Édito | Le venin des « Cobras » a eu raison de Damiba
Révolution de palais. Huit mois après avoir renversé Roch Marc Christian Kaboré, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba a, à son tour, été évincé du pouvoir par une branche dissidente du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR).
Le nouvel homme fort du pays, pour reprendre une expression galvaudée, est « un jeune Capitaine de 34 ans mais aux dents bien longues », Ibrahim Traoré. Le chapeau du chef a cependant flotté pendant longtemps dans l’air, sans qu’on ne sache trop qui le porterait vraiment !
Tout a commencé le vendredi 30 septembre dernier, lorsqu’après plusieurs heures de mutineries, qu’on pensait alors être liées à des revendications corporatistes, un groupe de militaires a fait irruption dans les studios de la télévision publique RTB pour annoncer la prise du pouvoir.
A leur tête, Ibrahim Traoré, chef du régiment d’artillerie de Kaya, membre du MPSR. Après avoir fait le feu le 24 janvier dernier pour le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, il a donc décidé de « s’émanciper ». Allié aux « Cobras », cette unité d’élite de l’armée, il crache un venin contre la Transition qui faisait, selon lui, fausse route…
Les jeunes officiers évoquent une « trahison » de Damiba
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, Paul-Henri Sandaogo Damiba, tout comme Roch Marc Christian Kaboré, paie son « incapacité » à juguler une menace sécuritaire qu’il avait pourtant promis de circonscrire à son arrivée aux affaires.
Malgré quelques innovations, entre autres, la création du Commandement des opérations du théâtre national (COTN) et des BVDP; l’instauration de zones d’intérêt militaire et le dialogue avec les terroristes, la spirale des violences terroristes n’a pas cessé pendant ses huit mois de règne. Pire, de nombreux pans du territoire national ont basculé dans les mains de l’ennemi.
Pour justifier leur coup de force, les jeunes officiers évoquent également la « trahison » de Damiba par rapport à leur idéal de départ. Référence à peine voilée au processus de réconciliation nationale et à la remise en selle d’anciens dignitaires sous le régime de Blaise Compaoré.
L’appel à la rescousse des populations…
Mais alors qu’on pensait les choses pliées avec cette déclaration, rien ne s’est passé vraiment comme prévu. Entre le communiqué de l’État-major général des armées parlant d’une crise interne au sein de l’armée ; les publications sur la Page Facebook de la Présidence invitant Ibrahim Traoré et compagnie à rentrer dans les rangs ; la résistance des forces spéciales pro-Damiba ; la confusion s’est ajoutée à la confusion et aucune vache ne savait retrouver son veau dans cet imbroglio politico-militaire.
De toute évidence, on n’est pas passé loin d’un affrontement entre soldats d’élite dans les rues de la capitale. Mais le rapport de force a vite penché en faveur des « rectificateurs ». Le point de bascule a sans doute été l’appel à la rescousse des populations avec la levée du couvre-feu. IB, comme on le surnomme, a agité la théorie d’une protection de Damiba par les forces spéciales françaises basées à Kamboinsé et a laissé entendre un changement de partenaires dans la lutte contre le terrorisme.
Malgré le démenti de la France, il n’en fallait pas plus pour jeter dans la rue de nombreux Burkinabè, drapeaux russes souvent en mains, décidés à barrer la route, selon eux, à des velléités de Paris de remettre en selle « son supposé protégé ».
Nouveau round de combat avec la CEDEAO ?
Malgré le revirement plus tard du chef des putschistes, ce second coup d’État en l’espace de quelques mois a pris des allures de référendum pour ou contre la France dont l’ambassade à Ouagadougou ainsi que l’institut français à Bobo-Dioulasso ont subi le courroux des manifestants. Ce soutien populaire a été certainement décisif dans le soutien que la hiérarchie militaire a finalement accordé au capitaine Ibrahim Traoré.
Quant au Lieutenant-Colonel Damiba, il a négocié sa démission sous conditions. Si la puissance de feu a permis au Capitaine d’artillerie de s’approcher du fauteuil de Kossyam, c’est bien l’engouement populaire qui l’y a assis.
Nous voilà donc de retour à la case départ. Que de temps, d’énergie et de ressources financières perdus depuis le 24 janvier pour asseoir les organes de la Transition et réconcilier le pays avec la CEDEAO ainsi que les bailleurs de fonds ! Il faut tout recommencer ou presque.
En attendant de savoir si le MPSR 2 va détricoter tous les acquis du MPSR 1, au risque d’entamer un nouveau round de combat avec la CEDEAO, on ne peut que regretter cette instabilité institutionnelle congénitale qui prévaut au Burkina… Un éternel recommencement qui assombrit un peu plus l’horizon. Pendant ce temps, les terroristes boivent du petit lait. Ils n’en demandaient pas tant…
La Rédaction
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