Smarty: « Il faut donner la chance à la jeune fille d’être une femme qui a réussi sa vie »

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Artiste rappeur emblématique dont les textes sont pleins de sens, Smarty est le porte-voix de l’UNICEF pour la campagne « Ne m’appelez pas madame ». Salif Louis Kiékiéta a associé son image à cette campagne qui vise l’éradication du mariage des enfants au Burkina Faso. Né en 1978 d’un père burkinabè et d’une mère ivoirienne, le lauréat du Prix Découvertes RFI 2013 n’est plus à présenter. L’ancien membre du groupe Yeleen était dans les locaux de Burkina24 le jeudi 5 septembre 2019. Dans les lignes qui suivent, il parle de son engagement en faveur de la protection de l’enfant de façon générale et de l’épanouissement de la jeune fille en particulier. Lisez plutôt !

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Burkina 24 (B24) : Comment Smarty est-il devenu porte-voix de l’UNICEF ?

Smarty : Je l’ai toujours dit, au-delà de ce qui peut être des spectacles où c’est payant, où on fait des trucs uniquement à but lucratif, le sens aussi de ma démarche artistique, c’est de joindre l’utile à mon art. En gros, c’est un peu cette démarche qui a fait que j’avais fait un titre qui s’appelait « Ombre 2 la nuit ».

Avec mon équipe, on a discuté et pensé que cette chanson pourrait porter la cause et l’initiative qu’avait déjà engagée l’UNICEF. C’est comme ça que j’ai approché l’UNICEF. Je leur ai fait écouter la chanson. Et ils sont tombés sous le charme du titre. Ensemble, on a essayé de faire des modifications afin d’adapter cette chanson à leur campagne « Ne m’appelez pas madame ».

Et c’est de là qu’est née notre collaboration. Ce qui a conduit à la réalisation du clip « Ne m’appelez pas madame ». Et à la fin, ils me joignent à leur tournée. C’est comme cela que je me retrouve dans la caravane afin qu’ensemble on essaye de porter le message au plus profond du Burkina Faso.

B24 : Parlez-nous de cette campagne initiée par l’UNICEF ?

Smarty : La campagne « Ne m’appelez pas madame » a été lancée au mois de juin à Léo. Mais, avant cela, il y a eu un grand lancement au Palais des sports avec la participation de la première dame du Faso, qui milite aussi pour cette cause. Après Léo, Bobo-Dioulasso, Kaya et Fada, nous sommes aujourd’hui sur Ouagadougou. Et moi, personnellement, j’espère qu’on va aller encore dans d’autres régions.

L’idée pour nous, c’est de ne pas rester seulement dans la Capitale. C’est aussi un défi pour nous de montrer aux gens que, ce qui se passe au Burkina avec le terrorisme, tout ça, c’est de croire aussi à ça. C’est de prendre le risque d’aller à la rencontre des populations pour leur parler, leur expliquer réellement ce problème que vit la jeune fille burkinabè. Donc, on est en plein dedans. Pour ce qui est des résultats, personnellement, je suis satisfait.

B24 : Vous avez parlé d’insécurité. Justement, est-ce que vous êtes allés dans les zones touchées par cette insécurité ?

Smarty : Oui ! En tant qu’artiste, ce fut l’occasion pour moi de voir ce que vivent les populations. J’avoue que c’est assez difficile. Dans une ville comme Kaya, tu arrives, tu vois la réalité. Tu vois qu’on parle des déplacés dans l’actualité, sur les réseaux sociaux. Mais, sur place, la réalité est toute autre. Ça touche vraiment.

Ça t’appelle réellement à faire quelque chose pour ces personnes. Tout ce qu’on peut souhaiter, c’est que réellement, il y ait l’équilibre et la paix au Burkina Faso. Que la tête puisse bien penser afin que les pieds soient épargnés. Par exemple, dans une ville comme Fada, déjà les 60 derniers kilomètres pour atteindre Fada, c’est hyper-compliqué.

Quand tu arrives et tu fais un spectacle, et qu’à un moment donné, il y a un délestage, tu vois que les gens sont vraiment dans la psychose. Ils disent qu’il y a quelque chose qui va se passer. Personnellement, je l’ai vécu assez mal et difficilement pour le Burkinabè que je suis. J’ai été à Fada avant les évènements. Et j’y ai été à la faveur de la caravane « Ne m’appelez pas madame », j’ai vu la différence.

Les gens vivent vraiment dans la psychose. C’est vrai que ça a  été une occasion, à travers ce spectacle de les mettre bien. Ils sont heureux de partager des moments qui se font maintenant rares. Parce que les artistes vont de moins en moins là-bas. J’invite les gens à y aller. Ça leur apporte un certain réconfort. Donc, au-delà de la sensibilisation, ça a  été une belle approche de l’UNICEF et de toute l’équipe qui nous accompagnent.

B24 : Qu’est-ce qui est prévu à Ouagadougou dans le cadre de cette campagne ?

Smarty :A Ouagadougou, rendez-vous est donné au Rond-point de la Patte d’oie le samedi 7 septembre 2019. A la différence des autres étapes où c’était des spectacles en play-back, cette fois-ci, je serai avec toute mon équipe. Ça va être un spectacle en live. Je ne serai pas seul. Je serai certainement avec d’autres artistes de la place. On invite les gens à venir massivement.


Vidéo : « Ce que je reçois dans cette campagne, c’est à titre symbolique » (Smarty)

Burkina 24


Car, marier une jeune fille à 13 ans, 14 ans, etc., c’est la priver de beaucoup d’avantages. D’abord, c’est l’empêcher d’aller loin à l’école. Pourtant, on sait qu’en Afrique, le foyer, en partie, repose sur la femme. C’est au regard de la mobilisation qu’on pourra dire si le message est bien passé ou pas. Mais, je pense que l’idée première est de susciter le débat.

Et quand le débat est posé, on peut essayer de changer les mentalités. On ne parle pas seulement aux adultes, mais aussi aux jeunes qui sont les pères et mères de demain. On invite donc tout le monde, sans distinction d’âge, à faire le déplacement pour venir au Rond-point de la Patte d’oie. Ça sera en live.

B24 : Quelle sera la marche à suivre à l’issue de toute cette campagne ?

Smarty : Je pense que je suis déjà engagé artistiquement avec le titre qui est enregistré avec l’UNICEF. J’ai eu à avoir un concert aux Etats-Unis. On a joué la chanson, on a tenté tant bien que mal de l’expliquer en anglais. Je pense que les gens ont compris le message. Après la campagne, la chanson va continuer à vivre.

Et je ne pense pas, aussi, que l’UNICEF va s’arrêter là. Ensemble, nous allons redéfinir les autres actions à poser. Sinon, pour ma part, je pense que je suis déjà engagé artistiquement. Et à chaque fois que l’occasion se présentera, j’essayerai de parler de ce sujet-là. D’ailleurs, c’est le dernier single en date qui vient de moi, qui tourne en ce moment. Donc, c’est déjà quelque chose.

B24 : En matière d’abandon du mariage d’enfants, ne pensez-vous pas que le Code des personnes et de la famille (CPF) rame à courant ?

Smarty : Je pense que l’UNICEF et d’autres structures œuvrant dans le domaine sont en train de faire un plaidoyer pour que l’environnement juridique soit conforme. Parce que, le CPF, en l’état actuel, défavorise les enfants. Par ailleurs, ce que je voudrais ajouter, à titre personnel, il faut savoir que les lois sont votées par les Hommes. Alors que l’Homme n’est pas parfait. Et ce n’est pas parce qu’une loi est votée que, toute suite, elle est normale.

La preuve, il y a certaines lois qui ont été changées ou abolies lorsqu’un nouveau gouvernement se formait. Et même ceux qui ont voté ces lois-là, ce n’est pas sûr qu’ils accepteront donner leurs enfants en mariage à 15 ou 16 ans. Le phénomène du mariage des enfants est un sujet assez sensible. Il y aura toujours des gens pour dire que c’est normal et d’autres pour dire que ce n’est pas normal.

Donc, l’idée, pour nous, c’est d’abord de poser le débat. C’est de discuter et de trouver des solutions. Car il faut donner la chance à la jeune fille d’être une femme qui a réussi sa vie. Pour ce faire, il faut lui donner la chance de pouvoir aller loin à l’école, avant de créer une vie de foyer.

B24 : Nous sommes pratiquement à la fin de l’interview. Une dernière question. Est-ce que Smarty s’est engagé aux côtés de l’UNICEF à titre gracieux ?

Smarty : Quand on se déplace avec une caravane et qu’on va à Fada par exemple, forcément cela a des coûts. Il faut payer en carburant, payer le logement, la restauration. Je dirai que ce que je reçois dans cette campagne, c’est à titre symbolique. Beaucoup ne voient que l’aspect pécuniaire. C’est normal de penser ainsi, parce que l’UNICEF est une grande structure.

Ce n’est pas forcément de l’argent que je gagne. Je gagne autre chose. La crédibilité morale que je gagne, ce n’est pas quelque chose que je peux quantifier. Oui, on me paye sur ce projet. Seulement, ce n’est pas le cachet que j’ai l’habitude de prendre lorsque je fais des spectacles payants. Mais, pour moi, l’engagement n’a pas de prix. C’est déjà cela qui est important pour moi. Rassurez-vous, je ne serai pas multimillionnaire avec ce projet-là.

B24 : Un mot de fin ?

Smarty : Je tenais sincèrement à dire merci à Burkina24 pour ce que vous faites notamment pour la culture au Burkina Faso. Je vous suis. J’aime ce que vous faites. Que Dieu vous bénisse.

Interview réalisée par Noufou KINDO

Hanifa KOUSSOUBE (Stagiaire)

Burkina 24

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Noufou KINDO

@noufou_kindo s'intéresse aux questions liées au développement inclusif et durable. Il parle Population et Développement.

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