Tribune – « Burkina Faso : Une entrée dans l’antichambre du chaos nécessitant des élections anticipées »
Ceci est une analyse de Ousmane Djiguemdé sur la situation nationale.
Le climat sociopolitique national vient de franchir un nouveau cap. Aux maux qui altèrent le vivre-ensemble s’ajoutent le discrédit des OSC, les caprices d’une administration-poison (Bureaucratique), l’inexistence d’une opposition politique, et le désamour d’un peuple vis-à-vis d’une classe politique dont la nième intrigue détruit l’UPC. Cette absence de confiance généralisée fait courir au pays le risque de manquer de repères, de leaders en cas de besoin de mobilisation nationale.
I-Un manque de leaders politiques et de leaders d’opinion crédibles
Au pays de Thomas Sankara, la classe politique n’a pas favorisé l’émergence de nouveaux leaders. Ce manque de repères politique et idéologique contemporains profite à n’importe quel quidam comme Malam Dicko. C’est un échec des partis politiques qui, tout en recevant l’argent public pour leurs activités, n’ont pas fait leur devoir de formation de la jeunesse. À titre d’illustration, pour remplacer Salifou Diallo, on a été obligé de fabriquer sur-le-champ un « jeune leader » et de l’imposer maladroitement. Immédiatement après, la machine de destruction des partis a repris du service à travers les 13 députés frondeurs de l’UPC.
D’un autre côté, même si cette « politique politicienne » a conduit à l’épuisement de la logique des partis au Burkina Faso, les leaders d’OSC ne peuvent occuper la place, à cause de leur instrumentalisation. La méfiance des citoyens est si grande, malgré l’utilisation de la figure de Thomas Sankara. Pire, elle atteint tout citoyen qui rêve d’un destin public, puis ramollit et éloigne de la politique des potentialités. Peut-être créera-t-elle des victimes parmi les dirigeants actuels, soumis à des pressions multiformes de leurs proches pour se défaire de la politique. Si cela arrive, l’assèchement du vivier de leaders, même mauvais, va accroître l’absence de repères pour la jeunesse, puisque les leaders traditionnels ou religieux sont de plus en plus obligés de s’aligner.
II-La démagogie et la ruse politique ne sont-elles plus payantes au Faso ?
Dans une célèbre chanson utilisée par les insurgés de 2014, il est clamé haut et fort : « Tond nina pouka min » (nos yeux sont ouverts). C’est vrai ! La preuve est que dans un passé pas loin, les 13 députés de l’UPC pouvaient réussir leur coup sans difficulté. Aujourd’hui, ils sont dans le pétrin et obligés de se défendre. Peut-être que les militants aussi perçoivent les enjeux cachés : constitution de la 5ème république, lois importantes dont amnistie générale, etc… Donc leurs yeux sont ouverts !
Mais, tout cela n’est qu’une vue de l’esprit. En l’absence de culture politique, ceux-ci ne peuvent s’opposer qu’à la forme, c’est-à-dire à la « politique politicienne ». Dans le fond, ils sont restés naïfs et victimes de l’arnaque politique servie par le MPP à travers son projet de société, sa déclaration de politique générale (DPG) et son PNDES. En quoi consiste cette arnaque, dont feu Gorba et Laurent Bado mettaient en garde le gouvernement sur le danger de son inévitable échec ?
III- Le PNDES : une arnaque politique monumentale
Le grand mensonge de la DPG de Thiéba et l’arnaque du PNDES sont en train de produire leurs effets. Même si le gouvernement dépense beaucoup pour traquer les moindres réalisations au profit du PNDES, la réalité de l’analyse le rattrape. Aussi bien avec le Présimètre qu’avec tous les autres outils d’analyse orientée des politiques publiques, on aboutit à des résultats extraordinaires pour les politiciens, mais pas pour le peuple. La seule analyse sincère reste scientifique.
Celle-ci montre toutes les insuffisances de la conception du projet de société du candidat Roch Kaboré et ses incohérences programmatiques. Elle montre aussi la faible prise en charge du projet de société par l’Administration publique, d’où sa traduction en un plan (le PNDES) inapplicable. Pour ceux qui disaient qu’il fallait prier Dieu pour que Kaba réussisse au lieu de démontrer le caractère démagogique de sa DPG, il y a fort à craindre qu’ils n’aient pas été entendus par Dieu.
Depuis 2 ans de pouvoir, le projet de société du président et son PNDES n’ont encore engendré aucune politique publique sectorielle. À la Santé, à défaut du vide c’est bien avec les orientations stratégiques du Plan national de développement sanitaire (PNDS) de Blaise que les activités sont conduites. Il en est de même pour l’éducation où le PDSEB n’a pas encore été remplacé, ainsi que de tous les autres secteurs d’activités. Il est inadmissible de conduire une nouvelle politique avec la boussole politique pour laquelle son mentor a été balayé. On peut tolérer que la Transition s’oriente avec la politique de Blaise, puisqu’elle n’en avait pas le choix, mais pas un régime arrivé au pouvoir avec un projet de société. C’est là l’arnaque ! Le pouvoir et le peuple burkinabè devraient en tirer toutes les conséquences.
IV -Aucune politique publique sectorielle nouvelle engendrée par le PNDES
Toutes les actions et investissements publics sont conduits de façon brouillonne sans cadres stratégiques structurés en politique publique sectorielle. Juste un investissement ici et là, à grands renforts médiatiques, sans valeur ajoutée pour la transformation structurelle de l’économie pourtant présentée dans le projet de société et la DPG. Quelle est la valeur ajoutée d’une distribution de ceci ou de cela dans la transformation de l’économie ? Rien ! Aujourd’hui, même si de nouvelles politiques publiques sectorielles étaient déclinées, elles et leur matrice, le PNDES, seraient techniquement impossibles à mettre en œuvre pour plusieurs raisons.
D’abord, le MPP ne semble pas avoir disposé d’acteurs compétents et dévoués pour formuler un projet de société réaliste et réalisable pour son candidat. Mais cela pouvait être rattrapé si le président avait le charisme pour refonder son projet de société au sein d’une nouvelle majorité présidentielle, faire de la mobilisation sociale et conduire la formulation de son plan, le PNDES. Le gigantisme des vœux pieux de la DPG de Thiéba, loin de la réalité administrative, est la preuve que cela a manqué. Le PNDES en a subi un contrecoup relevé par les partenaires du gouvernement.
Ensuite, la pertinence et l’efficacité des politiques publiques sectorielles ne valent que sur la durée du mandat présidentiel. La raison est simple. On ne peut pas exiger d’un président élu, sur la base d’un autre projet de société, de poursuivre le projet de son prédécesseur comme avec les politiques publiques de Blaise Compaoré. L’argument qui excuse le MPP, parce qu’il ne dispose pas de la majorité absolue au parlement, ne tient pas. Dans la constitution du Burkina Faso, quelle que soit la majorité en présence, le président a l’initiative des orientations stratégiques de politiques publiques. C’est pourquoi c’est son plan qui est mis en œuvre.
Si par extraordinaire, le président Kaboré réussit à se faire réélire, il n’est pas évident qu’il puisse mettre en œuvre, même sur 2 mandats, l’actuel projet de société, sauf par truchement d’une analyse erronée et d’un surendettement hors norme. Si un autre président lui succède, le PNDES ne sera jamais reconduit. En plus de n’être pas pertinent pour nos défis, il a perdu en efficacité parce qu’il n’a pas démarré et n’a pas politique sectorielle. Mieux, les effets qu’on lui prêtent cèdent à une analyse sérieuse. Enfin, cette solution est techniquement impossible.
Ce qui est faisable, c’est de boucler le PNDES dans l’attente de la traduction du projet de société du président de 2020 en plan. Le délai technique correspond à celui de l’épuisement des possibilités d’utilisation des douzièmes provisoires, conformément aux dispositions de l’article 60 de la loi organique n° 073-2015/CNT relative aux lois de finances. Ce qui permettra d’ajuster la nouvelle politique proposée aux exigences et défis sectoriels. En cas de blocage avéré, la solution ultime reste l’organisation d’élections anticipées.
V- L’État impuissant face au plus grand danger de la République
Le plus grand danger n’est ni Malam Dicko, ni les autres terroristes ou leurs complices. Le plus grand danger de la République, c’est le citoyen Burkinabè lui-même, bouclier ou poison selon son engagement patriotique. Aujourd’hui c’est Zaïda qui ne reconnaît plus à l’État le droit de lui imposer des limites parce que l’État aurait été injuste dans la distribution des droits aux citoyens. Mais depuis longtemps l’État peine à exister dans plusieurs autres secteurs et le citoyen devient plus puissant.
La plupart des administrations vivotent sans que les agents publics n’aient la possibilité d’expliquer aux usagers (citoyens) pourquoi les services publics ne peuvent plus être convenablement rendus aux citoyens. Le nombre des frustrés s’accroît à une vitesse non maitrisable dans les villes, campagnes, régions, communautés, et ICG met la situation au Sahel sous le coup de ce fait. C’est le prétexte mis en avant par les djihadistes pour envahir le Sahel. Jusqu’à quand parviendra-t-on à contenir cela ?
Dès lors qu’un seul citoyen réussira sa rébellion contre l’État, la situation s’envenimera. Les élites nostalgiques d’un pouvoir perdu trouveront de la voix et plus peut-être ! L’explosion attend à la porte de l’État et sa pression est de plus en plus forte. Il est incongru de rabaisser cette analyse aux superstitions pour admettre que l’exhumation des cadavres des 13 suppliciés du 15 octobre 1987 peut être une des causes, mais le fait est là ! L’État connaît déjà un essoufflement dans ses finances, à force de se saigner pour les agents publics. Cela se ressent dans beaucoup d’activités. Enfin, la contribution fiscale du citoyen est très faible, pendant qu’il exige des droits exorbitants, d’où le besoin de surendettement hors norme, pendant que la franchise des autorités dans la conduite des affaires publiques laisse à désirer.
Résultats : les agents publics sont dans l’angoisse d’un retard de salaire, les citoyens dans la peur d’un défaut de paiement, les gouvernants dans une bulle et le peuple dans une espèce d’insécurité financière, économique et sociale. La réconciliation et la justice sont devenues une arlésienne. Reste à savoir combien de temps durera la patience des uns et des autres ? Comment crieront-ils leur rage au président ? Quelle forme prendra cette rage ? Face à cela, l’enjeu exige la sagesse de tous : regarder les choses avec réalisme et courage pour trouver des solutions !
VI – Effacer l’effet des antagonismes politiques par des élections anticipées
La vieille classe politique n’a pas fini d’exposer ses antagonismes dans ses querelles sans fin qui prennent en otage le peuple et la vie publique nationale. Au nom de quelle logique une petite poignée, fût-elle éclairée, peut-elle posséder indéfiniment tout le patrimoine du pays de père en fils et la confisquer pour sa descendance ? C’était le sens de la lutte qui a coûté la vie à Sankara. Il ne faudrait pas se tromper de combat et crier avec la même élite spoliatrice l’avènement d’une justice qu’elle ne désire point. Leur condescendance est suspecte et surtout malsaine en ces dates anniversaires de nos luttes.
Pourquoi aucun crime économique et de sang ne peut être jugé ? Pourquoi le Général Diendiéré demande-t-il vainement à être jugé ? Pourquoi contrairement à lui le général Djibril Bassolé désire se soustraire par des artifices ? De quelle vérité a-t-on peur et qui a peur ? Pourquoi la Turquie a pu juger ses milliers de comploteurs plus vite que notre petit nombre d’accusés ? Pourquoi malgré les avantages exorbitants, les magistrats sont incapables de s’émanciper et de dire le droit ? Pourquoi l’on ne veut pas de la justice ? Peut-elle encore assurer la cohésion sociale et l’unité nationale ? Cette justice est-elle compétente pour régler les crises soixantenaires de nos hommes politiques dont la résultante est la situation actuelle ? À qui profite cette situation ? Pourquoi l’on ne souhaite pas la réconciliation ?
Toutes ces questions traduisent l’échec personnel d’un homme : Roch Marc Christian Kaboré, le président du Faso ! Dans tous les cas, lorsqu’un peuple est en péril, comme c’est le cas actuellement au Burkina Faso, le plus grand tort revient toujours au berger qui conduit le troupeau. Si Moïse avait désobéi à Dieu au point de l’irriter plus que ce qu’il a laissé faire, c’est tout le peuple Juif qui n’aurait jamais vu la Terre promise, pas seulement Moïse. Dans nos traditions, il y a des moyens plus subtils de corriger les errements d’un chef.
Mais nous sommes dans les temps modernes. Et la seule voie légale est celle des élections anticipées. Roch doit partir par des élections anticipées si l’on veut sauver le Burkina Faso du chaos ! Mais pas avec la CENI actuelle ! L’histoire nous met en garde par un « sage » de l’Afrique centrale, qu’on n’organise pas des élections pour les perdre. Et cette CENI budgétivore n’est pas une garantie de transparence. Quand on aime l’argent, on s’expose facilement à la corruption !
Ousmane DJIGUEMDE
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