancrage démocratique réel

La démocratie est salutaire comme système politique ! Mieux, notre Peuple l’a adopté comme choix de par sa Constitution. Encore mieux, l’insurrection populaire a été l’occasion pour notre Peuple, de prendre en main son destin, en refusant catégoriquement de marchander sa paix avec qui que ce soit, fut-il armé jusqu’aux dents, fut-il d’un charisme reconnu à l’échelle internationale !

De par ce sursaut, les camps politiques avec leurs dénominations de naguère, sont sinon dissouts, sinon désuets désormais. Aujourd’hui, Contrairement à la récente déclaration du Dr Assimi KOUANDA, la majorité n’a plus de sens, ni même l’opposition ! C’est pourquoi, je prends le risque certes minime, d’appeler CFOHP (et non CFOP), ce conglomérat (ensemble hétérogène), constitué de partis politiques, de la société civile et du corps policier et militaire : Convergence des Forces et Organisation Héritières du Pouvoir politique (dans sa composante civile et non civile).

Ayant un égard très poussé pour l’Histoire, il est souhaitable que chaque acteur de ce CFOHP, joue franc jeu et renonce à la ruse pour des raisons purement égoïstes, qui ne peuvent mener notre pays  nulle part! L’Armée peut avoir des préoccupations particulières, relatives à ses intérêts. Mais au fond, quel est le problème qui ne se résout pas? Si et seulement si Bob Marley peut être une référence dans un tel débat, il est convenable de le citer ici, tant une affirmation à lui attribuée et disponible dans le répertoire des citations du média en ligne Lefas.net est séduisante. En effet, cet artiste dit : « il n’y a pas de problème sans solution ; s’il n y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème (…).

L’occasion est trop belle pour instaurer une démocratie réelle, dépourvue de parasites dans notre pays. Il faut que chaque acteur choisisse ces moments heureux pour jouer sa partition, en jouant franc jeu, en étant vraiment ouvert sur ses préoccupations raisonnables, tout en étant aussi disposé à faire des concessions raisonnables, pour l’intérêt supérieur de la nation.

Idrissa DIARRA

Géographe politologue
Membre-fondateur du Mouvement de la

Génération Consciente du Faso (MGC/F).

Cel : (+226) 66 95 04 90

Courriel : [email protected]

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4 commentaires

  1. Pr?cisions sur la R?volution fran?aise
    Dans l'ouvrage de Jean-Joseph JULAUD, L?histoire de France illustr?e pour les Nuls, First ?ditions, 2005, p. 451 ( Erratum: et non p. 490).
    Le "mariage r?publicain" conduit par le r?volutionnaire Jean-Baptiste Carrier, consistait ? attacher deux parfaits inconnus l'un de l'autre, homme et femme totalement d?nud?s et de les jeter carr?ment dans l'oc?an, sans possibilit? aucune pour eux de se d?faire, ce qui les condamnait ? une mort certaine par noyade. Ce r?volutionnaire utilise des m?thodes radicales d'?limination physique des condamn?s, pour d?sengorger les prisons (surpeupl?e), qui devraient bient?t accueillir les anglais, faits prisonniers de guerres (…). Idrissa D.

  2. Bien dit Mr Diarra! Cependant l'Armee dans le cas du Burkina, doit savoir raison gardee. N'ayant aucune garantie qu'elle regorgerait des Dadis ou des Guei, elle doit jouer un role minimal dans la transition. Elle doit se focaliser sur les questions securitaires et defense du territoire en evitant d'etre le determinant majeur de la naissance de la nouvelle classe dirigeante. L'Armee n'a pas le droit, a cause des armes (force) qu'elle detient d'empecher cette "catharsis" en cours de poursuivre son chemin. C'est une chance unique pour le BF et l'on ne doit pas la louper

  3. Bien dit Mr Diarra! Cependant l’Armee dans le cas du Burkina, doit savoir raison gardee. N’ayant aucune garantie qu’elle regorgerait des Dadis ou des Guei, elle doit jouer un role minimal dans la transition. Elle doit se focaliser sur les questions securitaires et defense du territoire en evitant d’etre le determinant majeur de la naissance de la nouvelle classe dirigeante. L’Armee n’a pas le droit, a cause des armes (force) qu’elle detient d’empecher cette « catharsis » en cours de poursuivre son chemin. C’est une chance unique pour le BF et l’on ne doit pas la louper

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