Réforme judiciaire : « On ne peut pas faire l’économie de la question de l’élection des juges » (Me Farama)

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Connu pour ne pas mâcher ses mots, il a été choisi par le Mouvement burkinabè des droits de l’Homme et des peuples (MBDHP) en cette date symbolique de la Déclaration universelle de 1948 pour entretenir les participants au panel public axé autour de l’« adéquation du système judiciaire avec les aspirations populaires : quelle justice pour peuple ? ». Me Prosper Farama n’a pas manqué de réponses. A l’image du juge Moriba Traoré du Syndicat burkinabè des magistrats (SBM), qui loue les réajustements pour mettre « l’homme qu’il faut à la place qu’il faut », l’avocat propose de procéder à l’élection d’une partie ou de tous les juges comme cela se fait aux Etats-Unis pour leur conférer la légitimité mais aussi répondre aux exigences du peuple qui leur aura conféré la légitimité requise.

Au MBDHP, les militants des droits de l’Homme se posent la question de savoir si c’est la population qui exagère ou si c’est la justice qui n’est pas à la hauteur des attentes du peuple. C’est en cela que s’inscrit le grand panel organisé en marge de la commémoration du drame de Sapouy pour traiter de la question. Pour le paneliste Moriba Traoré, secrétaire général du SBM, un des éléments à remettre en cause dans la lenteur de l’élucidation (des dossiers qui trainent) et qui a fait « fléchir » la justice burkinabè, c’est l’influence politique.

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Avant de rentrer dans le vif du sujet, Me Farama s’est attardé sur l’historique de la justice dite moderne qui n’est autre qu’« un héritage que nous a laissé la colonisation ». Ce qui a prévalu à mettre de côté le droit coutumier au nom de la mission civilisatrice. Selon lui, la prison telle que conçue en est la parfaite illustration. Une tendance qui n’a pas changé, même si le pays a  obtenu son indépendance, car dit-il la  colonisation a fait la place à la néo-colonisation. Pour financer le PNDES, « on a pris notre gamelle et on est allé à Paris », souligne-t-il.

De la crédibilité de la justice

Me Farama a fait part aussi de son inquiétude quant à la vision « pourrie » de la justice que se font les populations. Une vision qui les emmène à agir dans ce sens et à proposer des pots de vin à des juges d’instruction. Il a fait part de la tentative d’un client qui demandait le nom et le numéro de téléphone d’un juge car, disait-il,  « Me, vous faites votre travail, mais il faut qu’on vous aide ». Une déclaration qui a fait rire toute la salle. L’avocat a déploré le fait qu’« il est malheureusement acquis dans l’esprit des gens, que la justice ne fonctionne que,  si vous avez la possibilité de corrompre le juge ».

De la légitimité du pouvoir judiciaire

Avec un climat tel que celui-ci, l’avocat s’étonne que les populations attendent de la redevabilité de la part du pouvoir judiciaire comme elles le font avec le législatif et l’exécutif alors que ses membres ne sont pas issus des urnes. Et même là encore le mot « pouvoir » lui pose problème. « Seul le peuple par sa souveraineté  confère à une institution le caractère de pouvoir », juge Me Farama. Or note-t-il, le judiciaire n’est pas élu, ce qui pose en même temps la problématique de la séparation des pouvoirs.

A l’étape actuelle, affirme l’avocat, « on ne peut pas faire l’économie de la question de l’élection des juges à un moment donné ou à un autre ». Cela n’implique pas selon lui que tous les juges soient nécessairement élus. Il préconise juste de trouver le moyen pour conférer au pouvoir judiciaire la même légitimité qu’au pouvoir législatif et exécutif comme c’est le cas dans la plupart de certains Etats aux Etats Unis d’Amérique  où l’on procède par élection partielle ou totale des juges.

Si cela devrait advenir, « ce pourrait être une bonne chose » apprécie Chrysogone Zougmoré, président du MBDHP, car dit-il, « il est tout à fait normal et logique que si justice est rendue au nom du peuple, les juges puissent rendre compte au peuple ». Pour cela, ils doivent au préalable avoir obtenu la légitimité requise qui provient du suffrage de ceux qui la confèrent.

S’exprimant sur la dernière sortie de la justice militaire, le président du MBDHP a déploré qu’ « on attende à chaque fois que le 13 décembre pour faire semblant de juger des dossiers dits pendants ».

Que présage l’avenir ?  

Fort de son statut de secrétaire général du SBM, le juge Moriba Traoré a fait part de « la douleur largement partagée (de certains juges) d’appartenir à une justice traitée de corrompue et  d’incompétente » parce qu’ils n’ont pas eu jusqu’ici l’issue espérée par le peuple. Et pourtant, affirme-t-il,  ils font preuve d’un « déploiement assez discret mais rarement égalé ».

A présent, il dit voir dans les réformes récentes une avancée significative quant à l’indépendance de la justice, même si admet-il, au fil du temps les dossiers de crimes se sont accumulés. Avec les réajustements progressifs qui s’observent à l’interne pour « mettre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut », dit-il, « le rêve d’une plus grande efficacité dans les procédures refait surface ».    

Oui Koueta

Burkina24

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