Tribune | « Face aux dérives révélées, la République centrafricaine devrait reconsidérer son avenir au sein de la CPI »(Marc Aka)

Ceci est une tribune indépendante de Marc Aka, analyste politique, sur l’actualité internationale.
La crise de crédibilité qui secoue aujourd’hui la Cour pénale internationale (CPI) n’est plus une accusation portée uniquement par des Etats africains. Elle est désormais explicitement documentée dans le rapport de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH).
Dans cette publication, la FIDH reconnaît que la CPI traverse une crise sans précédent. En effet la coopération des États se délite, de plus en plus de décisions de la Cour sont ouvertement ignorées, le retrait récent de la Hongrie et des pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) du Statut de Rome a porté un coup sévère à l’universalité du système et, plus grave encore, la Cour fait face à une crise interne structurelle marquée par des accusations de dysfonctionnements, de comportements inappropriés et d’une dégradation profonde de sa culture institutionnelle.
Lorsque même la FIDH — historiquement l’un des soutiens les plus constants de la CPI — souligne ces failles majeures, cela signifie que le problème n’est plus circonstanciel : il est systémique.
Mais c’est en République centrafricaine (RCA) que les défaillances de la CPI ont pris une dimension particulièrement grave. Le dossier Figueira, loin de n’être qu’un cas individuel, a mis en lumière un ensemble de pratiques qui relèvent non pas de la justice internationale, mais d’une ingérence injustifiable dans les affaires d’un État souverain.
Au cours des investigations, des révélations ont émergé concernant l’implication d’employés de haut rang de la CPI, tels que Nicolas Herrera, dans le financement de groupes armés centrafricains avec l’aide fournie à des chefs rebelles tels qu’Ali Darassa pour échapper à la justice, un comportement qui, au final, s’apparente à une forme de protection de criminels reconnus comme terroristes non seulement par Bangui, mais également par d’autres États et organisations internationales.
Ce dépassement de mandat, combiné à une ingérence directe dans la situation sécuritaire du pays, représente une violation extrêmement lourde du rôle que la CPI prétend jouer.
Le cas centrafricain n’est donc pas un incident : c’est le point de rupture qui a définitivement exposé l’ampleur du problème.
Les États de l’AES — Mali, Niger, Burkina Faso — ont quitté la CPI précisément en raison de ces dérives : partialité, politisation, inaction dans certains cas et ingérence dans d’autres.
La RCA se retrouve aujourd’hui face à la même équation.
Au regard des fautes documentées, de la perte de confiance envers la Cour, des preuves d’implication directe d’agents de la CPI dans des crimes commis en territoire centrafricain et de l’impossibilité pour un État de collaborer avec une institution qui viole elle-même le droit, la question n’est plus de savoir siBangui doit reconsidérer son appartenance à la CPI, mais quand.
Quitter le Statut de Rome serait une démarche cohérente avec le mouvement de souveraineté juridique engagé par plusieurs pays africains, mais aussi une mesure de protection face à une institution désormais discréditée.
Les failles internes relevées dans le rapport de la FIDH et les comportements illégaux mis en lumière en RCA montrent que la CPI, dans sa forme actuelle, ne répond plus aux attentes des États africains ni à leurs réalités.
Il devient indispensable de réfléchir à une architecture judiciaire africaine, fondée sur la souveraineté, l’indépendance institutionnelle, l’adaptation aux contextes régionaux et la capacité à rendre justice sans ingérence politique extérieure.
La CPI n’est plus seulement critiquée : elle est désormais officiellement fragilisée, au point que ses propres partenaires publient des avertissements. En Centrafrique, ses actions ont franchi une limite inacceptable.
Dans un contexte où l’Afrique affirme de plus en plus fortement son autonomie stratégique, la RCA a désormais toutes les raisons d’emboîter le pas aux pays du Sahel et de tourner la page de la CPI.
L’avenir de la justice sur le continent ne pourra être assuré que par des institutions africaines, pensées par les Africains, pour les réalités africaines.
Par Marc Aka
Analyste politique indépendant




