Alliance UNIR/PS-MPP : « Salifou Diallo savait que les Burkinabè allaient nous vomir »(Alexandre Sankara)

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Le député Alexandre Sankara était dans locaux de Burkina 24 le jeudi 27 août 2020 pour revenir sur les différentes modifications apportées au Code électoral au Burkina Faso. La vie de son parti politique, l’Union pour la renaissance, parti sankariste (UNIR/PS) affilié à la majorité présidentielle était également au menu des échanges.

Burkina 24 (B24) : Dites-nous succinctement, quelles sont les modifications majeures contenues dans ce nouveau Code électoral ?

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Alexandre Sankara : C’est vrai que l’Assemblée nationale était réunie en session extraordinaire, l’épilogue a eu lieu le 25 août 2020 avec le vote du Code électoral. Il y a eu trois principales modifications.

La première concerne le changement de dénomination des commissions électorales au niveau de l’extérieur. Dans l’ancien Code, ils avaient simplement dit, commission électorale de l’extérieur. Maintenant, ils ont précisé commission électorale d’ambassade, commission électorale de consulat.

La deuxième modification concerne les enrôlements. C’était pour régulariser les zones où l’enrôlement n’a pas pu avoir lieu. La modification a consisté à dire que là où l’enrôlement n’a pas pu avoir lieu, ce sont les anciennes listes qui tiendront pour les élections à venir. C’est-à-dire les enrôlements qui ont eu lieu en 2015, je crois.

La troisième modification, je crois que c’est la plus importante, est relative au scrutin lui-même. Et la modification dit que dans les zones où il y aura des circonstances majeures, des cas de force majeure ou des circonstances exceptionnelles qui vont faire que les élections n’auront pas lieu, on prendra en compte les résultats dans les parties qui n’ont pas été affectées par ces événements.

Voilà les trois principales modifications que le gouvernement a apportées dans le projet de révision du Code électoral.

Lire 👉 Burkina : Le code électoral modifié pour tenir compte du contexte sécuritaire

B24 : Parmi les trois modifications, deux passent assez bien au niveau de l’opinion, c’est la troisième qui est en débat. Que pensez-vous de cette dernière modification ?

Alexandre Sankara : Il faut dire que même la deuxième pose problème, celle relative à l’enrôlement. Cela veut dire qu’il y a des citoyens qu’on n’a pas pu enrôler. Ceux qui n’avaient pas l’âge en 2015 espéraient être enrôlés en 2020. Et s’ils ne sont pas enrôlés, cela veut dire que ces citoyens sont d’office exclus du jeu électoral pour les élections de 2020. Là aussi ça cause problème.

Mais la plus emblématique, c’est ce que vous venez de dire, c’est la troisième modification qui consistait à dire qu’on va seulement prendre les résultats dans les zones qui ne seront pas affectées par les événements majeurs. Qu’est-ce cela veut dire ?

Par exemple, dans une circonscription électorale qui compte  200 bureaux de vote, si un cas de force majeure ou une circonstance exceptionnelle fait que les gens n’ont pas pu voter dans 190 bureaux de vote, alors les 10 bureaux de vote où on a pu voter, ce sont ces résultats qui seront pris en compte pour déterminer les candidats élus. Vous voyez le problème.

Et on sait déjà que dans certaines zones, sur 200 bureaux de vote, on ne pourra faire l’élection que dans une dizaine ou dans une vingtaine. Cela pose véritablement un problème de légitimé des candidats qui seront élus sous ces conditions.

B24 : Que devons-nous entendre par « cas de force majeure » ? Quel contenu donne-t-on à ce groupe de mots ?

Alexandre Sankara : La question, nous l’avons également posée au gouvernement, et le ministre de l’administration territoriale qui représentait le gouvernement lors de cette séance a dit que  « cas de force majeure » est un évènement imprévisible. Donc, on ne peut pas, d’avance, définir ce que c’est. Donc on s’en est tenu à là, mais tout le monde sait d’avance ce que c’est.

Le cas de force majeure ici est déjà connu. C’est le terrorisme. Ce sont les attaques terroristes qui font qu’il y a certaines zones où on n’a pas pu enrôler. Dans certaines zones, on ne pourra pas voter. C’est la principale force majeure.

Mais est-ce qu’elle-même, elle est toujours une force majeure si on s’en tient à la définition du ministre qui dit que c’est un événement qu’on ne peut pas prévoir, qui peut arriver de façon subite ? Là déjà, le cas de force existe et on la connaît. Ce sont les attaques terroristes.

Alexandre Sankara : Avec le MPP, « nous nous sommes engagés dans une voie sans issue »

B24 : Avec cette dernière modification, des Burkinabè dénoncent une exclusion d’une partie du pays déjà en proie au terrorisme du processus électoral. Est-ce que vous vous inscrivez dans cette logique ?

Alexandre Sankara : Non, le problème n’est pas l’exclusion. L’exclusion, elle n’est de la faute de personne. Ce n’est ni la faute des citoyens, ni la faute, entre griffes, de la CENI (Commission électorale nationale indépendante, ndlr) qui n’a pas pu les enrôler, et qui ne pourra pas les faire voter.

Le problème, c’est qu’on est conscient qu’il y a des citoyens qui ne pourront pas accomplir leur acte civique le 22 novembre. Et qu’est-ce qu’on fait ? Au lieu qu’on s’asseye pour trouver des solutions les meilleures pour que tous les citoyens puissent voter, on laisse cela et on dit que ceux qui peuvent voter, votent, et ceux qui ne peuvent pas voter, tant pis pour eux. Le problème, c’est ça.

Est-ce qu’il ne sied pas de dire qu’on est conscient, puisqu’en modifiant le Code électoral, on est conscient qu’il y a des zones où des problèmes se poseront, est-ce que la solution c’est d’entériner ces problèmes ? Je trouve que ce n’est pas le rôle du gouvernement parce que l’Etat, représenté par l’exécutif, a non seulement l’obligation d’assurer la sécurité des citoyens, mais aussi de garantir leur droit de vote, parce que le vote c’est un droit.

Le ministre a dit que ce n’est pas une obligation, c’est vrai parce que les gens ne sont obligés de voter, nous n’avons pas rendu obligatoire le vote dans notre armature juridique mais, c’est un droit. Et celui qui garantit la jouissance de ce droit, c’est l’exécutif, c’est le gouvernement.

B24 : Prenons le cas des zones occupées par les hommes armés toujours non identifiés, est-ce que le fait d’exclure du vote les populations y vivant ne pourrait pas exacerber plus les tensions ?

Alexandre Sankara : Bien sûr ! Voilà pourquoi nous avons soulevé cette problématique pour dire que si on y va comme ça, on peut avoir une crise post-électorale.

Je vous prends un exemple. Je suis dans une commune qui compte 20 villages. Dans cette commune, il y a 2 ou 3 villages qui pourront voter. Les 18 ou 17 autres villages, les habitants ne pourront pas exercer leur droit de vote. Les candidats qui sont issus de ces villages ne pourront pas battre campagne, ne pourront pas aller vers les électeurs pour dire pourquoi ils veulent être conseillers, et pourquoi ils veulent être députés. Vous pensez que ces gens vont accepter que ce soit deux villages qui puissent choisir leurs représentants ?  Non !

Un autre exemple. Imaginez que je suis candidat. Vous aussi vous êtes candidat. Nous venons de la même province et nous voulons tous être députés. Mais je sais que dans votre zone, je ne suis pas fort, je peux créer des cas de force majeure. Je peux créer des troubles le jour de l’élection dans votre zone, puisque le cas de force majeure est un événement imprévisible. Je peux organiser des gens qui vont venir tirer des coups de feu, les électeurs vont fuir, les bureaux de vote vont fermer donc, on décrète qu’il y a un cas de force majeure et on ne pourra pas compter les résultats dans votre zone. Allez-vous accepter que je sois élu uniquement par la partie qui m’est favorable ?

Voilà autant d’interrogations qui vont certainement amener des difficultés après les élections.

Cela aussi, on a dit au gouvernement de faire attention. Si nous forçons pour aller avec un tel Code électoral, cela veut dire que nous forçons pour aller aux élections, et les conséquences aussi peuvent être imprévisibles comme un cas de force majeure.

B24 : Une certaine opinion pointe du doigt la responsabilité du gouvernement face aux réponses à apporter dans ces zones attaquées. Pensez-vous que le gouvernement fuit ses responsabilités ? 

Alexandre Sankara : Non. On ne peut pas dire ça. Il ne fuit pas sa responsabilité mais on constate qu’il y a de l’impuissance. Puisque s’il y avait la puissance, on allait sécuriser toutes ces zones, on allait sécuriser tout le Burkina Faso pour que tous les citoyens puissent vaquer librement à leurs occupations, pour que les institutions aussi puissent fonctionner normalement. Ce n’est pas le cas, en tout cas, pour une partie du Burkina Faso.

On ne peut pas parler de fuite de responsabilité, mais d’impuissance à juguler cette crise sécuritaire. 

B24 : Revenons à votre actualité. Vous aviez été déclaré partant de l’UNIR/PS. Etes-vous toujours un militant actif de ce parti ?

Alexandre Sankara : Militant actif ou pas actif, je crois que je joue mon rôle en tant qu’élu national au sein de l’Hémicycle. J’apporte ma contribution et ça, personne ne peut le nier. Cela me suffit déjà.

B24 : La relation entre vous et le parti reste intacte alors …

Alexandre Sankara : Non. Ça, il ne faut pas aussi se voiler la face. Je ne suis pas du genre à jouer à la politique de l’autruche. Les relations, tout le monde le sait, ne sont pas au beau fixe.

Il y a une crise majeure qui m’a opposé à Me Bénéwendé Sankara. Je ne veux pas revenir là-dessus parce que pour moi, c’est le passé. Il faut chercher à aller de l’avant, chercher à construire quelque chose de plus important que ce qu’on a construit par le passé.

B24 : Justement, en termes de perspectives, allez-vous créer votre parti politique ou allez-vous vous affilier à un parti déjà existant pour les échéances à venir ?

Alexandre Sankara : Si toutefois il m’arrivait de quitter l’UNIR/PS, je n’ai pas besoin de créer un parti politique. Il y en a beaucoup. Il y a des partis sankaristes, il y a des partis de gauche, donc j’ai le choix.

B24 : Avec du recul et de manière objective, comment jugez-vous la participation, l’impact du sankarisme dans le gouvernement Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) ?

Alexandre Sankara : Je pense qu’il n’est pas visible. Il ne faut pas qu’on se voile les yeux (…). Avec du recul, je pense que nous avons commis une erreur (…). [La suite dans la vidéo].

  • « L’insurrection, elle a été sankariste. Nous avons contribué énormément. N’eut été la présence des Sankaristes dans l’opposition, peut-être que l’insurrection n’allait pas prendre cette tournure. Peut-être qu’elle n’allait pas avoir lieu »
  • « Salifou Diallo savait qu’il nous tuait à petit feu. Il savait que si nous rejoignons la gouvernance du MPP, c’était la mort assurée. Il savait que les Burkinabè allaient nous vomir ».

Burkina 24

B24 : Vous avez évoqué des conditions qui devaient être requises avant l’entrée de l’UNIR/PS au gouvernement. Pouvez-vous revenir sur ces conditions ?

Alexandre Sankara : Avec d’autres camarades, nous avions exigé un protocole avant qu’on ne parte au gouvernement. Aujourd’hui, ce protocole n’existe pas. Nous sommes allés à la gouvernance avec le MPP sur aucune base. Or, nous avions dit à Me (Bénéwendé) Sankara (Président de l’UNIR/PS, ndlr) qu’il faut un protocole pour dire, pendant les cinq ans, voilà ce que nous ferons, avec des délais. Ainsi, si ça ne va pas, nous pouvions ressortir ce protocole. C’était simple.

Mais si vous partez comme ça, à l’aveuglette, sans conditions, on a eu deux ministères, une ambassade, quelque menu fretin dans certains ministères et on s’est agrippé sur ça et on était content. On était peut-être aussi fatigué de 20 ans d’opposition… en tout cas, voilà ce qui s’est passé.

Ce protocole n’a pas eu lieu. On n’a pas pu obtenir ce document qui allait nous protéger, qui allait nous permettre de nous justifier auprès de l’opinion. Il y avait des points, par exemple le dossier Thomas Sankara, la bonne gouvernance, la réforme de la justice, la lutte contre l’impunité etc. On devait coucher sur papier ces questions. Cela permettait à chaque partenaire de se retirer du protocole s’il sentait de la mauvaise foi de la part de l’autre partenaire.

Et aujourd’hui, nous sommes obligés d’aller jusqu’au bout des cinq ans et même, Me (Bénéwendé) Sankara a déclaré, lors du congrès, qu’ils soutiennent sans réserve la candidature de Roch Marc Christian Kaboré.

Mais vous vous imaginez, l’UNIR/PS qui représentait le mouvement sankariste, absente à une élection présidentielle ? C’est la première fois depuis la création de ce parti. C’est aussi un signe.

B24 : La mort assurée ?

Alexandre Sankara : Pas la mort du sankarisme. Peut-être la mort de l’UNIR/PS. Il faut qu’à l’UNIR/PS nous l’acceptons. Nous nous sommes engagés dans une voie sans issue et les conséquences, on va les payer. Mais je suis aussi responsable. Comme je le disais au début, je suis quelqu’un qui reconnait ses erreurs.

J’étais de ceux-là qui ont défendu notre appartenance à la majorité, mais avec certaines conditions. Mais cela ne me dédouane pas. Même s’il y avait ces conditions, on ne pourrait pas s’en sortir sans laisser des plumes.

Avec l’absence de ce protocole, on va laisser toutes nos plumes dans cette affaire. La première conséquence, voilà que nous sommes absents à la Présidentielle. On attend de voir ce que les législatives vont donner. Mais moi, en tout cas, je n’espère pas grand-chose.   

Lire 👉 Me Sankara : « Laissez à l’UNIR/PS sa manière d’être sankariste »

B24 : Nous tirons vers la fin de cette interview. La date des élections avance, quel message avez-vous à l’endroit des populations, des politiques ?

Alexandre Sankara : C’est qu’on puisse aller dans la cohésion, mais surtout dans la sécurité et ça, c’est un message qui est adressé à ceux qui sont chargés de notre sécurité, notamment l’exécutif. Pour le moment, ce n’est pas garanti et des inquiétudes existent quant à des élections surchauffées.

J’invite tous les acteurs, l’exécutif, le parlement, les partis politiques, la société civile, les religieux, les coutumiers, il faut que nous puissions nous donner la main pour faire face aux défis qui se présentent à nous, notamment ceux sécuritaires, le covid-19, la cohésion sociale. Ce sont des défis que le Burkina Faso doit surmonter au plus vite sinon nous courons tout droit vers l’abîme.

Interview réalisée par Ignace Ismaël NABOLE

Burkina 24

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Ignace Ismaël NABOLE

Journaliste reporter d'images (JRI).

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2 commentaires

  1. Courage Mr Alexandre SANKARA. Je vous suis depuis votre entrée à l’hémicycle et je vous admire dans votre constance. J’avais écrit sur Facebook pour supplier Me Benewende de ne pas rallier au MPP ai risque de tuer l’opposition et par ricochet, la Démocratie que l’UNIR-PS a contribué à dessiner durant plus d’une décennie au Burkina Faso sous l’ère burlesque de Blaise COMPAORE. Je disais que ce serait une grosse erreur qui tuerait le Parti dans l’Oeuf (euphémisme). Mais hélas. 3 fois hélas !!! Il l’a fait ! Par impatience et par imprudence. C’est Requiem pour l’UNIR-PS. Elle sera toujours la queue, l’appendice du MPP qui la coupera quand il n’en aura plus besoin… très très bientôt ! Vous au moins vous êtes lucide et sincère. Vous voulez construire et non vous construire. Vous avez de l’honneur et de la dignité à défendre ! Partez-en et servez le pays en Indépendant ou dans un parti qui a encore des valeurs à defendre. Bon vent à vous. En Candidat Indépendant, je vous votera, soyez-en sûr !

  2. Alexandre SANKARA, un os au travers de la Gorge de Bénéwendé. Mais que finira-t-il par en faire donc, ‘Wait and See ».

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