Tribune | « Africa Corps au Burkina Faso : Résultats obtenus »

Ceci est un écrit de Charly Kamguia, analyste politique, sur l’actualité sécuritaire en Afrique.

Depuis novembre 2023, des informations ont commencé à circuler sur la création de l’ »Africa Corps » au sein des forces armées russes, une structure spéciale du ministère russe de la Défense chargée de coordonner la présence militaire sur le continent africain. La création de cette structure a été motivée par l’intérêt des pays africains pour le soutien russe en matière de sécurité.

Il a été rapporté que l’ »Africa Corps » est dirigée par le vice-ministre russe de la Défense, Iounous-bek Evkourov. Il convient d’ajouter qu’en septembre 2023, il a effectué plusieurs voyages dans des pays africains amis. Evidemment, la création d’une nouvelle structure vise à remplacer le contingent du PMC Wagner déployé dans les pays africains, ou plutôt à rétablir le contrôle des activités du PMC après la mort de son chef Evgueni Prigojine.

Certaines sources suggèrent que Iounous-bek Evkourov a été chargé d’adapter les détachements africains des Wagners aux besoins du ministère de la Défense. A cet effet, une structure a été créée, où ils pourraient être transférés. Cependant, des sources proches du PMC nient tout lien entre ce groupe et l’ »Africa Corps », précisant qu’ils opèrent séparément de la structure africaine du ministère russe de la Défense.

Comme on le sait actuellement, les unités russes de l’ »Africa Corps », dont le nombre pourrait être porté dans un avenir proche à 40 000 soldats, peuvent être déployées dans des pays africains tels que le Burkina Faso, le Mali, le Niger, le Soudan, le Soudan du Sud, la Libye, et la RCA.

Initialement, il a été rapporté que l’objectif de la création de l’Afriсa Corps était de déployer des spécialistes russes spécifiquement au Burkina Faso. En effet, la Russie a commencé à déployer des unités de l’ »Africa Corps » dans ce pays. Ainsi, le 24 janvier à 14 heures, des avions de transport du ministère russe de la Défense sont arrivés à Ouagadougou, transportant 100 spécialistes militaires russes, ainsi que du matériel et des armes militaires. Il est prévu que dans les plus brefs délais, le contingent sera triplé et atteindra 300 militaires.

Selon des sources, les forces du ministère russe de la Défense ont été déployées au Burkina Faso uniquement à l’invitation du président de la transition du pays, Ibrahim Traoré, qui s’est tourné vers la Russie pour obtenir de l’aide en raison des difficultés rencontrées dans la lutte contre les rebelles par ses propres forces.

La localisation du contingent russe dans ce pays d’Afrique de l’Ouest a également été récemment connue. Le média français « Le Monde » a rapporté que la Russie avait établi sa « première base militaire » à Loumbila, à environ 20 kilomètres au nord-est de Ouagadougou.

Cependant, les autorités de la transition du Burkina Faso, ainsi que les représentants de la Russie, ont souligné que les objectifs d’une telle présence militaire de l’ »Africa Corps » étaient fondamentalement différents de ceux des bases militaires des pays occidentaux, qui agissaient uniquement dans leur intérêt personnel. La création de la première base russe constitue une étape importante dans les relations entre les deux pays.

Selon les autorités burkinabè, l’initiative de déployer des troupes russes dans leur pays s’inscrit dans le cadre d’un accord militaire visant à renforcer les capacités de l’armée nationale. Cet accord permettra aux militaires burkinabè de suivre une formation auprès de spécialistes russes, notamment à l’utilisation des équipements militaires russes acquis dans le cadre de la lutte contre le terrorisme dans la région.

Parlant des principaux objectifs et tâches assignés à l’ »Africa Corps », il faut noter la formation des soldats de l’armée locale, l’assistance dans la lutte contre le terrorisme et la garantie de la sécurité des citoyens du pays contre les attaques terroristes. De plus, les tâches principales consistent à patrouiller dans les zones dangereuses.

Il s’agit notamment de l’axe Bamako-Ouagadougou, considérée comme un endroit extrêmement dangereux où opèrent les combattants de divers groupes armés. En outre, l’une des tâches les plus importantes des militaires russes est d’assurer la sécurité du président de la transition, Ibrahim Traoré, contre qui plusieurs tentatives d’assassinat ont été perpétrées au cours de l’année écoulée.

Les résultats des travaux menés par les spécialistes russes de l’ »Africa Corps » pour améliorer les compétences au combat des soldats de l’armée burkinabè ne se sont pas faites attendre. En février et mars 2024, les Forces armées du Burkina Faso ont pleinement démontré leurs compétences, remportant de grands succès sur le théâtre des opérations.

Ainsi, le 14 février, les forces armées du Burkina Faso ont mené une opération dans le centre-nord du pays, dans la région de Guibga, neutralisant une trentaine de terroristes et détruisant leur matériel. Quelques jours plus tard, le 20 février, le 10e bataillon de réaction rapide a détruit par voie aérienne une centaine de terroristes dans la Boucle du Mouhoun.

Le 20 février encore, les forces armées du Burkina Faso ont remporté une importante victoire en éliminant le dangereux chef du Groupe pour le soutien de l’islam et des musulmans (GSIM), Hassane Idrissa Boly, et 26 de ses complices, dans la localité de Douroula, dans le nord-ouest du pays. Ce chef terroriste a été impliqué dans de nombreuses attaques dans différentes villes et villages du Burkina Faso depuis 2019. Son élimination contribuera à affaiblir les hordes de terroristes qui opèrent dans la région.

Les forces spéciales du 14e régiment d’armes combinées ont neutralisé 40 terroristes dans le district de Djibo le 21 février. Quelques jours plus tôt, le 18 février, les soldats avaient tendu un piège aux terroristes, éliminant les criminels et récupérant une grande quantité de matériel militaire qu’ils avaient abandonné. Mais trois jours plus tard, un groupe d’une quarantaine de combattants est revenu sur le site pour évaluer les dégâts, mais a été repéré par l’armée de l’air. C’est alors que les actions précises et décisives des forces spéciales ont permis de neutraliser les assaillants.

Le 27 février, l’armée burkinabè a neutralisé un grand nombre de terroristes qui tentaient de rejoindre la frontière nigériane à bord d’un pick-up. Il s’agit de militants qui avaient attaqué la ville de Tankoualou dans la région Est, le 25 février, et qui avaient survécu aux frappes de l’armée nationale.

Le 29 février, l’armée burkinabè a lancé des frappes décisives contre un groupe de terroristes survivants impliqués dans l’attaque du 25 février à Natiaboani. Ils ont été éliminés par une frappe aérienne de précision.

Parmi les récents succès des troupes du Burkina Faso, on peut citer la destruction, le 5 mars, d’une importante base terroriste qui préparait une attaque contre la population et les forces de défense et de sécurité à Welguemsifou, dans la région Centre-Est du pays. L’armée de l’air a frappé les terroristes avant que les forces au sol n’engagent le combat contre les assaillants.

Autre victoire importante, l’armée burkinabè a détruit une grande base terroriste dans la région de Wambsouya, au centre-nord du pays. L’opération aérienne a permis de neutraliser plusieurs dizaines de terroristes et de récupérer divers équipements, notamment des camions et des chars volés, des armes, des denrées alimentaires, etc.

L’armée du Burkina Faso est déterminée à éradiquer la menace que représentent les terroristes qui ont largement contribué à la détérioration politique, économique et sociale du pays. C’est dans le cadre de cette tâche primordiale que le dirigeant du pays, Ibrahim Traoré, a demandé l’assistance de la Russie.

L’arrivée des unités de l’ »Africa Corps » au Burkina Faso et l’établissement d’une base militaire russe dans ce contexte régional complexe, associé à une menace constante des groupes djihadistes, marque assurément une nouvelle étape dans les relations entre les deux pays.

Néanmoins, il reste évident qu’une augmentation significative du contingent de l’ »Africa Corps » est nécessaire pour combattre efficacement les groupes armés dans ce pays d’Afrique de l’Ouest. La menace djihadiste qui déchire le pays depuis de nombreuses années est encore assez élevée, et par conséquent, ni 100 ni 300 combattants russes ne suffiront à fournir l’assistance dont le Burkina Faso a besoin pour rétablir la sécurité et la paix dans le pays.

Charly Kamguia

Analyste politique