Education au Burkina : Faire évoluer les écoles primaires pour en faire des collèges
Lagem-Taaba (unissons-nous en langue mooré) est au départ (1985) une école primaire qui a évolué en Collège d’enseignement général (CEG). Elle illustre « une réalité ». Celle du continuum éducatif mis en place au Burkina Faso pour répondre à l’« obligation d’envoyer les enfants à l’école sur au moins 10 ans sans interruption ». Une décision lourde de conséquence, puisqu’il faut en plus des infrastructures, former des enseignants pour assurer la formation des élèves et réduire ainsi le taux d’abandon et d’échec scolaire. Pour assurer la gratuité scolaire pour les enfants de 6 à 16 ans consacrée par l’adoption en 2007 de la loi d’orientation de l’éducation renforcée par la nouvelle politique sectorielle de l’éducation et de la formation (PSEF), le Burkina Faso peut compter parmi ses alliés pour la cause : l’Agence française de développement (AFD).
Le constat, dresse Anne-Marie Sawadogo/Zouré, chargée de mission éducation, formation professionnelle à l’AFD, c’est que « la France a toujours été là ». Elle est présente non seulement parce que le système scolaire est fortement inspiré du système français mais aussi parce qu’elle vient en « appui à l’offre éducative de base » par la construction d’infrastructures depuis 2000. Les chiffres sont parlants. En « partenaire privilégié » des autorités burkinabè pour l’éducation et la formation professionnelle, les appuis de la France via l’AFD entre 2000 et 2016 se chiffrent à un montant de 82,6 millions d’euros dont 85% pour l’éducation de base, 8% pour la formation technique et professionnelle et 6% pour l’enseignement supérieur (2IE).
Et à travers ses financements en cours, l’Agence française de développement vise le développement du préscolaire, (augmenter le taux de scolarisation de 3,9% en 2015 à 7% en 2020), l’achèvement du primaire de 57,9% en 2016 à 75,6% en 2020, la régulation cohérente du flux entre le primaire et le collège tout en assurant la parité fille/garçons, le développement de la formation professionnelle de 8 500 jeunes inscrits en 2016 à 209 000 en 2020 et l’appui à la gouvernance du secteur et le renforcement des capacités des administrations centrales.
Aux côtés des autres partenaires qui apportent leurs contributions à travers le fonds commun multi-bailleurs (France Luxembourg, Autriche, Suisse, Monaco et Taiwan), les acteurs ont opté de « changer leur approche » en apportant leur aide sous la forme d’un appui budgétaire à partir de 2005. En raison de sa « fine connaissance du secteur », l’AFD s’est vue déléguer un fonds du Partenariat mondial pour l’éducation (PME) de 56 millions d’euros en 2013 qui devrait être reconduit en 2018 pour 28,1 millions d’euros. L’objectif visé est celui d’assurer la scolarité de base universelle sur 10 ans et développer la formation professionnelle en adéquation avec les besoins de transformation de l’économie.
Avec le continuum, une émanation de la loi 013-2007/AN du 30 juillet 2007, s’enclenche ainsi un « départ décisif » pour s’assurer que les élèves envoyés à l’école y restent sur au moins 10 ans sans interruption. Une orientation « extrêmement lourde de conditions ». Ainsi, au lieu de 3000 à 4000 salles par an, la construction d’écoles stagnait autour de 1000 par an. Certes, « l’Etat a fait des efforts considérables en 15 ans », relativise Anne Marie-Sawadogo, mais le « défi éducatif énorme à cause de la démographie extrêmement forte » demeure. Des classes sous paillote dans les zones les plus reculées de la capitale, il y en a. Pour autant, « ce n’est pas mauvais en soi » et « c’est déjà une évolution en soi », considère Anne Marie Sawadogo qui ajoute que c’est là « l’expression du besoin ». Tout le contraire dans les régions du Sahel et de l’Est où il existe une « résistance ».
La première difficulté rencontrée sur le terrain lors de la mise en œuvre du continuum, c’est aussi et surtout le manque de salles de classe. Un manque qui conduit à recourir à des « salles d’emprunt » en dehors des sites abritant les écoles primaires devant évoluer pour être constituées en Collège d’enseignement général (CEG). Cela témoigne de « la demande toujours forte », de la « pression sociale forte » et du « succès inédit au CEP (Certificat d’études primaires) » comme en 2014 avec 75% d’admis en sixième. En plus « situation politique tendue » oblige, les infrastructures qui doivent recevoir ces admis n’ont pas été construites.
C’est le cas de l’école Lagem-taaba sise au quartier populaire de La Patte d’Oie, un peu dans le sud de la capitale Ouagadougou et voisine du quartier huppé de Ouaga 2000. Conséquence, il fallait « recenser tout ce qui était salles susceptibles d’accueillir des élèves ». C’est ainsi que Tondé Fatimata en classe de 3ème et ses camarades se sont retrouvés dans un bâtiment du Centre universitaire polytechnique du Burkina Faso (CUPB). Elle est « jusqu’à Karpala ». Et « c’est loin de Ouaga 2000 », dit-elle. Chaque jour de classe, Fatimata, « se lève très tôt, commence à pédaler le vélo vers 6h00, arrive ici (CUPB) vers 6h45 ou 6h50 ».
Dormir sur la natte d’autrui équivaut à dormir à terre
A la rentrée scolaire 2018-2019, constate Lacina Tamboura, directeur du CEG Lagem-taaba, les élèves rejoindront les nouvelles salles de classes construites grâce aux pays qui soutiennent le Partenariat mondial pour l’éducation (PME) dont la supervision a « de nouveau » été confiée à l’AFD. « C’est un ouf de soulagement. Comme le dit l’adage, si on dort sur la natte de quelqu’un, c’est comme si on était à même le sol. C’est une grosse épine de moins de voir ce CEG que nous allons occuper très prochainement », se réjoui-t-il.
Lacina Tamboura n’est pas le seul à jubiler. La directrice de l’école Lagem-taaba A ne cache pas non plus sa joie de voir que la construction des bâtiments est presque achevée. « Nous sommes vraiment contents parce que nos enfants seront sur place à côté de leurs habitations où ils n’auront plus à faire de grandes distances », s’enthousiasme la directrice d’école.
Kaboré Larissa est en classe de CM2. Elle habite « à côté de l’école » et elle désire « rester au CEG. Ce n’est pas loin de ma maison ». Kaboré Brice Alan est en classe CM1. Il habite un peu loin de l’école. Il y va « à pieds » et prend environ 10 à 30 minutes pour y aller. Contrairement à Larissa, une fois le certificat d’Etudes primaire en poche, il souhaite être inscrit dans un autre CEG que Lagem-taaba.
Effectif élevé.
Lagem-taaba, c’est deux écoles primaires avec un effectif de 715 élèves dont 397 filles et 318 garçons. L’école A compte 371 élèves dont 182 filles, 175 garçons et l’école B 284 élèves dont 157 filles, 129 garçons. Les classes les plus surchargées sont celles du CP1 A et du CP2 A (74) et CP2 B (64).
Lagem-taaba, c’est aussi un Collège d’enseignement général (CEG) existant depuis quatre (04) ans mais situé hors de l’école (en raison de l’absence de salles de classes) au Centre universitaire polytechnique (CUPB) dans des « salles d’emprunt » avec un effectif de 237 élèves. Au CEG, l’effectif le plus élevé est celui de la classe de 6ème avec 84 élèves.
Les effectifs des classes de CM2 sont de 40 pour l’école A et de 37 pour l’école B. Avec un taux de réussite de 100% au CEP, tous ces élèves se retrouveront dans une même salle avec un effectif avoisinant les 80 élèves à la rentrée 2018-2019. Pourra-t-elle les contenir tous ? « En tout cas, ce ne sera pas facile » et avec « la gymnastique qu’il (directeur du CEG) fait… », grince la directrice de l’école A. Et Koumbo Ilboudo d’ajouter : « présentement en sixième, l’effectif est lourd ». Ils sont au total 84 élèves dans cette classe.
Pas de locaux administratifs.
Le corps enseignant ne sera cependant pas comblé avec l’offre du CEG de quatre (04) classes. « C’est vrai le CEG est là, les salles de classe existent déjà mais, le véritable problème, c’est qu’il n’y a pas un bloc administratif », revèle Lacina Tamboura, directeur du CEG.
« Beaucoup progresser en termes d’équité »
Une avancée notable, relève la chargée de mission éducation, formation professionnelle de l’AFD, c’est qu’au fil des ans, la situation a évolué avec un progrès en termes d’équité. Il ressort à travers les statistiques qu’au primaire, au cours de l’année scolaire, 2015-2016, 86,1% des enfants d’âge scolaire allaient à l’école (soit 2,87 millions élèves dont 86,4% de filles) contre seulement 46,5% en 2001 (soit 0,94 millions élèves, dont 41% de filles).
Ainsi, en 15 ans, les effectifs scolaires ont quasiment triplé. Cette évolution de pourcentage est également perceptible dans le CEG Lagem-taaba. En classe de troisième, l’effectif est de 43 élèves dont 24 filles et 19 garçons. « C’est le Burkina qui est comme cela », commente Tondé Fatimata. En plus de dominer en effectif, « ce sont les filles qui prennent la tête », ajoute-t-elle tout souriante. Même scénario à l’école primaire dans la classe de Kaboré Larissa. Là aussi, dit-elle, « les filles sont plus nombreuses que les garçons » et « ce sont les filles qui travaillent plus que les garçons ».
Oui Koueta
Burkina24
Nous tenons à vous exprimer notre gratitude pour l'intérêt que vous portez à notre média. Vous pouvez désormais suivre notre chaîne WhatsApp en cliquant sur : Suivre la chaine
Restez connectés pour toutes les dernières informations !
Restez connectés pour toutes les dernières informations !