Tribune | « A SEM l’ambassadeur de France au Burkina Faso : Voici les preuves du soutien de votre pays au terrorisme dans le Sahel »
Ceci est une tribune de Daouda Emile OUEDRAOGO sur les propos de l’ambassadeur de France au Burkina Faso.
Les propos de Son Excellence Luc Hallade de la France les 5 et 14 juillet 2022 interpellent à plus d’un titre. A travers cet article, nous démontrerons, avec preuve à l’appui que nous n’accusons pas la France « sans preuve aucune, de jouer un double jeu, de vouloir exploiter les richesses du Burkina Faso, ou pire encore d’armer les terroristes ».
D’entrée de jeu, je tiens à préciser que mon écrit ne vise pas à ternir l’image d’un diplomate, ni soutenir un régime. Il s’inscrit dans la logique de « sauver ce qui peut l’être encore de notre cher Faso ». Car, à l’heure actuelle, « le chef de classe et sa bande » entraînent le pays droit dans le mûr. Rappelons d’abord les faits, objet de ce droit de réponse.
Le 5 juillet 2022, SEM Luc Hallade a affirmé, selon l’écrit de protestation du Ministère des Affaires étrangères, de la coopération régionale et des Burkinabè de l’extérieur que « l’absence de résultats provoque des frustrations de plus en plus fortes dans le pays ». Là, je suis d’accord avec Son Excellence Luc Hallade.
Plus loin, il affirme : « Ce « conflit endogène » est, en réalité une guerre civile : une partie de la population se rebelle contre l’Etat et cherche à le renverser » (sic). Ici, Son Excellence a tout faux. Le 14 juillet 2022, il rebelote. Lors de la célébration de la fête de l’indépendance à Ouagadougou, il dit : « Je regrette que les réseaux sociaux soient devenus à bien des égards les « idiots utiles », la caisse de résonnance de ceux et celles qui, aveuglé.e.s par une haine absurde, nous accusent, sans preuve aucune, de jouer un double jeu, de vouloir exploiter les richesses du Burkina Faso, ou pire encore d’armer les terroristes. »
Il poursuit : « ce sont ces personnes abritées derrière un écran d’ordinateur qui contribuent par leurs outrances, leur virulence, leurs vitupérations, à la déstabilisation de ce pays. » D’où la première preuve.
Preuve 1 : le soutien de l’armée française au MSA en vivres et en armement
La première preuve vient de la contradiction dans les propos de l’ambassadeur de France au Faso. En effet, le 5 juillet, il dit que le terrorisme est un conflit endogène, une guerre civile avec à la clé, une partie de la population qui se rebelle contre l’Etat et cherche à le renverser. Le 14 juillet, il dit que « ce sont ces personnes abritées derrière un écran d’ordinateur qui contribuent……à la déstabilisation de ce pays. » Finalement, qui fait la guerre civile ? Et, qui sont ceux qui déstabilisent le pays ?
Ces propos de l’ambassadeur Hallade sont à mettre en parallèle avec ceux du Président Français, Emmanuel Macron lors de son récent passage en Guinée Guissau. Il dit ceci : « J’ai fait part au Président Cissoko Emballo de l’alarme de la France et de ses partenaires, face à ce qui s’apparente, sous le couvert d’opération de lutte contre le terrorisme, à des violences systématiques ciblant les populations peulhs. »
Le Président Français poursuit en disant : « Nous avons partagé l’urgence d’enrayer cet engrenage qui pourrait déstabiliser l’ensemble de la région ; et avons souligné la responsabilité première des Etats de la région pour sanctionner les coupables et exercer leur vigilance ». En français facile, le Président Macron prépare les esprits afin de faire avaler la couleuvre selon laquelle « une guerre civile se prépare » avec les peulhs en cibles et l’ethnie à protéger.
Ce sont les mêmes arguments que le Président Nicolas Sarkozy a avancés en Libye en identifiant les peuples de Benghazi comme des victimes en vue d’attaquer Kadhafi. Ces arguments ne tiennent pas car, la réalité est tout autre. Et, je vous explique. De 1, il n’est pas du devoir ni du droit du Président français de jouer les « diviseurs ethniques ».
De 2, les peulhs sont une communauté qui s’étend de la Guinée jusqu’en Centrafrique. Ils sont reconnus être des nomades. Or, celui qui bouge, n’a pas le temps de faire la guerre. De 3, quand Boko Haram a envahi le lac Tchad, il s’en est pris aux Peulhs. Ce qui montre qu’ils ont été victimes du terrorisme. Et, en 2017-2018, selon Thomas Dietrich du journal « Le Média » « la France a embauché des supplétifs touaregs dans sa lutte contre le terrorisme au Mali ; notamment, le MSA (Mouvement pour le Salut de l’Azawad) … »
Le journaliste révèle que « l’armée française a soutenu ce mouvement en vivres et en munitions. Ce mouvement a eu à massacrer des peulhs sans que les Français (NDLR : l’armée française) ne lèvent le petit doigt. A l’époque, personne n’en a parlé », clame le journaliste Dietrich.
Mieux, le journal « Libération » du 13 avril 2018 fait le portrait du chef du MSA. Sous le titre « Moussa », l’arme de Paris au Sahel, le journal écrit ceci : « Soutenu par la France au nom de la lutte antiterroriste, le jeune seigneur de guerre touareg est accusé de graves exactions contre les Peuls. » Alors Excellence, si votre pays a soutenu ceux qui ont massacré des peulhs à l’époque, d’où est-il né aujourd’hui, cette propension à les protéger ?
Preuve 2 : Qui finance le terrorisme ?
L’une des méthodes de lutte contre le terrorisme est le tarissement des sources de financement. Jean Luc Mélenchon a posé la question lors du débat sur les politiques de la France au Sahel devant Mme le Ministre Parly de la défense et, le ministre des affaires étrangères, Jean Yves le Drian : Qui finance les djihadistes?.
Les sources classiques sont connues. Le GIABA en dénombre 11. Les plus connus sont les otages, le trafic de l’or, des hydrocarbures, les rapts de bétail, les trafics illicites. On le sait, les otages constituent la première source de financement. L’éditorialiste Mamadou Diouf disait il y a un an qu’il y a une sorte d’hypocrisie dans la lutte contre le terrorisme: « Les intermédiaires des groupes terroristes sont connus. Ils ont des représentants dans les banques européennes parce qu’il y a tout un système par lequel l’argent passe pour arriver chez les preneurs d’otages. »
Or, la France est, non seulement, la 2ème puissance de l’UE mais, elle est incontournable dans tous les rouages politico-économico-diplomatique de ce regroupement. Elle est le pays qui fabrique le franc cfa. Selon plusieurs spécialistes, les paiements des rançons se font en euros généralement. Mais, les combattants en Afrique de l’Ouest sont payés en F cfa.
Le cours moyen d’un otage au Sahel est de 8 millions d’euros, un peu plus de 4 milliards de f cfa. En outre, le terrorisme dans le Sahel est la résultante de la guerre en Libye. Cette guerre a été suscitée et entretenue par la France sous le couvert de l’OTAN pour renverser le Guide Libyen Mouammar Khadafi. Et, c’est par le Qatar que les armes transitaient pour être déversées en Lybie en passant par la Belgique.
Le Qatar, la Belgique et l’Arabie Saoudite font partie des plus gros acheteurs d’armes de la France. Le Qatar se trouve être le 2ème plus gros acheteur d’armes de la France avec plus de 11 milliards d’euros d’achat d’armes. Pourtant, le Qatar est soupçonné, à tort ou à raison, d’être une plaque tournante de financement du terrorisme. La conclusion coule de source Excellence M. l’ambassadeur.
Preuve 3 : Prendre le contrepied du conditionnement des esprits
Excellence M. l’ambassadeur, il n’y a pas de guerre civile au Sahel. A l’analyse des faits historiques, c’est la France qui prépare la guerre civile dans les pays du Sahel. Car, le Premier Ministre malien Choguel Maïga l’a dit sans ambages : « C’est la France qui arme les djihadistes au Sahel. » : « C’est le gouvernement français qui a coupé le Mali en 2 pour créer un sanctuaire pour les terroristes pendant deux ans. »
Aujourd’hui, en criant aux loups alors qu’il n’y a pas de loups, vous voulez préparer les esprits à accepter le fait, que les pays du Sahel seront les acteurs et les auteurs de la guerre civile que vous êtes en train de préparer comme vous l’avez fait en 1968 dans la guerre du Biafra, au Nigéria. Que s’est-il passé ? Au nom du pétrole, de elf et de la Françafrique, il fallait créer une situation qui allait choquer l’opinion publique française à l’image d’un génocide.
Et, ce sont les médias français qui ont été mis à contribution. Malgré que la compagnie Elf ait des contrats avec le gouvernement légal du Nigéria, cela ne l’empêchait pas de verser les redevances du pétrole au mouvement sécessionniste Biafrais, sachant pertinemment que cet argent servira à acheter des armes. Tout comme aujourd’hui, au Sahel et dans les zones minières, les revenus de l’orpaillage clandestin profitent aux groupes terroristes.
A l’époque, c’est de Libreville que la France convoyait les armes du Gabon au Biafra et de nuit. Jacques Thiebault, un des pilotes de l’époque affirme : « Il fallait voler de nuit et atterrir dans le noir absolu avec la moitié d’un phare allumé. » Ce témoignage rappelle la fameuse piste clandestine dont les autorités burkinabé nient l’existence.
Mais enfin…Les paroles du chef de l’armée nigériane, le colonel Benjamin Adekunlé sont toujours d’actualité. Il explique : « en fait, si vous les Européens, tout particulièrement les Français, vous vous mêlez de ce qui vous regarde, le problème Biafrais sera résolu très rapidement. Vous vous croyez plus forts et plus intelligents que les autres. Vous ne comprenez rien à l’Afrique. Vous voulez réaliser vos ambitions aux dépens des autres pays.
Et, vous détruisez plein de pays et de vies. » Pour poussez le Général de Gaule à prendre position publiquement, il fallait mobiliser l’opinion publique en faisant jouer la presse. Et, la stratégie consistait à faire en sorte que les médias emploient le mot « génocide ». Dans ses mémoires, Maurice Robert affirme : « nous voulions un mot choc pour sensibiliser l’opinion. Nous aurions voulu utiliser celui de massacre ou d’écrasement.
Mais, « génocide » nous a paru plus parlant. Nous avons communiqué à la presse des informations précises et avons fait en sorte qu’elle reprenne rapidement l’expression « génocide ». Le journal « Le monde » a été le premier. Les autres ont suivi. Heureusement, qu’il était trop tard. Sinon, aujourd’hui, le Biafra aurait fait sécession. »
C’est la même technique, à géométrie variable que la France veut utiliser, en poussant les Etats en lutte avec le terrorisme à négocier alors qu’ils ne sont pas en situation de force pour le faire. D’où l’erreur à ne pas commettre. Si le lecteur veut savoir pourquoi ?
Je l’invite à lire mon article intitulé « Lutte contre le terrorisme au Sahel : les vérités que l’on refuse de nous dire… ». Dans mes prochaines publications, je démontrerai comment les ambassadeurs Français en Afrique, mettent la pression sur les autorités politiques des pays africains, afin d’avoir des marchés pour les entreprises de l’Hexagone.
Par Daouda Emile OUEDRAOGO
e.mail : [email protected]
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