Lookmann Sawadogo : « Je suis contre la tenue d’élections dans le chaos actuel d’un pays au bord du précipice »

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Ceci est un écrit du journaliste et écrivain Lookmann Sawadogo intitulé « à propos d’élections futures : on peut éviter la bêtise… ».

On dit qu’une erreur qui se répète plus de deux fois devient une bêtise. La classe politique burkinabè montre toute son intention de répéter pour la troisième fois consécutive la même erreur : celle d’organiser des élections dans l’urgence dans des conditions catastrophiques.

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Première expérience: en 2015, nous avons précipité une transition au motif qu’il faut faire des élections rapidement pour instaurer un ordre démocratique normal. Avec l’une des meilleures élections cependant, nous sommes entrés dans une ère dramatique de guerre. L’idée en son temps de se donner du temps pour mieux faire les choses avant les élections avait été rejetée.

Deuxième expérience en 2020, je suis de ceux qui avaient prêché pour la non tenue des élections face à ce contexte de guerre et d’instabilité accrue. Nous avons proposé une transition pour ramener le pays à la stabilité politique, sociale et sécuritaire. Notamment en réalisant la réconciliation nationale. Même l’Assemblée nationale et son président Bala Sakandé avait proposé un schéma transitoire combattu par son propre camp.

Les gens ont dit qu’il faut préserver l’Etat de droit et des institutions légales plutôt que de créer un vide légal. Des élections chaotiques ont été organisées sous fond d’apartheid de millions de citoyens et de parties importantes du pays isolées.

C’était l’œuvre les politiques autour du dialogue politique. Ils ont accepté un code électoral d’exclusion qui violait la constitution. Avec des camarades, nous avions déposé un recours en inconstitutionnalité de cette loi devant le Conseil constitutionnel.

Le CC s’est déclaré incompétent. Dans le même temps, comble dès comble, les terroristes ont été marchandés. Des centaines de millions ont été versés et certains chefs terroristes libérés pour permettre la tenue des élections. Cette complicité de crime de guerre avérée aujourd’hui par la situation ne suffit pas à faire réfléchir.

J’avais écrit pour dire que nous risquons de se retrouver dans la situation malienne avec la chute d’IBK après des élections remportées haut les mains. De même dans mon premier livre « Se réconcilier ou périr : chronique d’une nation en sursis » paru en décembre 2020, j’ai écrit que c’était une erreur monumentale et une irresponsabilité politique que d’avoir organisé ces élections. Nous revoici en transition après le coup d’Etat de janvier 2022. L’ordre constitutionnel en question qui s’était assis sur des mauvaises élections et une fausse légitimité est tombé.

Malheureusement, et c’est cela la préoccupation, nous revoilà encore engagés dans une troisième expérience électorale. On veut refaire la même chose. Quelle incurie ! Sans que rien n’ait changé dans la situation. Disons pendant qu’il y a pire : Il n’y a presque plus de pays; la guerre s’est généralisée; les extrémismes identitaires montent; le risque de guerre intra burkinabé est là; tandis que la réconciliation est encore au point zéro laissant les haines et le désir de vengeance plus forts.

Mais apparemment, l’intérêt des politiques semble une fois de plus ailleurs. C’est la question du pouvoir. Je me pose la question. Sommes-nous vraiment responsables ? Patriotes ? Aimons-nous vraiment ce pays ? Avons-nous un brin de commisération pour notre peuple qui souffre le martyre ? De toutes les façons, c’est encore une autre voie sans issue. Qu’on se le dise. Tenir des élections avant 5 ans ne changera rien. Nous risquons simplement de condamner et de conduire à jamais ce pays à la destruction totale.

Ce qu’il nous faut c’est beaucoup plus de temps pour remettre le pays sur les rails pour sa reconstruction politique et sociale. Rien ne sert de courir contre la montre. Le problème pourrait être au niveau de la durée de la transition en cours. On peut à l’échéance du temps imparti à cette dernière, à mon sens, envisager une formule consensuelle de transition.

Il faut trouver un compromis politique afin de se donner encore du temps à construire ensemble le pays dans l’union en dehors de la coloration politique et du parti pris qui ne fera que diviser. Analysant au quotidien les réalités politique et sociale de notre pays, je pense sincèrement que sans les moindres acquis et le retour à un vrai esprit de paix et conscience d’un destin national au-dessus de tout, les élections vont plutôt déchirer et enfoncer les Burkinabè.

Je suis contre la tenue d’élections dans le chaos actuel d’un pays au bord du précipice.
Je ne comprends donc pas ces levées de boucliers entre camps politiques dans ce contexte de tragédie. Cette libido abusive du pouvoir pour le pouvoir est destructrice pour la nation.

Il faut regarder l’intérêt supérieur de la nation. Si nous nous refusons à regarder la réalité tragique pour ne voir que le fauteuil de Kossyam, les sièges du parlement et nos intérêts politiciens liés au pouvoir, nous risquons de conduire notre pays dans les périls les plus graves. Je ne suis point contre les élections. Bien au contraire. Je suis contre l’irresponsabilité politique qui ouvre la voie au bricolage et à l’aventure dangereuse.

La folie, c’est de toujours faire la même chose et s’attendre à un changement. Les mêmes causes produisent les mêmes effets, dit-on.

Lookmann SAWADOGO

Journaliste éditorialiste

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