Etude : L’arbitrage et la médiation comme modes alternatifs de règlement de litiges contractuels de consommation dans l’espace OHADA

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Ceci est une étude de TRAORE Abdoul Karim, Docteur en droit privé, intitulée « L’arbitrage et la médiation comme modes alternatifs de règlement de litiges contractuels de consommation dans l’espace OHADA ».

Les modes alternatifs de règlement des différends ou de litiges sont des processus de négociation, dont le but est de recueillir l’adhésion des parties en litige à un accord qui tend à résoudre leurs différends, grâce à l’intervention d’un tiers neutre et indépendant. Ce sont donc, des processus de négociation entamés par les parties avec le concours d’une tierce personne afin de trouver un terrain d’entente[1]. L’existence d’une opposition entre les parties est une condition indispensable pour avoir recours aux modes alternatifs de règlement de litiges. Alternativement ou cumulativement, les parties peuvent chercher à écarter le litige, le contentieux ou particulièrement le contentieux judiciaire[2]. L’OHADA prévoit alors, des procédés alternatifs de règlement des litiges contractuels, que sont l’arbitrage, la médiation.

I- L’arbitrage

Toute personne physique ou morale peut recourir à l’arbitrage sur les droits dont elle a la libre disposition[3]. L’arbitrage est un mode de règlement des litiges faisant intervenir un tiers choisi par les parties, l’arbitre, qui tranche le conflit en amiable compositeur. Il statue en équité. L’arbitre rend une décision juridictionnelle, qui s’impose, par conséquent, aux parties. Le recours à l’arbitrage peut se faire de deux manières.

D’abord, il peut être organisé antérieurement à la naissance de tout litige. En effet, les parties cocontractantes peuvent insérer dans le contrat une clause compromissoire, par laquelle elles s’engagent à soumettre à l’arbitrage, les litiges qui pourraient naître relativement à ce contrat. Le recours à l’arbitrage peut également se faire postérieurement à la naissance d’un litige par le biais d’un compromis. Le compromis d’arbitrage, quant à lui, est la convention par laquelle les parties à un litige né soumettent celui-ci à l’arbitrage, plutôt qu’au tribunal.

Le cadre juridique de ce MARC est constitué de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, le règlement d’arbitrage de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), qui interprète et applique le droit Uniforme, ainsi que les Décision n°004/99/CCJA du 3 février 1999 relative aux frais d’arbitrage et Décision n° 004/99/CM du 12 mars 1999 portant approbation de la décision n° 004/99/CCJA, relative aux frais d’arbitrage, sans oublier le préambule du Traité du 17 octobre 1993 relatif à l’harmonisation des droits en Afrique qui affirme dans son article 1er , le désir des pays signataires de promouvoir l’arbitrage comme instrument de règlement des différends contractuels. Il faut aussi ajouter l’article 278 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général.

La particularité de l’Acte uniforme est de ne pas limiter l’arbitrage aux litiges commerciaux ou professionnels. Ainsi, toute personne peut recourir à l’arbitrage sur des droits dont elle a la libre disposition[4]. Cela signifie que tout différend, même celui relatif à la consommation, peut être soumis à l’arbitrage à condition qu’il ne porte pas sur des droits qui nécessitent l’intervention d’une autorité publique. L’OHADA a donc pris en compte l’engouement mondial pour l’arbitrage dans les conflits liés aux transactions commerciales internationales. Cependant, l’arbitrage est aussi critiqué pour son coût et ses délais, ce qui a favorisé le développement d’autres modes alternatifs de résolution des conflits, notamment, la médiation.

II- La médiation

L’OHADA s’est dotée d’un acte uniforme relatif à la médiation (AUM) le 27 novembre 2017[5]. Selon l’AUM la médiation désigne un processus de règlement de litiges basé sur l’intervention d’un tiers neutre, dont le rôle est, avec l’accord des parties, de les rapprocher et de les aider à trouver une solution satisfaisante et équitable, sans jamais les obliger en rien. Elle est devenue ces derniers temps, un mode privilégié de règlement extrajudiciaire des litiges, et ce, dans toutes les matières dans l’espace OHADA.

En effet, elle suscite un véritable engouement, elle est à la mode, notamment dans le domaine des affaires. Cependant, selon Jean-Pierre BONAFE-SCMITT :   «La médiation n’est pas un phénomène nouveau, ce mode de résolution des conflits a toujours existé, mais ce qui est nouveau c’est que la redécouverte de celui-ci s’inscrit dans une crise profonde des systèmes judiciaires de régulation des litiges. En effet, l’institution judiciaire, en raison de son formalisme, de sa lenteur, de son coût, de sa distance, connaît de plus en plus de difficultés pour réguler l’ensemble des conflits et prendre en compte l’évolution et la complexité des rapports sociaux».[6]

En effet, les avantages de la médiation en droit des affaires sont multiples. Elle offre une solution rapide, puisqu’il ne s’agit pas d’instruire une cause, mais, d’offrir aux parties la possibilité de comprendre quels sont les intérêts en présence et de concilier ceux-ci, en trouvant une solution judicieuse et créative adaptée à leurs besoins. Au-delà de sa rapidité, le processus de médiation, au lieu d’opposer les parties et de donner raison nécessairement à l’une ou à l’autre, place le débat sur un plan commercial en cherchant le bénéfice de chacun plutôt que la condamnation de l’autre. Un des autres avantages majeurs de la médiation réside dans son coût modéré. Les budgets consacrés à la conduite de procès sont, en effet, en constante inflation, tant en raison de leur multiplication que de leur complexité croissante.

Par opposition au processus judiciaire, la médiation est un processus dont les parties sont les acteurs principaux. Même s’il est préférable que les parties soient accompagnées d’un avocat, ce qui constitue un coût, et bien que le médiateur doive être rémunéré aussi et que plusieurs séances de médiation soient nécessaires pour parvenir à une solution, les sommes dépensées ne seront en rien comparables au prix d’un procès judiciaire ou arbitral. Le dernier avantage de la médiation à mentionner est celui de la confidentialité.

Depuis quelques années, l’hyper médiatisation des “affaires” a mis le risque d’image ou de réputation au centre des préoccupations des sociétés et nombre d’entre elles préfèrent résoudre leurs litiges hors des prétoires, et loin des feux de l’actualité. Cela est particulièrement vrai, pour les affaires bancaires et financières dont l’essence même est la discrétion. L’intervention d’un médiateur est d’autant plus recherchée que les parties sont unies pour le meilleur et pour le pire.

C’est notamment, le cas entre deux associés, une entreprise et son sous- traitant, un distributeur et son producteur[7]. La médiation offre alors une solution décente parce qu’elle consiste pour une des parties à inviter l’autre à la médiation, sans qu’aucune d’entre elles se voient imposer une décision. Il s’agit, juste d’une invitation de la partie la plus diligente à « négocier ». Elle présente un avantage significatif pour le consommateur, qui est confronté au coût et à la complexité des procédures judiciaires. Toutefois, la médiation ne doit pas consister à écarter les autres moyens de résolution.

L’OHADA prévoit alors, des procédés alternatifs de règlement des litiges contractuels, notamment, l’arbitrage et la médiation. Contrairement à la médiation prévue par l’AUM de l’OHADA[8], en droit français, le consommateur a le droit de recourir gratuitement à un médiateur de la consommation pour résoudre de façon amiable le litige qui l’oppose à un professionnel.

Le professionnel doit, alors, obligatoirement garantir au consommateur, le recours effectif à un dispositif de médiation de la consommation, soit par la mise en place d’un dispositif de médiation de la consommation, soit par la proposition au consommateur de recourir à tout autre médiateur de la consommation[9]. L’arbitrage et la médiation s’offrent alors aux professionnels et consommateurs de l’espace OHADA pour régler leur différend contractuel, autrement que par la voie judiciaire. Les modes alternatifs de règlement de litiges sont donc des modes de résolution extrajudiciaires bien connus dans notre système OHADA, mais, ils doivent également, comme dans les pays développés, se développer et s’adapter pour pouvoir faire face aux nouveaux conflits liés à internet.

                                                                                                   Par TRAORE Abdoul Karim

                                                                                                          Docteur en droit privé

[1]Dans son analyse sur les modalités de traitement du litige, le Professeur Pierre MEYER se réfère à des critères de distinction des modes de règlement par un tiers. Pour lui, si les parties ont conféré au tiers un pouvoir juridictionnel qui, en s’exerçant, videra le litige en les départageant, nous sommes en présence d’un arbitrage. Si au contraire, la mission du tiers ne consiste pas à statuer, mais à suggérer un règlement qui recueille l’adhésion des parties, nous sommes en présence d’un règlement amiable[1] qui peut être la transaction, la conciliation, la médiation.

[2]TSAKADI (K.), «  Quelle  place  pour  les  MARC   dans  l’harmonisation  du  droit  OHADA  des  contrats ? » Communication écrite préparée pour les Actes du Colloque sur “L’harmonisation du droit OHADA des contrats” tenu à Ouagadougou (Burkina Faso) du 15 au 17 novembre 2007, ayant notamment pour objet la discussion de l’avant-projet d’Acte uniforme OHADA sur le droit des contrats (2005) élaboré par UNIDROIT à la demande de l’OHADA. Ce texte, ainsi que la Note explicative y relative rédigée par le Professeur Marcel FONTAINE sont accessibles sur le site Internet d’UNIDROIT (<http://www.unidroit.org>) et sont reproduits en annexe au présent volume.

[3]Art. 2 de l’Acte Uniforme portant sur le droit de l’arbitrage.

[4]Il s’agit là d’une disposition qui favorise l’accès à la justice (Art. 2 de l’Acte uniforme relatif à l’arbitrage).

[5]Le texte comporte 18 articles repartis en trois (03) chapitres. Le dispositif apporte des précisions sur le médiateur et la procédure de médiation.

[6]BONAFE-SCMITT (J. P.), La Médiation : une justice douce, Paris, Syros-Alternatives, 1992, p. 16.

[7]TSAKADI (K.), op.cit.

[8]Le médiateur perçoit des honoraires qui sont fixés, soit par les parties, soit par le tribunal lorsque la médiation est judiciaire, soit conformément au barème de l’institution arbitrale choisie par les partie.

[9]Art. L. 612-1 et s. Code de consommation français.

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