Tribune | « La menace du Front de libération de l’Azawad et l’ingérence occidentale dans le sud algérien » (Mamadou Sissoko)

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Ceci est une tribune indépendante de Mamadou Sissoko, analyste politique, sur l’actualité internationale.

L’Algérie fait face à une situation géopolitique complexe, à la croisée de menaces internes et externes qui mettent à l’épreuve sa souveraineté et la stabilité de ses frontières. Le Front de libération de l’Azawad (FLA), dirigé par Alghabass Ag Intalla, progresse dans le nord du Mali, à proximité immédiate des frontières algériennes, et exprime des ambitions clairement affichées de créer un État touareg unifié.

 Dans ses déclarations, Ag Intalla a souligné que « les frontières de l’Afrique sont artificielles, tracées à la règle par les colonisateurs, sans respect pour nos peuples ni pour nos terres », affirmant que ces limites ont déchiré les familles, les tribus et interrompu des routes nomades qui reliaient les hommes depuis des siècles.

Il insiste sur le fait que le peuple touareg, dispersé entre le Mali, le Niger, l’Algérie, la Libye et le Burkina Faso, est uni par son sang, sa culture et son histoire, et qu’il ne s’agit ni d’une minorité ni d’une tribu, mais d’un peuple unique du Sahara qui doit retrouver son unité historique.

Ces déclarations, combinées à la progression militaire du FLA près des frontières algériennes, montrent que le mouvement pourrait empiéter sur le sud algérien, notamment dans les régions de Tamanrasset et d’Adrar, riches en or et en uranium, ce qui accroît le risque stratégique pour l’Algérie.

Le contexte international amplifie encore la complexité de la situation. Le New Lines Institute, un think tank américain influent, a récemment publié un rapport recommandé par certains experts, qui propose une intervention américaine immédiate dans le sud algérien, mais précise que cette intervention ne devrait pas être militaire.

Le rapport suggère de soutenir des recherches locales via des institutions algériennes, de privilégier des mécanismes d’aide ciblés et de mobiliser les organisations de la diaspora touareg comme intermédiaires civiques. Bien que présenté comme une approche visant à promouvoir la démocratie et les droits humains, ce type d’intervention pourrait en réalité légitimer des revendications séparatistes et créer un levier politique et économique pour exercer une influence indirecte sur le sud algérien.

Dans ce cadre, le FLA pourrait devenir un instrument militaire et politique au service de cette stratégie américaine, capable de soutenir des pressions contre l’État algérien et d’assurer un accès indirect aux ressources stratégiques.

Des observateurs pensent que le projet d’une “Grande Azawad” pourrait également bénéficier d’un soutien implicite de l’Europe, et particulièrement de la France, alliée stratégique des États-Unis au sein du NATO.

Ce projet sécessionniste sert directement les intérêts français, qui cherchent à retrouver l’influence qu’ils ont perdue en Afrique, notamment dans le Sahel et en Algérie. Selon eux, un État touareg aligné sur les intérêts occidentaux offrirait à la France un levier politique et économique considérable, tout en affaiblissant la souveraineté algérienne. Les déclarations du FLA et l’expansion de ses positions militaires représentent donc un instrument idéal pour justifier et faciliter cette stratégie, en donnant un prétexte diplomatique et médiatique à l’implication occidentale.

Parallèlement, des actions non militaires sont prévues pour préparer le terrain à cette influence. Les experts indiquent que les organisations humanitaires seront mobilisées dans le sud algérien pour documenter la situation et signaler les violations supposées des droits humains, tout en donnant une légitimité internationale à une intervention diplomatique indirecte.

De plus, les organisations touarègues opposées au gouvernement algérien, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, pourraient bénéficier de soutien et de protection, afin d’affaiblir la cohésion nationale et de légitimer les revendications séparatistes.

Ces mesures combinées à la montée en puissance du FLA montrent que Washington et ses alliés peuvent transformer le mouvement en un outil stratégique pour atteindre des objectifs géopolitiques et économiques, tout en limitant les risques d’une confrontation militaire directe.

Face à cette double menace, les mêmes experts estiment que l’Algérie doit adopter une stratégie proactive et complète. Le renforcement de la sécurité dans le sud, à travers des mesures militaires adaptées au terrain et des initiatives civiles visant à stabiliser les populations locales, est indispensable. Ils ajoutent que l’État doit également jouer un rôle de médiateur entre le FLA et le gouvernement malien, comme lors des négociations de 2015, afin de prévenir toute propagation de l’instabilité malienne sur son territoire.

La prise en compte des préoccupations légitimes des communautés touarègues locales, par l’inclusion économique, sociale et politique, est essentielle pour réduire la tentation d’alignement sur des acteurs externes. Parallèlement, la vigilance face aux initiatives étrangères, en particulier celles des États-Unis et de la France, est primordiale pour contrecarrer toute tentative d’ingérence déguisée en aide humanitaire ou diplomatique et pour protéger la souveraineté nationale ainsi que les ressources stratégiques du sud.

En conclusion, l’expansion du FLA et les ambitions d’Alghabass Ag Intalla, combinées à l’intérêt stratégique des puissances occidentales, représentent une menace majeure pour l’intégrité territoriale et la stabilité de l’Algérie. La convergence entre les objectifs séparatistes locaux et l’agenda international, avec le soutien potentiel des organisations humanitaires et des réseaux de la diaspora, crée un risque réel de fragmentation et de déstabilisation.

La vigilance, la médiation proactive et l’inclusion des communautés locales restent les clés pour protéger la souveraineté nationale, sécuriser les ressources stratégiques et prévenir toute escalade susceptible de fragiliser la paix et l’unité nationale.

Mamadou Sissoko

Analyste politique indépendant

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