Ciné Wemtenga : « Il faudrait que la salle arrive à se nourrir », Zakaria Gnégné
La salle de projection cinématographique du quartier Wemtenga de Ouagadougou, communément appelée ciné Wemtenga, a été construite sous l’ère de la révolution, comme beaucoup d’autres salles de projection, pour rapprocher le cinéma du peuple. Depuis les années 1987, elle accueillait la clientèle à raison de deux séances par jour. De nos jours, il arrive que les projections soient séparées de plusieurs mois et le ciné Wemtenga s’est même transformé en salle de spectacles. Tout simplement.
Aujourd’hui, c’est un coin calme, avec aux alentours des boutiques, des kiosques, ateliers de soudure et de couture. Le regard des riverains s’illumine lorsqu’ils parlent du ciné Wemtenga d’antan.
«La salle profitait à beaucoup de gens. Il s’est développé de petits commerces, rentables aux restauratrices, tabliers, cireurs de chaussures et autres», témoigne un riverain rempli de nostalgie. Le gérant de la salle affirme qu’en 2006, il travaillait avec 8 personnes qui arrivaient à subvenir aux besoins de leurs familles de 5 à 7 enfants.
«Lorsque la salle n’ouvrait plus régulièrement, ma mère qui vendait de la nourriture a été obligée de rester à la maison», ajoute le riverain avec amertume.
D’autres, par contre, soutiennent n’avoir jamais été satisfaits des services du ciné Wemtenga. Ils relèvent les mauvaises conditions de la salle. «Non seulement c’était cher (500f), et ce n’était pas couvert», lance ce riverain.
Il explique que lorsqu’il pleuvait, il était obligé de quitter la salle avant la fin du film. De plus, cette salle ternissait son «image» selon ses dires, parce qu’il ne pouvait pas y amener sa copine au risque de se faire ridiculiser.
Ciné Wemtenga agonise
Petit à petit, ciné Wemtenga abandonne ses projections régulières. La salle n’est désormais ouverte que lorsqu’il y a un nouveau film, des spectacles humoristiques, théâtraux, musicaux, ou des défilés de mode.
Elle est polyvalente à présent. Zakaria Gnégné a la salle de ciné Wemtenga en location-gérance depuis le 1er mai 2004 auprès de la municipalité de Ouagadougou. Au cours d’une interview le 27 août dernier, il a expliqué les péripéties de ciné Wemtenga.
«Les entrées ont baissé, malheureusement, les charges n’ont pas baissé», se défend-t-il, en soulignant que la baisse de clientèle conditionne celle des recettes, pour faire face aux charges qui ne cessent d’augmenter. Il s’agit des arriérés qu’il doit à la mairie de Ouagadougou et des factures impayées d’électricité, chères à cause des compteurs à 3 fils qu’utilisait la salle depuis son ouverture, avec le 33 millimètres.
Revenant à la projection du numérique à l’aide du vidéo projecteur, il a souscrit à un compteur de 3 ampères, à consommation réduite, qu’il ne peut avoir, avant d’avoir épongé ses dettes à la nationale d’électricité.
Il ajoute avoir travaillé pendant 3 mois avec un groupe électrogène qu’il a dû abandonner à cause des coûts de location élevés et de son vidéo projecteur défectueux.
Il avoue avoir voulu à un certain moment éduquer les enfants du primaire et du secondaire à travers le cinéma. La difficulté à ce niveau est qu’après la projection, les enfants doivent attendre que leurs parents viennent les chercher alors qu’ils sont fatigués.
N’ayant pas bénéficié d’un financement de 100 millions de F CFA de sa banque en 2006, son projet tombe à l’eau.
Mais le problème ne vient pas que de l’interne. Il désigne également la politique nationale de distribution du cinéma.
La politique actuelle de distribution menace la survie des petites salles
«La baisse de la clientèle n’est autre que la politique de distribution au Burkina Faso», soutient Zakaria Gnégné. Selon lui, au Burkina on parle de réalisation et d’exploitation, mais la distribution qui constitue la courroie de transmission entre les deux chaines citées fait défaut. Et bien que les cinéphiles demandent maintenant de la production burkinabé et africaine au détriment de celles occidentales et asiatiques, la production est faible.
C’est ce qui pousse les distributeurs à donner la priorité aux grandes salles de production, telles que le ciné Nerwaya et le Ciné Burkina qui le monopolisent pendant 2 à 3 mois.
« Vous attendrez 5 ou 6 mois, avant que ça n’arrive dans les petites salles », pendant que la fièvre promotionnelle est tombée, constate, amer, Gnégné. La promotion pour attirer la clientèle dans ces « petites salles » coûte cher, sans compter que le scénariste est souvent réalisateur, producteur, et veut être distributeur, voire être exploitant.
La confusion des rôles crée du désordre alors qu’un distributeur de profession pourrait faire profiter une bonne promotion au film partout au Burkina, suggère le gérant du Ciné Wemtenga.
En ce qui concerne l’accompagnement du public, c’est avec amertume qu’il constate que le budget alloué à la direction nationale de la cinématographie est si insignifiant, qu’il ne peut assurer une seule bonne production, encore moins soutenir les salles de projection.
Néanmoins, il est en négociation avec cette direction, afin d’avoir de l’aide dans le payement des arriérés de location à la mairie.
Son cri de cœur, il le lance à l’État et à toutes les bonnes volontés qui peuvent aider le cinéma burkinabé.
« Il faudrait que la salle arrive à se nourrir. Il faut accompagner la culture, le cinéma burkinabé, surtout que nous sommes la capitale du cinéma africain, beaucoup de pays nous envient pour cela », recommande-t-il, en soulignant que dans les grands pays industrialisés, le cinéma occupe les premières loges de l’économie du pays. C’est donc une industrie, une source d’économie à gagner.
Mouniratou LOUGUE
Burkina24
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