Burkina Faso : Grâce à Moussa Kouda, des écoles produisent pour nourrir les écoliers
À l’école primaire de Damkieta, la résilience a un nom et s’appelle « Projet Éducation d’aujourd’hui, Solutions de demain » et Moussa Kouda avec son association « Afrique Action Commune » en est le métronome. Du manque de provision de la cantine scolaire de l’école primaire de Damkieta, ce projet a fait en sorte que l’école connaisse aujourd’hui un excédent de provisions à travers la production de vivres. Les élèves de ladite école parcouraient 6 à 10 km pour venir s’abreuver du savoir, mais pour la plupart, il n’y avait rien à manger à midi… Un tour à Saponé Karkuidgin dans le village de Damkieta plus précisément à l’école primaire de Damkieta pour voir les prouesses de Moussa Kouda, ce philanthrope qui allie éducation et développement endogène avec et pour les enfants…
Piqué dans son amour propre, Moussa Kouda, qui tient une ferme dans les encablures de l’école primaire de Damkieta, n’est pas resté de marbre en voyant les enfants dans une situation de faim à l’école surtout lorsque la cloche sonne à midi. Il se donne donc pour mission d’inverser la tendance avec les moyens du bord. Il a ainsi mobilisé les enfants, le corps enseignant, avec à sa tête la directrice de l’école, autour de l’idéal, produisons sur place à l’école et consommons.
Le « Projet Éducation d’aujourd’hui, Solutions de demain » voit alors le jour à l’école primaire de Damkieta avec pour ambition, d’accompagner l’éducation des enfants, produire des aliments pour la cantine scolaire, construire une bibliothèque pour l’école et développer l’appartenance à une société, à une nation chez les enfants… Plus qu’un sacerdoce, du patriotisme !
Il est 9h 02 mn à notre montre quand nous arrivons à Saponé. Il nous a fallu environ 45 minutes de route pour faire le trajet Ouaga-Saponé. Après quelques renseignements, nous arrivons à Saponé Karkuidgin puis à Damkieta. Il est 9h20 quand nous accédons à travers une voie rouge un peu rocailleuse à Damkieta, un village situé à quelque 5 km de Saponé Karkuidgin.
C’est une plaque estampillée Damkieta qui nous signale que nous sommes à bon port. Nous avons rendez-vous précisément à l’école primaire de Damkieta avec Moussa Kouda. Il est initiateur du projet Afrique Action commune.
Non loin de la plaque qui indique le début géographique du village de Damkieta, à quelque 1000 m à notre droite, un sillon nous conduit à l’école primaire de Damkieta. L’école est à ciel ouvert. L’ambiance est bon enfant. Ce temple du savoir est en harmonie avec l’environnement. Quelques arbres laissent dresser en leur sein des salles de classe et une cantine scolaire construite en terre battue contrairement aux classes construites en dur.
C’est Monsieur Kouda que nous apercevons au milieu d’un jardin potager en gestation avec des enfants riant, bavardant, mais à la tâche. Un sillon entre le jardin et une pompe à eau nous laisse traverser pour aller nous garer sous un arbre à côté des classes.
Nous rejoignons Moussa Kouda et ses enfants dans le jardin, ce sont de jeunes pousses que monsieur Kouda et les enfants entretiennent à travers désherbage, ajout d’engrais et arrosage. « Toi mets juste un peu d’engrais. Toi, suis-le et tu lui donnes l’engrais.
Aidez-vous. Vous, essayez d’enlever les mauvaises herbes », ce sont çà et là, les directives que donne Moussa Kouda aux enfants qu’il encadre aux techniques de production dans le jardin potager. Après des salutations d’usage et présentation de nos civilités, Moussa Kouda nous explique son projet et sa vision. Pour le moins que l’on puisse dire c’est que ce qui est fait à l’école primaire de Damkieta, n’est que la partie visible de l’iceberg, ce que porte Moussa Kouda comme projet.
« Le Projet s’appelle « Éducation d’aujourd’hui, Solutions de demain ». Le nom de l’association c’est « Afrique Action Commune ». On intervient au niveau des communautés notamment dans l’éducation pour accompagner les enfants dans leur éducation. On leur apprend très tôt, à prendre conscience de leur importance et de leur rôle dans la société en les encadrant avec des méthodes éducatives et de production.
Il s’agit d’emmener les enfants à savoir eux-mêmes identifier les problèmes auxquels ils sont confrontés et voir comment ensemble, ils peuvent régler les difficultés. On vient en appui à l’instruction à l’école pour amener les enfants très tôt à avoir des valeurs. En grandissant avec ces valeurs, je pense qu’ils peuvent contribuer à aider la société », nous explique Moussa Kouda.
L’état des lieux du projet à l’école de Damkieta
À l’école Damkieta, le constat est clair. Le projet est bien en marche. Il est même palpable. Nous l’avons constaté. Mais concrètement, qu’est-ce qui y est fait exactement ? Moussa Kouda nous fait mesurer l’ampleur du travail abattu en revenant sur la genèse du projet : « ça fait deux ans que nous travaillons à Saponé, mais cela fait un an que nous avons commencé le projet à l’école de Damkieta. On a commencé par l’assainissement de la commune avec des enfants.
Dans cette école particulièrement, nous avons été confrontés à des difficultés. Les enfants n’arrivaient pas à s’alimenter à midi au niveau des cantines scolaires. Pour nous, il était indispensable, de les accompagner, de les organiser à travers des activités de jardinage à produire à l’école pour pouvoir s’alimenter ».
À entendre le lead du Projet Éducation d’aujourd’hui Solutions de demain, il y a des objectifs clairs et précis pour cette école de Damkieta. « Ici, à l’école de Damkieta, c’est trois objectifs. La production, l’assainissement, et la mise en place de bibliothèques scolaires ». Mais d’ores et déjà Moussa Kouda loue le travail abattu dans cette école.
« Cela fait un an qu’on produit dans le jardin, on s’alimente avec ce que nous produisons à la cantine, on organise le nettoyage de l’école et les aires de jeu, ce sont les enfants eux-mêmes qui le font. On a emmené les enfants à faire les choses eux-mêmes pour couper avec le cycle de la dépendance », se satisfait Moussa Kouda, cet amoureux du développement endogène.
Pour lui, l’objectif au-delà du projet, c’est faire de ces enfants des hommes de demain avec des valeurs de sorte qu’ils puissent contribuer à l’édification de la société burkinabè. Pour cela, il le sait, les enfants ne doivent pas souffrir de la faim à l’école. C’est pourquoi il indique que le projet vise la formation parallèle des enfants tout en leur permettant, à travers le projet, de s’alimenter convenablement à l’école.
Aussi, nous assure Moussa Kouda, le but ultime de son projet c’est : « chaque école, sa cantine scolaire, chaque école son jardin scolaire et chaque école sa bibliothèque ». Son rêve est grand et il veut que toutes les écoles au Burkina Faso puissent se munir de jardin scolaire et approvisionner leur propre cantine d’eux-mêmes.
« Éduquer les enfants à la production dès le bas-âge, parce qu’ils sont flexibles, leur inculquer des valeurs dès le départ parce que ce sont des enfants aujourd’hui, mais des adultes de demain », ce sont là des assertions qui sont les guides et le leitmotiv de Moussa qui tient à bras-le-corps son projet qu’il veut endogène. « On est riche, il suffit de bien s’organiser et de savoir exploiter ce qu’on a comme potentiel », ne cesse-t-il de dire.
Combien a-t-il mobilisé pour rendre la cantine scolaire de Damkieta autosuffisante ? « Presque rien! », nous promet le sieur Kouda. « J’ai juste payé pelle, pioche, grille, râteau et machettes, le reste avec la mobilisation des enfants, de la directrice et quelques personnes, on a pu produire suffisamment pour la cantine et on a même un excédent de maïs que l’on vend », nous avoue-t-il.
« Je suis venu ici, j’ai vu que les enfants avaient du mal à s’alimenter parce qu’il n’y avait rien dans la cantine. Mais l’école avait une pompe. Je me suis dit, si la pompe nous donne dix gouttes d’eau, nous allons utiliser les cinq gouttes d’eau pour produire et les cinq autres gouttes pour boire. C’est ainsi que c’est parti », ajoute Moussa Kouda.
Il faut préciser qu’en plus du jardin potager, M. Kouda et son équipe d’élèves ont un champ à l’intérieur de l’école où ils cultivent des céréales. C’est à ce niveau d’ailleurs qu’ils sont arrivés à faire un excédent du besoin annuel de la cantine scolaire.
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Moussa, Kouda ne s’en cache pas, il pense que le développement commence par nous-mêmes avant que l’aide ne vienne de l’extérieur. Et il le démontre à travers ce projet. Conseillé en sécurité, visiblement, M. Kouda n’est pas un nécessiteux.
Nonobstant son rang social, cela ne lui a pas empêché de retrousser ses manches pour aller dans la réalité profonde du Burkina afin d’apporter ce qu’il peut apporter. Et comment ? Pas par une assistance financière, ça au moins c’est sûr, mais en emmenant des enfants qui vivent dans la précarité à prendre très tôt leur destin en main.
Quitter une villa huppée dans un quartier résidentiel de Ouagadougou, venir garer son véhicule et ramasser des ordures à Saponé. Cela est dit de façon banale, mais c’est la réalité de ce que fait Moussa Kouda dans le cadre de son projet à Damkieta. Cela soulage beaucoup l’école de Damkieta et la directrice ne le cache pas.
La directrice de l’école de Damkieta exprime sa satisfaction
« C’est le 26 février qu’on a commencé le jardin. Avec les produits du jardin, on a pu préparer pour la cantine, on a pu vendre à certaines personnes. Cela nous a beaucoup galvanisé parce que les vivres de la cantine étaient finis. Toujours avec l’accompagnement de M. Kouda, on a fait un champ de maïs, de haricot. Et on a pu récolter beaucoup parce qu’on a pu avoir quatre grands sacs de maïs, et un de haricot.
Depuis lors, c’est ça qu’on prépare à la cantine scolaire. Les produits du champ et du jardin nous aident parce que l’État n’a rien donné cette année. Donc, c’est ce qu’on a produit que nous consommons actuellement », indique fièrement, Marie Chantale Bouda, directrice de l’école de Damkieta. Elle montre clairement sa satisfaction vis-à-vis de ce projet parce que les vivres que l’État octroie à son école viennent tard, selon elle.
Ces vivres, affirme-t-elle, viennent souvent la veille des examens scolaires pratiquement en fin d’année scolaire. Pour l’enseignante cette initiative est bénéfique à plus d’un titre aux enfants qui voyaient leur rendement scolaire baisser à cause de la faim. Les enfants, à la pause de midi, effectivement se régalent avec le repas issu de la production du jardin scolaire et de la cantine scolaire. Un repas mérité, car ils ont eux-mêmes contribué à la production de la matière première qui a servi à faire leur repas.
Le président des parents n’en dira pas moins. « Ce projet de M. Kouda est une grande satisfaction pour nous les parents d’élèves. Nous réfléchissions à ce problème d’alimentation des enfants, mais on n’avait pas quelqu’un qui avait le leadership et la vision pour nous éclairer. Cependant cela a été une véritable chance pour nous que M. Kouda vienne nous aider.
Il y a des enfants ici dont leur maison se situe à environ 10 km. À la pause de midi, il leur est très difficile de repartir chez eux manger avant de revenir à l’école. Maintenant nous sommes soulagés parce que les enfants peuvent manger à midi à l’école et réviser leurs leçons avant de reprendre les cours jusqu’au soir », se réjouit Alexis Koudougou Zongo.
Pour celui-ci, ce projet soulage beaucoup les enfants, mais eux aussi les parents.
Les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du projet
En outre, aussi beau qu’il puisse paraître, ce projet ne se mène pas sans difficulté. L’initiateur du projet, Moussa Kouda, indique être confronté à la non acceptation du projet par la communauté et les adultes. « On a du mal à mobiliser la population locale pour qu’elle s’implique dans ce projet. On a par exemple produit avec les enfants, il nous fallait aussi un peu de moyens pour faire des tableaux et faire aussi une bibliothèque.
Donc, il était important qu’au-delà de la production qu’on puisse développer d’autres activités. On s’est donc dit que vu qu’on arrivait à manger à notre faim, on pouvait vendre le surplus de la production. On s’est rapproché de la population, de ceux qui avaient plus de moyens pour qu’ils puissent racheter notre production pour nous permettre de développer d’autres activités. On a livré à plusieurs reprises et on n’a jamais été payé », se désole Moussa Kouda.
« On a vraiment du mal à avoir l’implication de la communauté. Quand on travaille, c’est juste avec les enfants, on n’a pas d’implication des parents et des associations. C’est vraiment dommage parce que notre œuvre c’est pour tout le Burkina Faso », s’indigne-t-il. « C’est ensemble que nous pouvons régler nos problèmes », est-il pourtant convaincu.
Pour l’heure, grâce à la volonté de l’initiateur et de la directrice de l’école, le projet suit son cours à l’école de Damkieta. Ledit projet est également en train d’être mis en place à l’école Pissy de Saponé. Au-delà de Saponé, le projet est aussi mis en place dans 8 écoles à Tougan dans la région de la Boucle du Mouhoun. Des écoles dont nous préférons taire les noms, au regard de la situation sécuritaire.
Le Projet est aussi en marche à Tougan
Le point focal du Projet Éducation d’aujourd’hui Solutions de demain à Tougan nous assure, images à l’appui, du bon déroulement du projet dans leurs écoles. « Nous avons commencé les pépinières pour le jardinage.
Par ailleurs, dans le cadre du projet, nous avons initié des activités génératrices de revenus pour soutenir les écoles de nos zones d’intervention en améliorant la cantine endogène. Pendant les vacances, chaque école s’organisera pour faire son champ. Outre ce champ, un grand champ commun sera cultivé pour la production du riz local qui servira de cantine scolaire endogène dans nos écoles.
Toutes les écoles couvertes par le projet ont déjà leur jardin », fait-elle savoir tout en soulignant que le Projet Éducation d’aujourd’hui Solutions de demain contribue à renforcer la cohésion sociale. Pour elle, les activités du projet permettent d’assurer la socialisation, l’épanouissement, l’autonomie et la participation au développement économique de l’enfant, futur (e) adulte.
De l’école primaire de Damkieta à celle de Tougan en passant par l’école Pissy, le projet Afrique action commune vit et entend éduquer autrement les adultes de demain pour un développement du Burkina Faso par les Burkinabè et pour les Burkinabè…
Hamadou OUEDRAOGO
Burkina 24
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Bravo à l’initiateur M. Kouda et merci à lui pour son engagement. Son concept est simple: produire et consommer. Ce qui est admirable avec M. Kouda, c’est qu’il n’attends pas l’appui de l’état et engage ses propres ressources pour redonner du sourire aux enfants. Longue vie à ce projet.