Ici au Faso : «Arrêtez de nous encourager, soutenez-nous !» (Soum Le Sapeur)
A l’état civil, Kaboré Natabzanga Soumaïla, Soum le Sapeur est un humoriste atypique qui a marqué la scène humoristique burkinabè ces dernières années. Professionnel de théâtre au départ, il est arrivé à se forger une identité de « Soulard » qui lui colle la peau désormais en tant que personnage. L’homme au manteau rouge avec son inséparable dose à la main, est le produit de plusieurs années de formation et de perfectionnement. Soum le Sapeur était dans les locaux de Burkina 24. Une occasion pour ce talentueux humoriste burkinabè d’en dire un peu plus sur son art… Lisez plutôt !
Burkina 24 : Qu’est-ce-que l’humour pour Soum le Sapeur ?
Soum le Sapeur : C’est un métier comme tout autre métier. Il faut avouer que, de nos jours, l’humour est en train de prendre très bien même au Burkina ici. C’est l’occasion pour moi de remercier tous les doyens qui ont frayé la voie à l’humour au Burkina Faso.
En disant merci au groupe Gombo.com, génération 2000, Moussa Petit sergent, El Présidenté, Mister 100%, sans oublier Anatole Kouama, les Augusta Palenfo. Je reçois beaucoup de leçons et de conseils d’eux. C’est eux qui sont au four et au moulin pour balayer le chemin pour que nous puissions venir en paix.
B24 : Peut-on en savoir plus sur la formation de Soum le Sapeur ?
S S : Je suis un comédien toujours en formation quand bien même que j’ai fait le CITO. J’ai eu les deux attestations, parce que le CITO donne deux modules de formation. Donc j’ai été formé au CITO en même à Africasting de Issiaka Sawadogo. J’ai été aussi formé par Omar Dagnon, 3Oeil production sur le langage cinématographique et le jeu d’acteur ainsi qu’à la Cellule de Réveil Artistique du CITO (CRAC), par Mamadou Tindano.
J’ai aussi été formé par Noël Minoungou, un grand formateur en théâtre. Actuellement, je suis à Gambidi au Centre de Formation et de Recherche en Art Vivant (CFRAV) pour une licence en art vivant. Donc j’ai croisé pas mal de Professeurs, comme LUKAS FUSI, Ildevert Meda le maestro. Ces gens m’ont vraiment guidé. Je suis toujours à CFRAB où je dois soutenir la licence que je dois finir le 15 septembre avec une soutenance.
B24 : Pourquoi le choix de l’humour ?
S S : Il faut dire que pour moi, l’humour est venu naturellement. Parce que je n’ai pas eu de formation en humour. Je me suis auto-formé en suivant les spectacles d’humour comme le FIRHO, à la maison du peuple, les spectacles de mes doyens comme Gombo.com, les Moussa petit sergent, Génération 2000. Souvent je quitte ici même pour aller à Koudougou suivre le Festiweek. A Bobo aussi souvent pour suivre quelques spectacles d’humour.
En plus, je suis des spectacles d’humour sur Canal, genre les Marrakech du rire, Bonjour de la Côte d’Ivoire. C’est suite à cela que je me suis lancé dans l’humour. Ma toute première fois où je prenais le micro pour faire de l’humour, c’était en direct d’une télé privée de la place dont je vais taire le nom.
Ils m’ont invité dans leur rubrique humour. Ce jour, en tout cas après j’ai eu des acclamations, j’ai eu des appels pour me dire « Félicitations, tu peux continuer ». Et c’est suite à ça, jusqu’à aujourd’hui, je suis dans l’humour quand bien même que je suis un professionnel du théâtre.
B24 : Que veut dire le nom Soum le Sapeur ?
S S : Voilà une très belle question. Parce que tout simplement, c’est comme je venais de vous le dire, Soum c’est le dimunitif de Soumaila qui est mon nom à l’état civil. Le Sapeur, c’est l’animateur en question qui m’a invité dans sa rubrique d’humour à la télé. Quand je partais suivre son émission à chaque fois, je me sapais sur son plateau.
Donc, il était très fier de moi, d’où il m’a surnommé le sapeur de son émission. Voilà pourquoi quand je me suis lancé en humour je me suis dit au lieu de tourner pour chercher un nom d’artiste, prend ton Soum et puis tu colles au Sapeur qu’on t’a donné. Voilà pourquoi le sobriquet Soum le Sapeur.
B24 : Quel est le lien entre le style (Manteau, dose) et le message de Soum le Sapeur ?
S S : Je suis un professionnel du théâtre. Il faut dire qu’en théâtre, on ne fait rien pour rien. Si tu vois un accessoire sur la scène, ça veut dire que l’accessoire a son sens d’être là. A travers mes formations, je suis arrivé à me forger un personnage d’un soulard pour arriver à dire haut ce que les gens pensent bas. Parce que la plupart du temps, si vous remarquez dans les kiosques où on vend souvent les liqueurs frelatées, il suffit seulement de vous assoir pour les écouter et vous allez comprendre que ce sont des gens souvent qui disent des choses qui peuvent sauver la nation à quelque part.
Mais, comme c’est des gens qui d’ailleurs prennent des choses que l’Etat même n’aime pas… Et quiconque n’aimerait même pas avoir un parent qui consomme ça, ils ne sont pas écoutés, ils sont négligés. Une fois s’ils veulent prendre la parole, on dit c’est un alcoolique. Comme on le dit, la vérité sort de la bouche des enfants. Je me dis que ces soulards aussi, ils ont des choses à dire qui peuvent sauver.
Voilà pourquoi j’ai décidé de prendre ce personnage en moi, de le retravailler et essayer de mettre ça sur scène pour pouvoir dire haut ce que les gens pensent bas. Et essayer à ma manière de donner une leçon quelque part et essayer aussi de faire comprendre à ces gens qui sont dans les liqueurs frelatées de freiner ou bien même de stopper pour leur propre santé. Voilà mon combat.
B24 : Pourtant ça donne l’impression que Soum le Sapeur est le porte-parole des soulards qui fait la promotion de l’alcool.
S S : C’est tout à fait normal que chacun donne son point de vue. Nul ne possède le monopole de la vérité. Chacun a le plein droit de penser comme il veut et de donner son point de vue. C’est tout à fait normal, quitte à ce que tu t’approches de moi pour me poser cette question pour que je puisse te dire ce que je pense de mon combat. Moi, au grand jamais je ne peux pas faire la promotion de l’alcool. Je connais vraiment les conséquences de l’alcool.
D’ailleurs même, mon personnage, je l’ai emprunté chez une personne, paix à son âme ! Il n’est plus. C’est sa manière de vivre que moi je suis arrivé à le suivre avec l’esprit d’un comédien. Je suis arrivé en tout cas à l’incarner même si ce n’est pas parfaitement.
Je lui disais, j’ai essayé d’incarner son personnage pour lui faire mal et le choquer jusqu’à ce qu’il nous quitte. Du coup, il faudrait que les gens essayent de comprendre que mon message n’est pas ça. Mon message c’est d’arriver à dire à ces gens, stopper pour votre propre santé.
B24 : L’humour burkinabè nourrit-il son homme ?
S S : Si ça ne nourrissait pas son homme moi j’aillais laisser. Moi je dirai que l’humour nourrit son homme. Mais il faut avoir des principes. Il ne faut pas être l’humoriste qui se laisse trottiner en voulant gagner des scènes un peu de partout avec des cachets qui ne respectent pas l’humour, qui ne respectent pas le travail que tu fournis. Mon professeur Issaka Sawadogo de Africasting m’a dit : Soum, s’il arrive un jour d’aller faire quelque chose, même si tu veux le faire gratuitement, fais-le bien.
Donc du coup, moi je me lève tout le temps avec ce message. Si toi tu m’invites à une prestation, moi je ferai cette prestation comme si j’aillais mourir demain, c’est toute ma vie. C’est toute une énergie que je vais mettre dans ça. C’est des nuits que je vais passer à écrire des textes pour répondre au thème que tu demandes. Donc, je ne peux pas venir et négliger mon cachet. Moi, mon cachet, tu respectes ça et je fais bien ton boulot, c’est comme ça. Parce que je ne connais pas du à-peu-près.
Donc je dirais que l’humour nourrit son homme si tu as des principes et si tu écoutes aussi les doyens qui ont balayé le terrain. Ils ont eu les différents chocs, les injures de cachet. Et c’est à nous la jeune génération de montrer que les combats des doyens n’ont pas été vains. Ces combats nous arrangent aujourd’hui. Une manière pour nous de leur dire merci en travaillant et en exigeant notre cachet, notre dû, pour bien faire le travail.
B24 : Le web-humour ne menace-t-il pas l’humour de scène ?
S S : Moi personnellement, je ne vois pas de problème. Je dirai que ce n’est pas tous les web-humoristes qui peuvent rester sur scène pour un spectacle devant un public. Ce n’est pas tous les web-humoristes qui peuvent faire un One-man-show. Mais, faire un one man show et rester en contact avec ton public, c’est un autre défi. Il faut savoir qu’il y a des humoristes qui arrivent à être des web-humoristes et à être en contact avec un public pour faire un spectacle, faire un One-man-show, d’où Soum le Sapeur.
B24 : Quel a été le secret de la réussite du premier One man Show de Soum le Sapeur ?
S S : Il faut dire que cet one-man-show a été une réussite grâce à ceux qui ont cru en moi. Grâce à mes doyens qui m’ont vraiment accompagné. Cet one man show a été une réussite particulièrement grâce à « gombo.com » qui ont assuré la mise en scène et ont pris la production. Aujourd’hui je suis leur Poulin. Je dis merci infiniment à Augusta Palenfo aussi qui a vraiment bataillé pour cet one-man-show.
Après ce succès, je suis en train de préparer un spectacle grand public, où je vais inviter tous les fans et ça sera à un prix normalement abordable pour permettre à tous ceux qui aiment l’humour, à tous ceux qui aiment Soum le Sapeur de suivre le spectacle. Nous avons des fans qui, souvent le coût du spectacle ne leur favorise pas ; et cela ne leur permet pas de venir suivre le spectacle. Ils veulent bien, mais ils ne peuvent pas. Mais quand tu es à ta première fois, c’est difficile que tu t’en sortes surtout ici au Burkina Faso.
B24 : Qu’est-ce qui explique ce coût souvent exorbitant des spectacles d’humour au Burkina Faso ?
S S : Voilà, Soum le Sapeur reste en tout cas l’humoriste qui ne mâche pas ses mots. Nous avons un réel problème avec le sponsoring. Les entreprises aiment beaucoup plus les étrangers que nous les Burkinabè. Moi, je cris haut et fort car je ne comprends pas. Nous Burkinabè, artistes humoristes, on veut faire un spectacle on a du mal à avoir des sponsors. Tu vas beau constituer tes dossiers aller déposer avec un grand respect, souvent tu ne gagnes même pas un accusé de réception, n’en parlons pas de soutien.
[VIDEO ] –Dans l’univers de Soum Le Sapeur
Donc ça fait que si nous on veut organiser un spectacle, quand bien même on aime nos fans, le coût ne peut pas ne pas être élevé. Mais, il faut laisser quand un autre quitte ailleurs pour venir ici on dirait c’est un dieu. Et pourtant on se connait tous sur la scène. Dans la sous-région, si on veut parler de théâtre il n’y a pas un formateur qui peut hausser le ton devant Ildevert Méda. Ça n’existe pas, mais nous on a eu la chance d’être formés par ces gens.
Et je remarque que le public arrive difficilement à nous faire confiance. Ils font confiance aux étrangers. Mais si les partenaires même font confiance aux autres, vous voulez que ça aille où ? Après c’est pour dire que le spectacle d’humour au Burkina est cher. Un cri de cœur, ce que moi j’aimerais c’est que tous les partenaires, toutes les entreprises vraiment acceptent par l’amour de Dieu, nous accompagner. C’est tout !
B24 : Dans les cérémonies de récompenses au Burkina Faso, c’est comme si le domaine humoristique est en marge. Comment voyez-vous cela ?
S S : Bon ici au Burkina, la plupart des cas quand on remarque, ce ne sont pas ceux qui méritent vraiment la chose qu’on récompense. J’ai été déçu une fois quand j’ai été invité aux Prix CANA, où à un certain moment donné ils ont récompensé Smarty et il a dit lui-même qu’il ne mérite pas ce prix.
Que la personne qui mérite ce prix c’est bien Rama La Slameuse quand bien même on ne l’aime pas. Qu’on récompense Soum, Al-Hamdu lillah, qu’on ne récompense pas Soum aussi l’essentiel c’est de bien faire mon boulot. Je ne veux pas que les gens se fient beaucoup aux trophées, ça ne veut absolument rien dire.
B24 : Soum le Sapeur a quand même déjà reçu un trophée ?
S S : Oui, j’ai participé à un truc en 2015 qu’on appelle FESPOCIT Festival de Film Pocket Citoyen où j’ai reçu le premier prix en catégorie dramatique. C’est un festival international. Il y a eu des Maliens, des Ivoiriens. Le thème c’était « vivre ensemble pour des élections apaisées ».
B24 : Un dernier mot
S S : C’est un message que je lance à tous mes frères Burkinabè. De grâce, la jeune génération a besoin de vous. Je vous dis merci pour votre mobilisation au concert de AMZY et de Kayawoto. Ça été tous les deux, des succès. Et moi j’étais très content.
Je manque les mots pour vous remercier. Vous avez montré que vous êtes des patriotes. « Burkinbila saka kum zoe yande ». Merci pour mon guichet fermé au CENASA, c’est grâce à vous que je suis arrivé à le faire. Il faut avoir le talent c’est vrai, mais il faut avoir des gens qui seront prêts à t’accompagner. Et moi je vous fais confiance.
Je vous invite à multiplier encore beaucoup plus d’efforts. Parce que nous, de notre côté aussi, nous multiplions du jour au lendemain ce que nous faisons comme travail pour vous faire plaisir, pour hisser haut le drapeau du Burkina Faso. Pour montrer aux pays voisins que nous avons du talent, notre public est derrière nous. Faites comme les Nigérians ! Mais de grâce arrêtez de nous encourager, soutenez-nous ! On a déjà le courage. Merci infiniment.
Propos recueillis par Akim KY
Burkina 24
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