Le regard de Monica – « 8-Mars : journée de réflexion ou de réjouissances ? »
Le Regard de Monica est une chronique de Burkina24 qui est animée chaque jeudi par Monica Rinaldi, une Italienne vivant au Burkina. Cette chronique traite de sujets liés aux femmes, à la consommation locale et aux faits de société.
Le 8-Mars 2017 est passé, entre polémiques sur les pagnes, cérémonies officielles aux discours préétablis aussitôt oubliés et réjouissances. Mais que reste-t-il de cette journée ? Le réveil difficile du « day after », les jambes fatiguées pour l’excès de danse et la gueule de bois pour l’excès de libation… qu’ont-ils emmené à la cause de l’émancipation féminine ?
Sans rien enlever à l’importance de l’aspect festif de la journée, il ne faudrait pas non plus perdre de vue le vrai sens de cette journée qui, dans un contexte comme celui du Burkina où les droits de l’autre moitié du ciel ne sont malheureusement pas encore un acquis pour toutes les femmes, devrait être consacrée aussi à la réflexion sur la condition féminine et aux pistes pour son amélioration…
Une fête « détournée »… en tout intérêt des hommes
L’habitude, initiée sous le sankarisme, de déléguer la cuisine et les autres tâches ménagères aux hommes pour une journée peut effectivement emmener ceux-ci à se rendre compte du grand travail qu’incombe quotidiennement aux femmes, et à apprécier davantage les efforts qu’elles font au sein du ménage. Mais quid de l’habitude, initiée par les femmes, de coloniser les maquis, boîtes de nuit, bars et autres, en imitant le comportement des hommes ? La vraie émancipation sera atteinte justement quand les femmes n’auront plus besoin d’attendre le 8-Mars pour organiser une sortie de détente entre amies.
En effet, passer la journée du 8-Mars dans les djandjobas et maquis ne ressemble qu’à un jeu de rôle, si le lendemain la femme se retrouve dans la même condition que la veille. Imiter pour un jour les pires habitudes des hommes ne va rien apporter à la cause de la liberté des femmes. À bien voir, ce mode de célébration convient aux hommes. Mieux vaut, pour eux, que la femme se contente de fréquenter les maquis pour une journée pour ensuite revenir à la condition de la veille, que d’avoir une épouse qui, consciente de ses droits, les empêche de dicter le bon et le mauvais temps entre les quatre murs de la cour familiale ou de divaguer jusqu’à des heures tardives sans explication aucune.
Combien de femmes sont-elles soumises au vouloir de leur conjoint pour la prise de décisions concernant leur propre vie ? Combien de femmes doivent-elles renoncer à une carrière prometteuse, à leur engagement social et politique, ou tout simplement à travailler en dehors du foyer, à cause du « niet » sans appel prononcé par leur mari ? Comment un pays peut espérer se développer, si la moitié de sa population est soumise au vouloir de l’autre moitié ?
Autonomie financière… et décisionnelle
En effet, certaines interdictions que les hommes posent à l’autonomisation financière des femmes sont liées au fait qu’ils sentent menacé leur rôle de « chef de famille » si la femme a la possibilité de contribuer aux charges familiales. Les malines – comme celle que vous lisez – iront jusqu’à dire que cette attitude est plutôt propre aux hommes qui savent que leur rôle « dominant » est lié uniquement à leur disponibilité financière, car ils doutent eux-mêmes de disposer d’autres moyens plus intellectuels d’emmener leur épouse à accepter leur opinion.
Certainement, la femme ne pourra pas aspirer à plus d’autonomie dans les choix la concernant directement, ou de plus de poids dans les décisions du foyer, que si elle accepte de partager les charges du ménage, au lieu que peser sur son conjoint sous le prétexte que « il doit s’occuper de moi » : bien-sûr qu’il le fera, mais en échange, il s’attendra également à ne pas rencontrer d’opposition devant les choix qu’il prendra, soient-ils sur la déscolarisation d’une fille de 12 ans pour la donner en épouse au fils de son ami, ou sur l’interdiction à sa femme de s’engager sur le plan social et politique.
Un nouveau sens
Il est nécessaire de donner un nouveau sens à la célébration du 8-Mars. Organiser des cérémonies où les femmes défilent en pagne tissé en écoutant des discours écrits au préalable par des conseillers et lus sans engouement par des autorités ne constitue un début que si les cérémonies en question sont suivies par des actions concrètes.
La déscolarisation forcée, les mariages précoces, la négation du droit à l’autodétermination en plusieurs domaines – la santé génésique, le choix de carrière, l’engagement sociopolitique – voici autant de discussions qui devraient primer sur les réjouissances sans lendemain. Les discours officiels répètent d’année en année le même refrain, mais rien n’est fait pour leur donner une suite.
Combien de femmes sont-elles reléguées à des rôles de second plan par rapport à leurs collègues hommes ? Pourquoi faut-il fixer un objectif de 30% de femmes élues, si celles-ci représentent plus de la moitié de la population ? Combien de Directions des différentes structures étatiques et privées sont confiées à des femmes ?
Combien de parents ont-ils été poursuivis pour avoir donné leurs filles en mariage en dessous de l’âge légal ? Combien d’exciseuses ont-elles été condamnées pour avoir mutilé des fillettes ? Combien de parents ont-ils été rappelés à l’ordre pour avoir déscolarisé leurs filles avant qu’elles aient obtenu un diplôme ?
Seulement quand il ne sera plus nécessaire de célébrer le 8-Mars comme une journée différente des autres, il sera vraiment possible de fêter la journée de la femme.
Monica Rinaldi
Chroniqueuse pour Burkina24
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