Révision du Code électoral : « De l’interprétation volontairement erronée de l’Article 25 de la charte de l’UA »
L’auteur du point de vue ci-dessous estime que l’article 25 de la Charte sur la bonne gouvernance a été mal interprété.
« Les auteurs de changement anticonstitutionnel de gouvernement ne doivent ni participer aux élections organisées pour la restitution de l’ordre démocratique, ni occuper des postes de responsabilité dans les institutions politiques de leur Etat ».
Voici l’alinéa sur lequel s’est basé certains individus pour intoxiquer la majeure partie des Burkinabè et de nombreux membres du Conseil national de la transition (CNT) qui ne comprennent visiblement pas grand-chose au débat, pour faire passer leur projet aussi funeste que celui de Blaise Compaoré sur la modification de l’article 37 de notre Constitution.
La volonté de modification de l’article 37 de la Loi fondamentale n’était pas du tout du goût des Burkinabè et le CDP et ses affidés l’ont appris à leurs dépens. Les 30 et 31 octobre, la sanction du peuple a été sans appel pour les partisans du «Tuuk Guili».
Cependant, l’invocation aujourd’hui d’une disposition supranationale, en l’occurrence la Charte de l’Union Africaine sur la démocratie notamment l’Article 25 suscité, est davantage un plan de certains politiciens et de leurs soutiens pour donner un coup de grâce à l’ancien régime.
En effet, les politiciens cagoulés derrière le gouvernement de la transition ont fait une lecture intentionnellement erronée de la disposition de la Charte de l’Union Africaine. Sinon, le Gouvernement régulièrement établi selon la Charte et selon la Constitution, et reconnu par tous les Burkinabè est bien celui qui a été renversé le 30 octobre 2014.
Le problème, c’est que ce Gouvernement –du fait de son projet impopulaire- a été renversé de manière anticonstitutionnelle, c’est-à-dire que le changement n’a pas été fait à l’issue d’une élection mais suite à une insurrection. En effet, au terme de notre Constitution et de la Charte africaine, le changement constitutionnel d’un gouvernement s’opère par le vote.
Or, dans notre cas, le seul gouvernement constitutionnellement établi qui a été changé est celui de Blaise Compaoré. En termes clairs, c’est bien le Gouvernement de Blaise Compaoré qui a été victime d’un changement anti constitutionnel.
Seulement, dans ce cas précis, il a été renversé par un soulèvement populaire, une disposition que la Charte africaine n’a pas prévu parce que lorsque la charte parle de Changement anticonstitutionnel de gouvernement, il fait référence au putsch, au coup d’Etat ou à la rébellion armée.
Les auteurs de changement anticonstitutionnel de gouvernement au terme de l’article 25 de la Charte africaine, sont les putschistes, les rebelles armés ou les auteurs de coup d’Etat et non les membres d’un gouvernement constitutionnellement établi comme l’ont fait croire le gouvernement de la transition porteur du projet de loi et les députés du CNT qui l’ont ensuite adoptée.
Le dernier gouvernement de Blaise Compaoré a été la victime (il a été changé de façon anticonstitutionnelle mais de façon légitime puisque c’est par le peuple en révolte), disposition non prévue par les textes de l’UA. Le CNT et sa suite ont donc volontairement tordu le cou à la charte africaine pour porter des amendements intéressés au Code électoral.
La Charte africaine ne prévoyant aucune disposition en cas de changement anticonstitutionnel suite à une insurrection populaire, l’invocation de son article 25 pour la modification du Code électoral est tout simplement inopérant. Cet argument ne tenant pas, certains pourront invoquer le projet de modification de l’Article 37 comme faisant partie des actes anticonstitutionnels selon la même Charte.
Du projet de modification de l’Article 37
L’Article 23 alinéa 4 et l’Article 25 alinéa 4 de la Charte de l’UA stipulent que : « Les Etats parties conviennent que l’utilisation, entre autres, des moyens ci-après pour accéder ou se maintenir au pouvoir constitue un changement anticonstitutionnel de gouvernement et est passible de sanctions appropriées de la part de l’Union: … Tout amendement ou toute révision des Constitutions ou des instruments juridiques qui porte atteinte aux principes de l’alternance démocratique …
Les auteurs de changement anticonstitutionnel de gouvernement ne doivent ni participer aux élections organisées pour la restitution de l’ordre démocratique, ni occuper des postes de responsabilité dans les institutions politiques de leur Etat… ».
Ici, le CDP a effectivement essayé de se maintenir au pouvoir par l’amendement de la Constitution mais en passant par le référendum qui est conseillé par la même charte de l’Union Africaine dans son article 10 alinéa 2 : «Les Etats parties doivent s’assurer que le processus d’amendement ou de révision de leur Constitution repose sur un consensus national comportant, le cas échéant, le recours au référendum ».
Mieux, notre Constitution n’interdit pas le recours au Référendum dans ce cas de figure. Le problème du projet de Blaise Compaoré, on l’a répété à souhait, était une question d’éthique plutôt que de droit. Sur le plan juridique, tous reconnaissent que la convocation du référendum était légale ; ce qui gênait le plus, ce qui était indécent, ce sont les trois décennies de façon discontinue, d’un seul individu à la tête du pays.
Cela était vraiment amoral, immorale et indécent que le régime Compaoré nous imposât un autre quinquennat mais légalement, il n’y avait rien à reprocher à la convocation du Référendum.
Voyant qu’il était difficile d’opposer cette raison pour invoquer une sanction contre quiconque, les partisans de l’exclusion ont vite d’invoquer l’alinéa 4 de l’article 25. Mais là-aussi comme nous l’avons vu, leurs arguments ont fait flop. Surtout que l’article querellé n’a même pas eu le temps d’être modifié.
La seule sanction qui vaille et qui ne sera jamais oublié par le clan Compaoré a été l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 qui a tout remis à plat et qui permet à tout Burkinabè qui le souhaite de se mettre sur la ligne de départ en octobre prochain pour la conquête de Kosyam.
Il n’appartient pas à un groupe d’individus, fut-il vainqueur de légiférer (de travers en plus) sur qui peut et qui ne peut pas être candidat. Comme le 30 octobre, le seul juge demeure le peuple à travers son vote.
Laissons le peuple s’exprimer, choisir et sanctionner. Si ce n’est pas la peur d’un quelconque adversaire, si ce n’est pas le Code des vainqueurs sur les vaincus, le peuple burkinabè est assez mature. Laissons-le s’exprimer, laissons-le choisir ; il saura reconnaître les siens le 11 octobre.
Céphas Bazoun
Juriste
NDLR : Le titre est de l’auteur
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