Burkina : Pourquoi les policiers sont-ils en grève ?
Le 19 octobre 2017, lors de sa conférence de presse, l’Union police nationale (UNAPOL), le syndicat de la Police nationale, annonçait une méthode de lutte syndicale « révolutionnaire » si sa plateforme revendicative ne connaissait pas de satisfaction. Est-ce cette méthode qui est en branle depuis deux jours presque dans toutes les villes du Burkina ? Une chose est sûre, les populations ne voient plus, par exemple, des policiers sillonner la ville de Ouagadougou.
Les carrefours sont vides de policiers. Plus de patrouilles dans la ville et ce depuis le 25 octobre 2017. Tout le monde a été relevé. Dans les commissariats, pas de légalisation ni constat en cas d’accident. Là, il s’agit de la ville de Ouahigouya. Selon les confidences d’un policier exerçant dans cette localité, ses frères d’armes « ne font plus rien (et) il n’y a pas de date pour mettre fin à la grève ».
Aussi, confie-t-il, la même scène se déroule à Dédougou. Depuis « hier soir (jeudi 26 octobre 2017, ndlr) ils sont entrés dans la danse ». Sans tambours ni trompette, à Ouagadougou, les policiers se sont également évaporés, abandonnant les postes de garde dans les banques, les ministères, les résidences des ambassadeurs, et même au niveau des ambassades, les gardes ont été levées.
Au commissariat central de Ouagadougou, le débrayage est intégral, nous confie un policier. Le service consacré aux accidents est aux arrêts, de même que la Police secours (17). En vain, Burkina 24 a tenté d’entrer en contact avec les responsables de l’UNAPOL. Mais en se remémorant les mots du secrétaire général du syndicat de la Police, est-ce là les méthodes fortes qu’il promettait en cas de non satisfaction de leur plateforme ?
Incident ?
Le mouvement de débrayage quasi instantané, selon certaines confidences, de 72 heures à compter du 25 octobre 2017, a contraint le ministre de la communication à produire un communiqué dans lequel il appelle les policiers « à reprendre leurs postes et à regagner les casernes ». Mais pour le moment, la suspension des services de la Police nationale semble intégrale à en croire les révélations d’un policier. Seuls les postes frontaliers sont gardés et seuls « les éléments qui sont sous la coupe du DG de la police, les éléments de SECU-CAB (sécurité du cabinet du DG) sont sur le terrain. Mais ils ne sont pas nombreux », relate-t-il sous anonymat.
A ce propos, avec ces derniers, un affrontement a failli avoir lieu « ce soir (vendredi 27 octobre 2017, ndlr». « La BAC (Brigade anti-criminalité), les CRS (éléments de la Compagnie républicaine de sécurité) tournent pour voir si [le mot d’ordre de grève est] respecté. [Ils ont] trouvé des gens au niveau de certains services », mais la solidarité de corps a prévalu, explique un autre policier. « Ils ont compris et ils (les éléments en garde) sont partis ».
« Simon (Compaoré) menace nos gradés devant nous »
Les policiers, de l’avis de ceux que Burkina 24 a pu rencontrer depuis le début du débrayage, disent avoir conscience de fragiliser le dispositif sécuritaire en agissant ainsi. « Mais nous n’avons pas le choix. Nous avons maintes fois attiré l’attention du ministre de la sécurité et à tout moment, ce sont des mal-causes. Nous ne sommes pas ses enfants, nous sommes ses collaborateurs », indique l’un d’eux, visiblement très remonté contre son ministre. « Le vrai problème, nous n’avons pas de matériel, dit-il en haussant le ton. Les munitions pourrissent dans les magasins d’armement. Ils ne veulent pas nous donner ».
Des revendications posées par le syndicat de la Police, un des interlocuteurs de Burkina 24 relate que le premier combat, ce n’est pas l’argent, « c’est quand tu es en vie que tu peux chercher l’argent » argue-t-il. « Nous voulons d’abord le matériel, poursuit-il. Après, on veut le respect de notre ministre de tutelle. Simon (Compaoré) menace nos gradés devant nous. Ce ne sont pas ses enfants ».
Et tout porte à croire que le tenue du Forum national sur la sécurité n’a pas manqué de jeter de l’huile sur le feu. Les Policiers rencontrés trouvent en cette activité qui doit aboutir à l’élaboration d’une Politique nationale de sécurité, de « l’argent jeté par la fenêtre ».
Depuis le début de cette grève, l’UNAPOL, le syndicat de la Police n’a pas communiqué et il est pratiquement impossible d’entrer en contact avec les premiers responsables. La communication avec les autorités est-elle interrompue ? De sources policières, des négociations seraient entamées par des autorités coutumières. Mais les jours à venir situeront peut-être mieux les Burkinabè.
Ignace Ismaël NABOLE
Burkina 24
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