Alassane Compaoré, le commerçant non-voyant qui défie l’adversité à Ouagadougou

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Dans le quartier Belle-Ville, dans l’arrondissement n°6 de Ouagadougou, une petite boutique se distingue. Ce n’est ni sa taille ni les produits qui attirent l’attention, mais bien la personne qui la tient. Non-voyant, Alassane Compaoré a su briser les barrières liées au handicap pour s’imposer comme un commerçant respecté et apprécié. En plus de sa boutique, il gère un kiosque. Son parcours force l’admiration, et son entourage témoigne de son courage ainsi que de la force de sa volonté. À ses côtés, son épouse incarne la collaboration et la résilience : elle partage son temps entre l’assistance à la boutique et sa propre activité de tissage et de commercialisation de pagnes Faso Danfani… 

Non-voyant mais incroyablement déterminé, Alassane Compaoré défie chaque jour les limites imposées par son handicap. À travers sa boutique et son kiosque à Ouagadougou, il montre que la volonté et le courage peuvent ouvrir des chemins que les yeux ne voient pas.

Le samedi 23 août 2025, aux environs de 14 heures, nous rencontrons Alassane Compaoré. Assis dans sa boutique, au cœur du quartier Belle-Ville à Ouagadougou, il attend ses clients.

Homme de taille moyenne, au teint pas trop noir, vêtu d’un boubou et portant des lunettes de soleil, rien ne le distingue, à première vue, des autres commerçants du quartier. C’est seulement à travers certains gestes que l’on réalise qu’il est non-voyant. L’année 2014/2015, quant à elle, reste gravée dans sa mémoire.

Alassane Compaoré, un non-voyant qui gère sa propre boutique avec une volonté de fer

Ce n’était pas un accident brutal, mais une descente progressive et silencieuse vers l’obscurité. Tel un mauvais sort !

Tout a commencé une nuit, avec une sensation qu’il n’a jamais oubliée. « C’est entre 2014 et 2015 que j’ai eu cet accident. C’était un soir, vers 20 heures, je sentais mes yeux bizarres, comme s’il y avait du piment », se souvient Alassane Compaoré.

Mais son calvaire ne s’est pas arrêté là. Au petit matin, il s’est réveillé avec le corps couvert de boutons. Transporté d’urgence à l’hôpital, les médecins se sont concentrés sur la guérison de son corps, sans prêter attention à l’état de ses yeux. En quelques semaines, l’inévitable s’est produit : il a perdu la vue.

Dans une tentative désespérée de retrouver la lumière, Alassane a subi une intervention chirurgicale. Pendant un temps, l’espoir a semblé renaître. Malheureusement, la maladie a repris ses droits. Aujourd’hui, il vit dans le noir.

Alassane Compaoré démontre jour après jour que le courage et la détermination peuvent surmonter l’adversité

Avant de devenir boutiquier, Alassane Compaoré, aujourd’hui âgé de la trentaine, portait déjà en lui un esprit d’entrepreneur. Marié depuis 2013 et père de deux enfants, il a débuté son parcours comme vendeur ambulant. Dans les rues, il proposait des dattes, des colas et des lampes de poche.

Malgré son handicap, Alassane vend et encaisse avec aisance

Malgré les difficultés, Alassane Compaoré a persévéré. Dès 2006, il est devenu propriétaire d’une boutique. Confronté aux aléas de la vie d’entrepreneur, son parcours témoigne de sa résilience et de sa détermination à réussir.

Face à l’adversité, il n’a jamais baissé les bras. Loin de s’apitoyer sur son sort, il a puisé dans son handicap une force, refusant catégoriquement d’en faire une excuse.

Alassane a su repousser les limites du visible. Il a développé de nouvelles techniques pour continuer à servir ses clients. Dans sa boutique, véritable labyrinthe de produits du quotidien ; du savon au sucre, des pâtes au concentré de tomates ; il se déplace avec une étonnante aisance. C’est ici, au milieu des étagères pleines, qu’il démontre chaque jour que la volonté peut voir bien plus loin que les yeux.

Le toucher, un sens devenu un outil de travail. Alassane Compaoré navigue dans sa boutique avec une aisance

Aujourd’hui, Alassane Compaoré peut compter sur le soutien de son épouse et de ses amis. Ce réseau constitue pour lui un véritable moteur. « Ce sont des amis avec qui je me promenais pour vendre qui me viennent en aide souvent. Sinon, concernant la famille, c’est compliqué, car il y a des gens qui n’ont pas envie de me voir », confie-t-il.

Chaque jour, il ouvre sa boutique avec l’espoir de faire mieux que la veille. Il connaît l’emplacement de chaque article au toucher : sa mémoire est son meilleur outil. Son sens de l’orientation dans ce petit espace impressionne. Ses clients parlent d’un homme organisé, courageux et toujours prêt à servir avec le sourire.

Au-delà de la vente, il gère son stock, encaisse et fidélise sa clientèle. Pour l’approvisionnement, il s’appuie sur son fils ou fait livrer les marchandises. Grâce à sa boutique, Alassane Compaoré a réussi à acquérir une parcelle, sa plus grande fierté à ce jour. « Ma fierté est l’achat de ma parcelle grâce à ma boutique. Juste que je n’ai pas encore l’argent pour la construction », dit-il.

Son rêve désormais est de transformer sa modeste boutique en une grande alimentation. Derrière chaque personne en situation de handicap qui entreprend se cache souvent une force silencieuse : la famille.

Alimata, le pilier de Alassane Compaoré, dans ses activités de tissage

Dans le cas d’Alassane, son épouse joue un rôle essentiel. Nous l’avons rencontrée pour en savoir plus sur son implication, ses défis, mais aussi la fierté qu’elle tire du parcours de son mari.

Chaque matin et chaque soir, elle se tient à ses côtés pour l’aider à servir les clients et assurer la bonne marche de la boutique. Mais son rôle ne s’arrête pas là. Une fois son époux assisté, elle se consacre à sa propre activité : le tissage et la commercialisation des pagnes traditionnels Faso Danfani.

Loin d’être un simple passe-temps, cette entreprise constitue une source de revenus pour le couple, un véritable filet de sécurité face aux difficultés financières.

Alimata est aussi le remède aux moments de doute. Par sa force morale et ses encouragements, elle redonne espoir à son mari. « Souvent, son état de santé nous décourage tous. Mais je le réconforte et je lui demande de tout remettre entre les mains de Dieu », confie-t-elle.

La conjointe d’Alassane Compaoré ne cache pas sa fierté de voir son époux se battre malgré son handicap. Elle se fait volontiers porte-voix des personnes en situation de handicap : « Si une personne handicapée peut avoir une activité qui lui permettra de s’en sortir, qu’elle le fasse. De nos jours, on ne doit pas rester sans rien faire », insiste Alimata.

Karim Zongo est un client fidèle d’Alassane Compaoré et un témoin de son courage

Client fidèle, Karim Zongo est un témoin privilégié du courage d’Alassane Compaoré. Pour lui, son parcours est une véritable leçon de vie. « Malgré son handicap, il arrive à gérer ses affaires, à tenir sa boutique, à servir les clients et à rendre la monnaie sans difficulté », confie M. Zongo.

Il souligne également l’accueil chaleureux et le professionnalisme de l’homme : « Le handicap n’influence en rien la qualité des services d’Alassane », assure-t-il.

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Notre rencontre avec Alassane Compaoré touche à sa fin. Alors que nous nous préparons à partir, il se remet à l’écoute du quartier, prêt à accueillir ses prochains clients grâce à ce sixième sens qui lui est si particulier.

C’est ici, dans ce modeste espace, qu’il continue de prouver, jour après jour, que le plus grand obstacle n’est jamais le handicap, mais le manque de volonté.

Mahoua SANOGO (Stagiaire) 

Burkina 24  

Rédaction B24

L'actualité du Burkina 24h/24.

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