Incendie à la mine de Houndé : « Le Burkina Faso a mal à son contrat social » (Bambingnélé Ouédraogo)
Ceci est une déclaration de Bambingnélé P. Ouédraogo, un libre penseur, sur l’incendie à la mine d’or de Houndé.
Le Burkina a mal à son contrat social. Tant qu’il ne sera pas sérieusement revu, le cycle infernal ne sera jamais stoppé. Nous apprenons depuis ce matin, que la mine de Houndé, l’une des plus grandes du Burkina Faso, a été saccagée par des orpailleurs en colère.
Un acte triste, (in)justifiable, qui au-delà des dégâts matériels, met notre pays déjà éprouvé, dans une nième épreuve, et risque surtout de faire fuir certains investisseurs.
En rappel, en août 2019, c’était le site minier de Youga dans le nord qui voyait également son matériel incendié. Des manifestations avec des revendications plus ou moins similaires (en tout cas sociales) avaient ébranlé également la mine d’Essakane, il n’y a pas si longtemps.
À chaque fois, nous avons condamné, appelé à sévir. Mais rien n’a changé. Rien ne changera malheureusement tant que le problème ne sera pas résolu en amont et de façon définitive, car il n’est pas aussi superficiel. En effet, le Burkina Faso a mal à son contrat social et tant qu’il n’est pas revu sérieusement, nous ne sortirons jamais de ce cycle infernal.
Depuis le début du boom minier, les entreprises se sont illustrées comme des pilleuses des ressources, car les retombées ne profitent pas aux zones où elles sont installées. Bien au contraire, elles laissent des stigmates graves dans les localités. Ces comportements ont malheureusement conduit celles-ci à confondre les mines à tort ou à raison à des outils impérialistes et d’accaparement des richesses. Toujours les entreprises s’installent dans les localités et se ressemblent dans leurs manières de faire.
Voici le scénario : Un matin une poignée d’autorités accompagnée des responsables d’une entreprise (la plus part du temps une mine) arrivent. On convint la population locale des bienfaits de celle-ci: Des jeunes seront recrutés, des infrastructures sociales seront construites et la population sera dédommagée. Patati, patata… Les habitants pour la plupart du temps analphabètes, cèdent à la première occasion, se laissent berner par un des leurs; un fils qui accepte dîner à la table des grands au détriment de ses parents.
L’arbre à palabres est organisé. Les vieux sans trop rien comprendre ni demander, promulguent leurs bénédictions moyennant quelques billets de banque et de noix de cola, et bonjour tous les abus.
Les promesses si elles ne sont pas exécutées à moitié, ne le sont même pas. Les populations (précaires) qui exploitaient les mêmes ressources se sentent exproprier. Même leurs animaux ne peuvent plus parcourir les anciens champs…
Au fil des années, les quelques millions reçus, sans aucun accompagnement en éducation financière ou en entrepreneuriat, sont troqués avec des calebassées de dolo ou des gigots de viandes fraîches dans les marchés, s’ils n’ont pas été utilisés pour prendre une seconde ou une troisième épouse.
Plus le temps passe, plus on sent avoir été abusé. Plus le temps passe, plus les colères s’accumulent, accentuées par les promesses non tenues et les horizons sombres d’un avenir douteux. Plus le temps passe et plus la population sent avoir tout perdu. Richesses et dignité. Alors elle se dit qu’elle n’a plus rien à perdre, et les violences ne sont que l’expression du désespoir et de la déception.
Nous avons beau condamner, nous indigner où nous offusquer sur Facebook, à la télé ou à la radio, cela n’apportera rien comme changement. Nos gros français n’engagent que nous d’ailleurs. Le pire est devant et ces problèmes ne font que commencer. Youga et Houndé ne sont ne sont pas des cas isolés, ils ne sont que la partie visible de l’iceberg.
Par exemple, depuis le début de l’aéroport de Donsin et la mauvaise gestion de certains paramètres par le maître d’ouvrage, les mécontents et les mouvements d’humeurs se comptent par dizaines. Idem pour le barrage de Ziga dont beaucoup de projets sociaux devant accompagnés sa réalisation, n’ont jamais été tenus. Ailleurs, il y a peut-être pires et bien surprenantes révélations avec les promoteurs immobiliers et leurs projets à dormir debout, qui restent la bombe la plus destructrice à venir.
Souvent, on s’assoit et l’on se demande si la dernière porte de l’enfer que le Pr BADO nous avait prophétisée n’est pas déjà ouverte. Puis l’on ferme les yeux, on imagine toutes ces choses ci-dessus citées et l’on se dit, que même si on arrivait à vaincre le terrorisme, il y a peut-être pire devant.
Il y a longtemps, les populations à la base, ne croient plus en nous autres qui sommes en ville, encore moins aux gouvernements, car à chaque fois qu’elles nous ont fait confiance, elles ont toujours été payée en monnaie de singe. Les populations à la base n’ont plus confiance en notre justice qui donne toujours l’impression de couvrir les nantis et punir les pauvres.
Les populations à la base pensent que la majeure partie des gens qui s’adresse à elles sont des traîtres, des gens qui dînent avec le diable.
Il y a aujourd’hui, pour terminer, un sentiment profond de recouvrer sa souveraineté et sa réelle indépendance qui germe dans les profondeurs des localités lointaines (peut-être que même le terrorisme y trouve sa genèse). Et ce sentiment, aucune bombonne de gaz lacrymogène ne peut l’estomper.
Ne donnons pas l’occasion à nos papas, frères et sœurs des localités reculées de penser qu’ils doivent nous combattre pour exister. Loin de moi toute idée de justifier des comportements somme toute répréhensibles. J’en appelle juste au bon sens de ceux qui (peut-être) ont contribué à installer ce sentiment de méfiance et créer cette fracture sociale entre les populations à la base, les gouvernants et les entreprises.
Attention! Tel le terrorisme, évitons que la plaie atteigne un niveau assez dégradé avant que nous cherchions la solution. Revoyons notre contrat social qui constitue le fondamental de notre vivre ensemble. S’il est juste repensé, nous pouvons encore sauver l’essentiel.
Bambingnélé P. OUEDRAOGO, un libre penseur
72 36 06 83
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