Député Aziz Diallo : « Les Burkinabè devraient être fiers de leur Assemblée nationale »
Le Député Ahmed Aziz Diallo du PDS/Metba est le maire de la commune urbaine de Dori. Son père Hama Arba Diallo était lui aussi député et maire de ladite commune, jusqu’à son décès le 1er octobre 2014, quatre mois après avoir brandi un « carton rouge » à l’encontre de Blaise Compaoré et un mois avant l’insurrection populaire. Feu Arba Diallo a pu atteindre un des OMD (Assainissement et accès à l’eau potable) dans une ville présentée comme l’une des plus sèches du Burkina. « Rendons grâce à Dieu et mettons-nous maintenant au travail car les défis sont de taille », avait lancé à ses conseillers, son fils, le désormais député-maire de Dori, Ahmed Aziz Diallo lors de son installation, le 29 juin 2016. Dans cette interview accordée à Burkina 24 le vendredi 6 janvier 2017, Aziz Diallo évoque le lourd héritage laissé par son défunt père. La situation sécuritaire dans le Sahel, la rupture par l’Assemblée nationale des anciennes pratiques ne sont pas passées sous silence. Le député-maire de Dori fait également une analyse de la gestion de la chose publique par les nouvelles autorités.
Burkina 24 : Vous avez repris la gestion de la ville de Dori après le décès de votre père. Travaillez-vous avec votre méthode ou calquez-vous celle de l’ancien maire dans votre gestion ?
Ahmed Aziz Diallo (AZ) : C’est une mairie à laquelle nous avons accédé à la présidence après le décès de notre défunt député-maire. On ne peut pas arriver à la mairie de Dori et vouloir réinventer la roue. Surtout que c’est sur la base un peu de ce qu’il a eu à réaliser que les populations nous ont fait confiance.
Donc il est important qu’on s’inspire de ce qu’il a eu à faire, de ses méthodes, de son approche, pour essayer d’amener le bateau encore un peu plus loin. Mais, calquer, c’est un peu trop fort comme mot. Mais c’est une source d’inspiration pour nous, à titre personnel, et aussi pour toute l’équipe qui dirige le conseil municipal de Dori.
B24 : Arrivez-vous à supporter le lourd héritage laissé par votre père ?
AZ : Je rends grâce à Dieu. Jusqu’à présent, tout se passe assez bien. Grâce aussi au soutien de la famille, tous les camarades du parti, que ce soit au niveau de Dori, de la Province, même à l’échelle nationale. Nous arrivons à nous en sortir. Il y a quand même eu un décalage entre les élections législatives et municipales.
Ça nous a permis de bien nous familiariser avec l’exercice législatif avant d’embarquer au niveau de la mairie. Comme je le disais, nous bénéficions du soutien de beaucoup de ses anciens collaborateurs qui font preuve d’une très bonne disponibilité et aussi d’une envie de travailler, de poursuivre les actions qu’ils avaient entamées avec le défunt. Pour nous, c’est une source de motivation, c’est un encouragement.
B24 : Député-maire, comment arrivez-vous à concilier ces deux fonctions vu que c’est pratiquement une première pour vous en politique ?
AZ : Jusqu’à présent, ça se passe bien. La fonction de député ne demande pas beaucoup de temps. Cela me permet de faire la navette entre Dori et Ouaga. Nous avons eu la chance d’avoir des collaborateurs au niveau de la mairie de Dori qui sont très à l’affût des questions de gouvernance locale, de gestion de collectivité.
VIDÉO – Le bilan de Ahmed Aziz Diallo en tant que député-Maire de Dori
B24 : De plus en plus, le cumul de postes est dénoncé. Qu’en dites-vous ?
AZ : Chacun a son opinion là-dessus. J’ai quelques collègues qui sont députés-maires. Je n’ai pas l’impression que cela les empêche d’être performants d’un côté comme de l’autre. Mais, si ce travail venait à être fait et que les uns estiment que le cumul n’est pas propice, je pense qu’en ce moment, on posera le débat et on verra où est-ce que cela va nous amener. Mais, en ce qui me concerne, je ne vois pas d’antagonisme entre les deux. Je vois plutôt une certaine complémentarité.
B24 : Le Sahel est en proie à diverses attaques. Parlez-nous un peu des mesures préventives à Dori. Quelle analyse faites-vous de la politique sécuritaire en place ?
AZ : On ne peut pas rester insensible face à ce qui se passe. Ce qui se passe à Djibo, à Nassoumbou pourrait bien se passer à Dori. En termes de mesures préventives, nous faisons ce que nous pouvons. Nous discutons avec les populations, nous les encourageons chacun à être un peu l’artisan de sa propre sécurité, à faire attention à son voisinage, à ses villages. Parce que le gouvernement ne pourra jamais mettre un poste de gendarmerie, un poste de police dans chaque village. Mais, il est important que les populations s’approprient leur sécurité.
En termes d’analyse de la situation sécuritaire, c’est vrai que nous avons eu une année très difficile. Je m’incline devant la mémoire des soldats et de tous les civils qui ont perdu la vie dans ces attaques d’un autre monde. Dans l’analyse, on peut déplorer quelque part que nous avons été un peu dans la réaction concernant ces attaques-là. Nous n’avons pas vite pris la mesure du danger qui se profilait à l’horizon.
J’estime que si nous avions été un peu plus réactifs, surtout dès les premières heures, on aurait peut-être pu mieux s’y prendre et limiter les dégâts surtout avec la dernière attaque que nous avons vécue. Mais on peut se réjouir que le gouvernement ait pris certaines décisions. Il y a des efforts en termes de mobilisation, dans le déploiement de troupes, même dans le renforcement de leur capacité.
C’est un travail de longue haleine qui demande l’implication de toutes et tous. Nous sommes en tout cas en train de prendre certaines initiatives dans le domaine des sensibilisations surtout en matière de collaboration entre les Forces de défense et de sécurité et les populations. Nous espérons qu’elles vont porter fruit.
Nous avons regretté à l’époque après l’attaque d’Intagom les propos de certains officiers de l’armée qui faisaient un peu l’amalgame entre les bergers peulhs et les terroristes. Ces genres de propos qui stigmatisent une partie de la population ne sont pas propices à améliorer les relations entre les FDS et les populations. Donc, chacun doit s’y investir, faire des efforts.
B24 : Des informations font cas d’enrôlement de jeunes pour des actes terroristes dans le Sahel. En avez-vous eu des cas dans votre ville ou dans ses encablures ?
AZ : Non. A Dori ou dans les environs de Dori, personnellement, je n’ai pas reçu d’information sur le recrutement de jeunes pour des actes terroristes. Comme je le disais tout à l’heure, il est important de poursuivre les sensibilisations. Il ne faut pas attendre que ça arrive pour réagir. Nous voyons tous ce qui s’est passé à Djibo. Nous voyons comment les choses se sont passées assez vite.
Il faut éviter que ces genres d’attitudes se propagent. Il faut éviter que les jeunes se laissent attirer par des individus avec des ambitions inavouées. Nous n’avons pas d’information de recrutement au niveau de Dori, ni dans la zone, mais nous allons travailler à ce que cela ne se fasse pas.
B24 : Un autre sujet. Un nouveau chef d’Etat-major général des armées est nommé, que peut-on attendre de lui, selon vous ?
AZ : Déjà, je tiens à le féliciter pour sa nomination. J’étais à la Place de la révolution le jour de sa passation, j’ai beaucoup apprécié son discours. Il avait un discours assez humble, mais aussi assez ferme. Et je pense que son discours déjà est un très bon signe. Il a encouragé les officiers supérieurs à être encore beaucoup plus proches des soldats.
Nous avons beaucoup d’espoir, sans porter un jugement sur son prédécesseur sur lequel je n’ai pas d’élément qui me permettrait de le faire. La confiance qu’il a eu avec le Président du Faso, c’est déjà une bonne chose, une preuve que le nouveau Chef d’Etat-Major général des armées est un homme en mesure de répondre à nos attentes notamment pendant ces périodes assez difficiles. Nous prions pour lui, nous lui souhaitons bon vent.
B24 : Il est aussi dit que Dori est une zone de transit de migrants en partance pour l’Europe, arrivez-vous à gérer le flux ?
AZ : Gérer le flux, c’est difficile. Nous voyons les cars arriver. Ils sont pleins de monde. Comme Dori est devenue maintenant une bonne zone de traversée pour se rendre vers le Niger et au-delà. Ça pose quand même des défis au niveau de la sécurité et de la commune. Parce que la plupart de ces cars arrivent, les individus se trouvent à passer parfois deux ou trois jours à Dori avant de pouvoir continuer vers le Niger. Nous travaillons avec la police municipale et les FDS au niveau de la ville.
Nous n’avons jusqu’à présent aucun incident majeur à attribuer à ce phénomène. Mais, il est important de réfléchir, de prévoir. Nous envisageons déjà renforcer les capacités de notre police municipale en termes d’effectif aussi, d’opérationnalisation. Parce que si nous continuons à ce rythme, il ne faut pas exclure que nous ayons des défis sécuritaires au niveau même de la ville.
B24 : On ne sent pas votre présence dans la vie de votre parti, le PDS/Metba. Que se passe-t-il ?
AZ : Pourtant, je suis très présent dans la vie de notre parti. Déjà avec mes fonctions de député et maire, tout ce que je fais que ce soit à l’Assemblée nationale ou à la mairie, c’est quand même sous le sceau de mon parti politique. En plus de cela, quand je suis à Dori, je m’investis au niveau de la région à travailler avec les structures du parti. Dès que mon temps me permet, je participe aussi à toutes les instances du parti notamment aux réunions du Bureau exécutif national.
Nous avons très récemment eu notre Bureau politique national, j’ai eu l’occasion de participer. On a échangé avec nos fédérations qui sont venues de partout sur le territoire national. J’ai été absent récemment à une ou deux activités du parti parce que j’étais en mission hors du pays. Sinon, je suis présent. C’est vrai que les contraintes de temps ne me permettent pas d’être présent comme je l’aurais souhaité. Mais, j’espère que les choses vont s’améliorer.
B24 : En tant que député, une année de service déjà, quel bilan pouvez-vous dresser ?
AZ : J’ai un bilan assez positif. A titre personnel, pour moi c’était une année d’apprentissage vu que c’est ma première expérience à l’Assemblée nationale. J’ai trouvé très intéressant. J’ai eu le temps de lire, d’écouter mes collègues députés plus expérimentés que moi. Je me réjouis d’en avoir quelques-uns qui ont vraiment fait preuve d’une disponibilité à mon égard.
Je les remercie pour tout leur soutien. Cela m’a permis d’apprendre le travail que ce soit au niveau de la commission (NDLR : Commission Développement économique, environnement et changement climatique). Je suis aussi dans le réseau pour l’eau potable, l’hygiène et l’assainissement. Donc j’ai eu une année d’apprentissage assez intéressante.
Je ne suis pas allé là-bas uniquement pour apprendre. J’ai aussi joué le rôle que je devrais jouer à travers certaines interpellations que ce soit à travers les questions écrites ou orales, même les débats au sein des plénières à l’Assemblée nationale.
J’ai en tout cas une appréciation positive de cette première année. Je pense qu’au sein de l’Assemblée, nous avons joué un rôle assez important pour marquer cette première Assemblée post-insurrectionnelle. Je pense que les Burkinabè devraient être fiers de leur Assemblée nationale au regard des débats qui s’y sont menés, des engagements des uns et des autres.
Au-delà de leur chapelle politique, on se rend compte que les Burkinabè qui sont à l’Assemblée nationale se soucient de l’intérêt du peuple burkinabè. Ils veulent travailler à améliorer la situation dans la mesure de leur prérogative.
B24 : Nous ne pouvons passer sous silence les deux grands scandales, celui des tablettes et des indemnités de fin de session, que l’hémicycle a connus. Un mot sur ces questions ?
AZ : Vous savez, je ne pense pas qu’il soit indiqué que chaque fois qu’il y ait un scandale que tous les 127 se jettent dans la presse pour aller chacun donner son explication. Je pense que si on se venait à le faire, les Burkinabè devraient plus s’inquiéter de leur Assemblée nationale qu’autre chose. J’ai privilégié le débat à l’intérieur au niveau de l’Assemblée, et aussi des débats au niveau du Groupe parlementaire tout en défendant quand même des positions de principes.
Raison pour laquelle je n’ai pas jugé nécessaire de m’exprimer en public sur ces sujets. Mais, par la suite nous avons entendu les propos du Président du Faso et aussi du Président de l’Assemblée nationale. Donc, j’estime pour moi que ce n’est plus opportun de revenir sur ces deux évènements.
B24 : Est-ce le ralliement de votre parti politique à la majorité qui vous empêche de parler ?
AZ : Non, pas du tout. Notre parti s’est rallié à la majorité mais nous n’avons jamais mis en vente nos principes. Nous sommes un parti national, un parti responsable qui a toujours défendu des positions de principes et une idéologie en toute circonstance. A aucun moment donné, la majorité ou le parti au pouvoir nous ait dit « vous nous rejoignez mais on ne veut pas vous entendre ».
VIDÉO – Le Député-Maire de Dori réaffirme l’indépendance du PDS/Metba
Nous gardons toujours notre droit en tant que parti politique et au moment opportun, nous réagissons. Nous avons eu à réagir à plusieurs reprises sur les derniers évènements qui ont marqué notre pays. Et cela nous le faisons sans chercher l’accord ou l’avis d’un autre parti politique.
B24 : D’une manière générale, est-ce que l’Assemblée nationale a rompu avec les pratiques du passé ?
AZ : Vous savez, rompre avec les pratiques du passé, c’est un processus. Ce n’est pas un évènement. Si je dis que les Burkinabè devraient être fiers de leur Assemblée nationale, c’est quand je regarde un peu le travail qui a été effectué à un moment. Au-delà de toute cette polémique sur les tablettes et sur le million, le travail qui a été effectué pour moi est une source de fierté.
On ne peut pas passer sous silence les efforts et les sacrifices que les députés consentent au quotidien, à travailler au niveau des différentes Commissions, les travaux qu’ils ont effectués avec le gouvernement pour produire des lois qui reflètent nos ambitions en matière de développement pour ce pays. On ne peut pas passer sous silence ces commissions d’enquêtes, que ce soit sur le domaine minier ou sur l’urbain, qui répondent à quelque part à des aspirations de justice sociale et d’égalité que les Burkinabè ont toujours recherchée.
Je pense que c’est du très bon travail qui a été fait et je suis sûr que nous allons poursuivre sur cette lancée. Et nous allons nous intéresser à plusieurs autres domaines parce qu’il y a sans doute beaucoup de choses à faire. Et l’Assemblée va jouer son rôle pour participer à l’assainissement du pays que ce soit en termes de textes de lois mais aussi en termes de fonctionnement des différentes institutions du pays.
B24 : Une année déjà que Roch Kaboré est président. Quelle analyse faites-vous de sa gestion ?
AZ : Nous avons eu une année assez difficile. Ce n’est pas facile pour personne de venir à la tête de ce pays surtout après ce que nous avons vécu pendant plus de 27 ans que je considère comme du gâchis. Les attentes étaient très fortes. Nous avons connu des défis sécuritaires, des défis économiques. Ce n’est pas facile d’apporter un jugement après un an.
Mais on peut quand même se réjouir de certaines des mesures qui ont été prises notamment en ce qui concerne l’aspect social, la gratuité des soins que beaucoup considèrent comme une mesure populiste qui a été prise assez rapidement sans assurer tous les contours.
Mais je me dis que le meilleur nageur, il faut qu’il se jette à l’eau, quitte à voir comment prendre des mesures palliatives pour s’assurer que ces mesures soient pérennisées et qu’elles profitent vraiment aux Burkinabè comme c’est ambitionné. On peut se réjouir de beaucoup d’autres mesures qui ont été prises. On peut aussi se réjouir des engagements des partenaires et amis du Burkina Faso.
B24 : Par ailleurs, l’on dit que le Sahel détient le maillot jaune de la malnutrition au Burkina. Un commentaire.
AZ : On ne peut pas ignorer le problème de la malnutrition. On ne peut pas être maire de la commune de Dori et ne pas accorder une attention particulière au problème de la malnutrition. Je ne sais pas qui nous a décerné le maillot jaune, mais on est conscient qu’il y a du travail à faire. Beaucoup a été fait. Je ne vous apprends pas que Dori a été la première ville au Burkina à atteindre un des objectifs du millénaire pour le développement (OMD).
La ville de Dori est à 100% d’accès à l’eau potable. Pour dire quand même qu’il y a du travail qui a été fait. Mais du travail reste toujours à faire. Nous félicitons par cette occasion tous les partenaires nationaux et internationaux qui s’investissent au quotidien. Nous allons aussi poursuivre dans ces efforts, nous associer à eux pour faire le travail, apporter aussi notre touche. Je pense qu’avec les efforts de tout un chacun, nous y arriverons.
B24 : Un dernier mot ?
AZ : Mon dernier mot, c’est pour encore souhaiter mes meilleurs vœux à tous les Burkinabè. J’encourage chacun à jouer sa partition pour le bien commun. Main dans la main, il faut que nous travaillions ensemble vers une forte réconciliation nationale, une cohésion entre toutes les populations. Et nous prions Dieu pour qu’Il nous accompagne.
Interview réalisée par Noufou KINDO
Avec Ismaël Ignace NABOLE
Burkina 24
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