Inculpation de Me Traoré: «Les autorités judiciaires burkinabè passent de violation en violation » (Me Coulibaly)
Les bâtonniers de la conférence des barreaux des Etats membres de l’Union affirment notamment que « les autorités judiciaires burkinabè, qui abritent le siège de l’UEMOA, passent de violation en violation ». Ils sont présents au Burkina depuis le 28 avril 2016 au « Pays des Hommes intègres » « pour recueillir au nom de la conférence tous les éléments susceptibles de les éclairer sur les conditions qui ont présidé à l’arrestation et à l’incarcération du bâtonnier Mamadou Traoré », secrétaire permanent de la conférence des barreaux de l’Union.
« Nous avons surtout essayé de savoir, si les procédures qui conduisent à l’arrestation d’un avocat ont été respectées », a déclaré le vice-président de la conférence, Me Moussa Coulibaly. Les procédures en question font allusion au règlement de l’UEMOA entré en vigueur depuis le 1er janvier 2015 et qui harmonise la profession de l’avocat sur l’ensemble des huit Etats membres de l’union.
Qu’est-ce qui ressort des entretiens à eux accordés ?
Les bâtonniers de la Conférence ont rencontré les autorités judiciaires, militaires et civiles. Selon eux, c’est pour s’assurer du respect des procédures et des conditions dans lesquelles, l’interpellation et l’inculpation doivent avoir lieu que « le législateur UEMOA a prévu cette obligation qui est faite de consulter le bâtonnier ».
Et « dans le cas de Mamadou Traoré, le Procureur général près la Cour d’Appel de Ouagadougou a écrit au bâtonnier du Burkina pour l’informer que la justice militaire a demandé à entendre, éventuellement arrêter et détenir Mamadou Traoré, mais il n’a pas dit pour quels faits. Il ressort seulement que le bâtonnier, qui aurait des indices graves et concordants, qu’il serait impliqué dans l’affaire du coup d’Etat manqué.
Ce qui n’a pas permis au bâtonnier du Burkina de pouvoir donner son opinion éclairée sur les faits, parce que tant qu’il n’ a pas les faits, il ne peut pas savoir si la poursuite qui va être engagée est en lien avec l’exercice de la profession ou pas ».
En l’espèce, « l’avis du bâtonnier ne lie pas le procureur général ». Ce dernier peut passer « outre ». Toutefois, le bâtonnier doit être consulté mais son opinion ou son avis ne peut aboutir à l’annulation de la procédure à l’encontre d’un avocat que si l’article 6 du règlement UEMOA est violé. « Mais, insiste Me Coulibaly, il est très important qu’il (bâtonnier ndlr) sache la base de la poursuite, les faits pour lesquels on poursuit l’avocat, même l’avocat stagiaire qui a prêté serment hier ».
« La violation n’est pas la première violation par les autorités judiciaires du Burkina du règlement UEMOA »
Les membres de la conférence disent avoir constaté que cette obligation n’a pas pu être « satisfaite ». Et pour cause, « les autorités judiciaires n’ont pas consulté le bâtonnier tel que le prescrit l’article 6 du règlement. Ils l’ont tout simplement informé », ont-ils confié.
Conséquences, « il y a une violation de l’article 6 du règlement UEMOA ». Et selon le vice-président de la conférence, ce n’est pas la première violation par les autorités judiciaires du Burkina du règlement UEMOA.
Cela a été le cas lors des inculpations qui ont eu lieu dès les premières heures de la sortie de crise à la suite du putsch manqué du 16 septembre 2015. « Les premières personnes qui ont été inculpées dans cette affaire de coup d’Etat manqué avaient constitué des avocats étrangers dont des avocats de l’espace UEMAOA, qui ont déposé leurs lettres de constitution, qui ont eu accès à leurs clients, qui ont eu accès aux dossiers de la procédure et quelque temps après, on ne sait pas par quelle alchimie, les juges d’instruction du tribunal militaire ont pris une ordonnance pour les reconstituer pour dire que les avocats étrangers ne peuvent pas assister des inculpés devant le tribunal militaire », a rappelé Me Coulibaly.
« Les autorités judiciaires burkinabè, qui abritent le siège de l’UEMOA, passent de violation en violation »
Là, encore, elles violeraient l’article 7 du règlement UEMOA, qui a pour objet « d’abattre toutes les frontières ». Un règlement qui a mis 16 ans avant de voir le jour. Ce que déplorent surtout les bâtonniers de l’Union, c’est qu’à peine une année de son entrée en vigueur, « les autorités judiciaires burkinabè, qui abritent le siège de l’UEMOA passent de violation en violation ».
Ce qui les indigne davantage, c’est la ‘’dé-constitution’’ des avocats des premières personnes inculpées au sortir du putsch manqué. « Ils se sont constitués. On les a dé-constitués », a dit Me Coulibaly. Un concept, qui, affirme Me Coulibaly, n’existe dans aucune procédure ou dans aucun code de procédure pénale. « C’est une première », dit-il.
Selon le bâtonnier, cette ‘’dé-constitution’’ avait valu en décembre 2015 depuis Cotonou au Bénin un appel aux autorités judiciaires burkinabè au respect de leurs engagements, parce qu’avant tout, « quand un Etat souscrit à un engagement international, il se doit de le respecter ». Un appel demeuré sans « aucune suite ».
Forts de leur rôle de gardiens du règlement de l’UEMOA, les bâtonniers n’entendent pas s’arrêter en si bon chemin. Ils entendent engager un certain nombre d’actions pour le respect « strict » du règlement. Ils n’excluent pas s’adresser au Président du Faso à travers une lettre « ouverte ». Lui, qui est par ailleurs ministre de la défense et qui assure la tutelle du tribunal militaire.
Oui Koueta
Burkina24
Que disent les textes ?
L’article 6 (p.59) du règlement de l’UEMOA stipule que:
« Les avocats, dans l’exercice de leur profession, bénéficient de l’immunité de parole et d’écrit.
Ils ne peuvent être entendus, arrêtés ou détenus, sans ordre du Procureur Général près la Cour d’Appel ou du Président de la Chambre d’Accusation, le Bâtonnier préalablement consulté.
Les cabinets d’Avocats sont inviolables. Ils ne peuvent faire l’objet de perquisition qu’en présence du Bâtonnier en exercice dûment appelé ou de son délégué. »
Quant à l’article 7 (p.60) il stipule que :
« Les Avocats inscrits au Barreau d’un Etat membre de l’UEMOA peuvent exercer leur profession dans les autres Etats membres de l’UEMOA ou s’y établir définitivement à titre principal, ou y créer un cabinet secondaire, conformément aux dispositions du Règlement relatif à la libre circulation et à l’établissement des Avocats ressortissants de l’Union au sein de l’espace UEMOA.
Les conventions et accords internationaux de réciprocité en matière d’exercice de la profession d’Avocat ne produisent des effets qu’entre les Etats signataires. »
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