Le Bassin de la Volta, un outil pour « la réduction de la pauvreté »
Le fleuve volta, long de 1.850 km draine avec ses affluents et ses sous-affluents, une superficie de 400.000 km2 répartie sur six pays à savoir le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Ghana et le Togo. « En tant que tel, le fleuve n’appartient pas à un seul Etat. Il appartient à la communauté des six », note Dessouassi Yaovi Robert, Directeur exécutif de l’Autorité du Bassin de la Volta (ABV). Dans cette veine, les six Etats ont décidé de la mise en place d’un cadre de concertation autour de ce fleuve en vue de mettre en valeur de ses potentialités afin de promouvoir un développement intégré, concerté et paisible, « histoire d’éviter les conflits liés aux divers usages auxquels il est soumis ». C’est cette volonté qui a guidé les chefs d’Etat des six pays à créer le 19 janvier 2007, l’Autorité du Bassin de la Volta (ABV) dont le siège est sis à Ouagadougou. En décembre 2018, Burkina 24 a accordé une interview à Dessouassi Yaovi Robert pour aborder les questions liées à la gestion du Bassin de la volta et à celle de l’Autorité en charge de sa gouvernance.
Burkina 24 (B24) : L’Autorité du Bassin de la Volta (ABV) est une organisation africaine créée en 2007. Qu’est-ce que l’ABV et quelles sont ses missions ?
Dessouassi Yaovi Robert (Dessouassi Y.R) : L’Autorité du Bassin de la Volta est un cadre politique, technique et administratif de gestion du patrimoine commun qu’est le Bassin de la Volta. Nous sommes là pour promouvoir la concertation permanente et un développement durable pour un partage équitable des bénéfices en vue de la réduction de la pauvreté et d’une meilleure intégration socio-économique dans la sous-région. Cela veut tout dire.
Si, sur la portion burkinabè du Bassin de la Volta, on produit du riz, cette production va circuler dans nos marchés. Le Togo par exemple, peut dire qu’il contribue à la mise en place d’un tel périmètre irrigué. Si on construit un barrage, l’électricité peut être partagée avec les pays voisins. Voilà de manière simple, ce que nous attendons faire, mettre en place des projets fédérateurs.
B24 : Dites-nous comment est structurée cette organisation ?
Dessouassi Y.R : Dans chaque Etat, nous avons un ministère de tutelle qui est soit le ministère en charge de l’eau, de l’environnement ou de l’agriculture. Tout dépend de la dénomination au niveau de chaque pays. A côté, il y a ce que nous appelons la Structure focale nationale (SFN) qui doit rassembler les cadres provenant des ministères ou des départements techniques parce que nous sommes multithématiques. Pour les questions d’irrigation, l’élevage, l’électricité etc., il faut des spécialistes. Le seul ministère de tutelle n’a pas toutes les compétences pour traiter de ces questions.
Au-delà de ces Structures focales nationales, nous avons en haut, le sommet des chefs d’Etat qui est l’organe qui donne les orientations. En dessous, il y a le Conseil des ministres. Après eux, nous avons le Forum des parties prenantes et en dessous, il y a le Comité Technique des Experts et enfin la Direction exécutive. Nous, nous sommes là, pour exécuter les décisions et les résolutions prises par nos Instances supérieures que sont le Sommet des Chefs d’Etats et de Gouvernement et le Conseil des ministres en nous basant également sur les avis que les Parties prenantes nous donnent. D’un autre côté, nous avons aussi, le Groupe Consultatif des bailleurs de fonds. C’est l’AFD (Agence française de développement) qui est le coordonnateur de ce groupe depuis sa mise en place.
B24 : Quels sont les objectifs poursuivis par votre organisation ?
Dessouassi Y.R : L’Autorité du Bassin de la Volta a cinq objectifs opérationnels. Il s’agit de : (1) promouvoir la concertation permanente entre les Parties prenantes, (2) promouvoir la mise en œuvre de la gestion intégrée des ressources en eau, (3) autoriser la mise en place des infrastructures, (4) développer et réaliser des ouvrages et des projets communs, développer ou réaliser des projets ou ouvrages communs et enfin, (5) contribuer à une meilleure intégration socio-économique de la sous-région.
C’est le but ultime. Si tout marche bien, un Etat ne peut pas mettre en œuvre une infrastructure hydraulique ou entamer une activité sur sa portion nationale sans se référer à l’ABV. Nous servons de trait d’union entre les pays du bassin de la Volta. Je prends l’exemple du redimensionnement d’un barrage, si sa retenue d’eau impacte négativement les pays voisins cas des périmètres rizicoles ou d’autres activités; il faudrait, ensemble dans le dialogue/concertation, retravailler pour éviter cela. Nous sommes une jeune institution, mais nous faisons des pas de géants pour aller vers l’accomplissement des missions à elle confiées par nos chefs d’Etat.
B24 : Actuellement, quels sont les grandes activités dans le Bassin ?
Dessouassi Y.R : N’oubliez pas que nous sommes dans un contexte de changement climatique avec beaucoup d’effets négatifs sur l’environnement et le vécu quotidien de nos parents. A cet effet, nous avons réalisé une analyse diagnostique transfrontalière qui a mis en exergue ou inventorié, les différentes problématiques de développement. Face à ce diagnostic, un Programme d’action stratégique a été élaboré. Ce Programme d’action stratégique a été traduit en deux plans quinquennaux 2010-2014 et 2015-2019.
Le dernier plan aborde, par exemple, dans sa composante III, les questions de développement de la petite irrigation, des restaurations des terres, de protection des forêts, la mise en place des activités génératrices de revenus (AGR). Dans ce volet, il est question de mettre en place des étangs piscicoles. Tout dépend des activités que les populations ont l’habitude de faire. Une autre composante concerne l’élaboration de la charte de l’eau. La validation de ce document se fera à Lomé (au Togo) à la mi-décembre 2018. C’est fondamental pour la vie de l’institution.
Une des activités aussi, c’est la validation à Bamako, de la stratégie et d’un plan de communication pour encore mieux faire connaitre l’ABV. Une autre activité, c’est la mise ne place de structures focales nationales. Nous, nous sommes au niveau régional et dans chaque Etat, il faut des antennes.
B24 : Charte de l’eau, pouvez-vous développer davantage ?
Dessouassi Y.R : C’est un outil juridique, réglementaire qui va encadrer les différents usages de la ressource en eau et ses secteurs connexes dans le bassin. C’est un document très fort qui va marquer encore une fois, la volonté que nos Etats avaient en créant en 2007, cette Autorité. La Charte de l’eau fixe les règles sur la base d’un certain nombre de principes sur lesquelles nos Etats se sont déjà engagés à la Convention portant statut du fleuve Volta et création de l’ABV. Par exemple, il n’est plus permis de mener des activités dommageables à l’état du fleuve et aux pays environnants c’est pourquoi, la Charte prévoit la notification par les Etats partis, de tout projet à même d’avoir un impact négatif significatif sur le comportement de la ressource.
Aussi, un pays ne peut pas construire un barrage à tel point que la satisfaction des besoins en eau pour ceux qui sont en aval, devient problématique. Cela peut générer des conflits. Cette charte aura des textes d’application qui constituent ses annexes sur la gestion coordonnée des barrages, le protocole de l’environnement, le partage des coûts et bénéfices pour ne citer que celles-là. Ce sont des annexes très importantes. Sur la gestion coordonnée des barrages par exemple, du Mali jusqu’au Ghana en passant par le Burkina, la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Togo, on a et on aura des barrages en cascade. Si chacun Etat gère le ou les barrages sur son sol comme il veut, il y aura des problèmes. Cette annexe va donc fixer les règles de gestion de ces différents barrages.
B24 : Nous allons aborder la qualité de l’eau. Actuellement, quel est l’état des lieux de la pollution des eaux du Bassin de la Volta ?
Dessouassi Y.R : Les Etats ont doté l’ABV d’un observatoire qui a pour mission de mener une veille environnementale systématique et produire des informations d’aide à la décision pour ses instances supérieures. Mais nous qui avons le devoir de mener une veille environnementale systématique, c’est-à-dire, observer l’évolution du bassin dans toutes ses composantes, devons alerter quand le moment X vient. De ce point de vue, nous avons le devoir de mettre en place le dispositif d’observation que nous n’avons pas encore entièrement. Pour le moment, nous n’avons pas encore le réseau de suivi de la qualité de l’eau au niveau du bassin. Mais c’est au programme. C’est un projet que nous avons déjà soumis à des partenaires. D’ici là, nous avons l’espoir que nous allons mettre en place cet outil clé.
Un autre élément, c’est le suivi quotidien du comportement du fleuve et de ses affluents. Et ça, c’est à travers les stations hydrométriques. C’est un dispositif qu’on place sur un point bien étudié, pour voir le niveau d’eau. Il y a des stations au niveau des pays, mais certaines ont été vandalisées, d’autres ne sont plus bien entretenues. Dans ce cadre, l’ABV a déjà mis en œuvre un projet de gestion hydrologique du bassin, Volta-Hycos. D’autres actions de renforcement de la collecte, de traitement des données hydro-environnementales et de diffusion d’informations synthétisées d’aide à la décision, sont planifiées et soumise à financement. Petit à petit, l’oiseau va faire son nid, dit-on.
B24 : Est-ce que depuis la mise en place de l’ABV vous rencontrez des difficultés dans la gestion de la ressource en eau ?
Dessouassi Y.R : Des difficultés, c’est trop dire. Ce que je sais, il n’y a pas encore eu une guerre entre deux pays, liée à l’usage de l’eau. Sur le développement de certains projets d’infrastructures telles que les barrages, il y a quelques petites difficultés entre tel ou tel pays ou le pays n’est pas d’avis pour que l’autre établisse son projet structurant. Il y a de ces velléités qui existent mais ne sont pas encore exacerbées et ne sauraient l’être.
B24 : On peut avoir des exemples ?
Dessouassi Y.R : (Rires) Il y a le Barrage de Bui (au Ghana) par exemple qui cause un peu d’ennui sur un parc au niveau de la Côte d’ivoire. Il y a déjà eu des concertations au niveau des deux pays et le dossier est très avancé. Dernièrement, l’information qui m’est parvenue c’est que la Côte d’ivoire utilise de l’énergie provenant de ce barrage. Il y a le barrage du Noumbiel par exemple que le Burkina Faso a planifié bien avant que l’ABV ne naisse, le Burkina attendait l’avis de non objection du Ghana qui n’est pas encore donné jusqu’à date. Voilà des problèmes auxquels nous sommes pour le moment confrontés et nous avons le devoir d’amener les deux pays sur la même table pour faciliter la concertation.
Nous avons l’eau qui va se jeter dans la mer gratuitement. Il nous faut réaliser des ouvrages pour la mobilisation de cette eau qui va nous servir pour l’électricité, pour l’eau de boisson, pour l’agriculture. Si on ne se met pas ensemble, notre pauvreté va s’accentuer. La ressource devient de plus en plus rare. Le peu que nous avons, il faut qu’on s’organise pour une meilleure gestion, une gestion coordonnée pour nous éviter les problèmes. Et nous sommes déterminés à amener les pays à aller ensemble vers le développement du patrimoine commun qui est le Bassin de la Volta.
B24 : Pouvez-vous nous entretenir sur les potentialités du Bassin de la Volta ?
Dessouassi Y.R : Notre sous-sol est très riche, les rivières sont poissonneuses, nous avons des terres irrigables. La suite de la réponse dans la vidéo qui suit :
Interview réalisée par Ignace Ismaël NABOLE
Burkina 24
Nous tenons à vous exprimer notre gratitude pour l'intérêt que vous portez à notre média. Vous pouvez désormais suivre notre chaîne WhatsApp en cliquant sur : Suivre la chaine
Restez connectés pour toutes les dernières informations !
Restez connectés pour toutes les dernières informations !