« Les filles aussi peuvent sauter » : Itinéraire de Rosalie Ouoba, première femme parachutiste

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60 ans passés, Rosalie Ouoba savoure une retraite bien méritée après une carrière consacrée au développement, à la santé et à la nutrition, surtout en milieu rural. Spécialiste reconnue dans l’appui aux femmes, elle a longtemps travaillé à renforcer leur autonomie et leur rôle dans la société. Mais son histoire commence bien plus tôt, dans un camp militaire de Bobo-Dioulasso, où une simple curiosité allait la conduire à devenir l’une des premières femmes à s’essayer au parachutisme. 

Rosalie Ouoba, première parachutiste de Haute-Volta (Burkina Faso)
Rosalie Ouoba, première parachutiste de Haute-Volta (Burkina Faso)

Dans les années 1970, le camp militaire résonnait de cris d’instructeurs et du bruit sourd des bottes frappant le sol poussiéreux. Parmi les curieux venus observer les manœuvres, une adolescente se tenait discrète mais attentive. 

Elle ignorait encore que ce jour-là, une simple visite allait bouleverser le cours de sa vie. Cette adolescente, c’était Rosalie Ouoba, devenue des décennies plus tard une spécialiste reconnue en nutrition et santé dans le développement rural et a occupé d’importants postes comme celui de directrice générale d’un centre d’études économique et sociale pour l’Afrique de l’Ouest .

« C’était pendant les vacances. Avec deux amis, on allait souvent chez mon oncle par alliance, le capitaine Momoni Ouédraogo. Tout le monde le connaissait à l’époque, il était le chef de tout ce qui concernait le parachutisme », raconte-t-elle.

Les yeux brillants, elle se remémore ce moment fondateur. « Un jour, on a vu des jeunes en plein entraînement. On a demandé ce qu’ils faisaient. Mon oncle nous a répondu : ce sont des parachutistes en préparation. Ça a fait tilt dans ma tête ».

Rosalie Ouoba

À partir de là, une idée ne l’a plus quittée. De retour à la maison, elle questionne sans relâche son oncle : faut-il être militaire pour sauter ?

Les civils peuvent-ils apprendre ? « À chaque fois, il me disait non. Mais moi, je revenais à la charge  ça m’intéresse, je veux sauter », a-t-elle dit.

Au début, l’officier reste sceptique. Mais face à la ténacité de sa nièce, il finit par céder. « C’était un avant-gardiste.

Un jour, c’est lui-même qui est revenu vers moi pour me dire : tu es sûre que tu veux sauter ? J’ai répondu oui » dit-elle. 

Très vite, l’adolescente et ses deux camarades sont intégrés aux séances d’entraînement. Sur le terrain, ils découvrent la rigueur des exercices militaires : marches forcées, répétitions techniques, gestes précis.

« La première fois qu’il nous a donné les tenues, ma main n’arrivait même pas jusqu’au bout de la chemise. Ça nous a fait rire, mais pour moi, c’était secondaire. Ce que je voulais, c’était sauter », confie-t-elle. 

Loin des clichés de l’époque, personne ne se moque d’eux. Leur sérieux impose le respect. « C’est curieux, mais au lieu de rire de nous, les soldats ont compris qu’on n’allait pas lâcher. On était déterminés », dit Rosalie Ouoba.

Après plusieurs mois d’entraînement, le moment tant attendu arrive. Le 11 décembre approche. Dans l’euphorie des célébrations nationales, son oncle annonce « Demain, c’est le saut ». Elle n’a pas peur. Au contraire, l’impatience la dévore. « J’étais tranquille. J’étais même pressée d’y être ».

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Le matin du grand jour, elle se présente sur le site avec une assurance qui étonne encore son entourage. Pour elle, ce saut n’est pas un simple défi sportif c’est une affirmation. « Peut-être que le fait d’être la troisième fille de la famille m’a amenée à me dire : les filles, c’est pareil que les garçons. Pourquoi une fille ne pourrait-elle pas faire ce qu’ils font ? »

Un engagement pour les femmes et le développement.

Ce premier saut symbolise le combat qu’elle mènera toute sa vie : prouver que les filles et les garçons ont les mêmes capacités, les mêmes droits et les mêmes opportunités. Cette conviction l’a suivie dans son parcours professionnel. 

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Spécialiste en nutrition et santé dans le développement, Rosalie Ouoba a consacré sa carrière au monde rural, particulièrement à l’accompagnement des femmes. Elle a travaillé sur des projets visant à améliorer l’accès à une alimentation équilibrée, à renforcer l’autonomie économique des femmes et à favoriser leur implication dans la vie communautaire. 

« J’ai toujours voulu que les filles se positionnent comme des êtres humains à part entière. Pas seulement comme des filles. Elles peuvent agir, décider, contribuer au développement », martèle-t-elle.

De retour d’Europe, où elle s’était impliquée dans des groupes universitaires réfléchissant à la place de la femme dans le développement, elle met en pratique ses convictions.

« Il faut que les filles comprennent qu’elles sont avant tout des personnes capables d’assumer des responsabilités. La société doit leur donner les mêmes chances que les garçons».

Une vie guidée par une conviction

Aujourd’hui à la retraite, Rosalie Ouoba mesure le chemin parcouru. « Je suis un peu étonnée de voir la jeune fille que j’étais et la mamie que je suis devenue. Mais je ne suis pas déçue. Je pense avoir contribué, à ma manière, à changer le regard sur les femmes dans ma communauté ». 

Avec le recul, elle insiste sur un message fort pour les jeunes générations.« Une fille doit d’abord être fière d’elle-même, se positionner en tant que personne et non en fonction d’un homme. Bien sûr, un homme peut la rendre heureuse, mais elle doit déjà assumer sa propre part de responsabilité », déclare-t-elle.

Le saut comme métaphore

Un demi-siècle plus tard, le souvenir de ce premier saut reste intact. Plus qu’un exploit sportif, il incarne une vision : celle d’une société où filles et garçons avancent côte à côte, sans distinction de valeur ni de capacité.

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Pour Rosalie Ouoba, ce saut n’était pas seulement un défi personnel. Il était un symbole, celui d’une vie consacrée à ouvrir la voie et à rappeler que l’égalité ne se proclame pas , elle se construit, pas à pas, comme on franchit le vide, avec courage et détermination. 

Aurelle KIENDREBEOGO (stagiaire)

Saly OUATTARA 

Burkina 24

Rédaction B24

L'actualité du Burkina 24h/24.

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