Burkina Faso : un enjeu stratégique pour la coalition

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Le Burkina-Faso est peut-être l’élément le plus fragile du G5 Sahel même si le cœur de son territoire demeure solide. Quelques éléments sont aujourd’hui encourageants, mais son combat sur deux fronts, ses rivalités ethniques internes et la faiblesse de son administration en a fait l’un des points focaux du sommet de Nouakchott

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La France, le G5 et la coalition pour le sahel l’ont reconnu : le Burkina-Faso est actuellement le maillon faible de la sous-région et, dès lors, le pays le plus exposé à la déstabilisation djihadiste. C’est pourquoi le sommet de Nouakchott en a fait l’un de ses principaux enjeux pour les mois à venir. Et pour cause, l’importance du pays est stratégique dans la mesure où sa tenue empêche les Groupes Armés Terroristes (GAT) de s’ouvrir un couloir vers le littoral et notamment la Côte d’Ivoire (mais aussi le Bénin, le Togo, le Ghana…). Une telle éventualité entrainerait une métastase de la menace terroriste et s’avèrerait catastrophique. Gardons-nous cependant d’être trop pessimistes. Le Burkina-Faso tient toujours et profite de manière croissante de la présence de l’opération Barkhane. De plus, il fera partie des pays prioritaires à la réception des programmes d’investissement prioritaires (PIP) de la coalition.

Tenir le terrain

Les djihadistes sont implantés essentiellement dans le Nord et l’Est du pays. Cette zone est de plein pied dans la région dite des trois frontières dans laquelle opère Barkhane. Si on observe une relative polarisation des opérations dans les parties maliennes et nigériennes, l’accélération du tempo des attaques de la coalition a bien concerné le territoire Burkinabé. A titre d’exemple on peut citer les assaut aériens et aéroterrestres des 5 et 9 mars ayant conduits à la neutralisation de nombreux terroristes dans l’Oudalan et la destruction d’un campement important. En outre, l’armée Burkinabé a su profiter des conseils et formations prodiguées par la France. A ce titre les forces burkinabés sont parvenus à démanteler, dans une autonomie relative, des bases des GAT à Tanwalbougou et Oursi (juin 2020). Aujourd’hui les terroristes de l’EIGS se voient entraver leur liberté d’action et sont contraints de s’adapter en permanence : en somme la peur a changé de camp. De ce point de vue la force Barkhane a pour le moment rempli son contrat opérationnel en empêchant le basculement territorial définitif voulus par l’EIGS. Cependant, s’il reste encore beaucoup à faire pour l’armée française, des résultats à long terme ne pourront être tenus que si le Burkina joue le jeu de la réforme structurelle de ses armées.

Apaiser les tensions inter-ethniques

Plus que la force intrinsèque des GAT, c’est leur capacité à instrumentaliser les querelles ethniques du Burkina, notamment entre agriculteurs Mossi et les pasteurs Peuls (et dans une moindre mesure, Imghads et nomades Kel-tamashek). En jouant sur des querelles plurimillénaires ils s’assurent des sources de recrutement, de ravitaillement voire des trafics lucratifs. Cette dissolution dans un corps social élargi leur permet la clandestinité et la fugacité. Un état de fait rendant difficile la discrimination des cibles et encourageant les soldats à faire preuve d’une fermeté parfois injustifiée envers des civils. Les victimes induites aboutissent à renforcer le recrutement au sein des GAT. Il y a deux réponses à cela : la première est de parvenir à faire monter en puissance les forces de sécurité (renseignement, ciblage, identification des cibles, discipline…) afin de limiter les dégâts collatéraux. L’armée française y parvient déjà et aucune opération menée en coordination avec elle n’a été marquée par des débordements.  En accumulant les victoires, et sans bavures sur les populations, ces dernières reprendront confiance et seront même en mesure de fournir des renseignements.

Il importe également de lutter fermement contre les exactions et exécutions sommaires. On rétorquera que les deux camps sont responsables de crimes de sang. Toutefois le Burkina-Faso comprend une large majorité Mossie (environ 50%), et un recul de l’état dans les zones de peuplement de certaines minorités fait apparaitre les djihadistes comme un recourt voire un moyen de vengeance. Sans retour de l’état et d’une notion d’union nationale transcendant les différences culturelles : aucun apaisement ne sera possible. La Oumma pourrait être à ce titre un facteur coagulant… que pourtant les djihadistes battent largement en brèche. Il faut faire comprendre aux minorités que la protection de leurs intérêts ne passera pas par les djihadistes. D’ailleurs la majorité de leurs cadres sont régulièrement étranger (Maghrébins, Saharaouis, Lybiens…). Les GAT ne voient les minorités que comme un moyen de déstabilisation au service d’objectifs plus vastes. Mais pour convaincre de cela lesdites minorités, les autorités de Ouagadougou doivent envoyer des signaux d’apaisement et de conciliation.

Collaborer pour recréer un tissu national

C’est dans cette optique que, dans un premier temps, l’armée devra augmenter sa collaboration avec la population via des missions CIMIC (Civilian Military Coopération) en prenant l’exemple de l’armée française. Barkhane met en œuvre des projets de développement de première nécessité : puits, maraichages, dispensaires… qui facilitent la stabilisation dans un premier temps. Il s’agit donc de se comporter en compatriote et non en envahisseur, en d’autres termes : « gagner les cœurs ». En second temps, comme prévu par la coalition pour le Sahel (12 juin) et confirmé par Nouakchott (30 juin), le retour progressif de l’état passera par la mise en place de force de polices formées et impartiales (Missions européennes EUCAP) articulées à des instances judiciaires neutres (misions de l’Agence française de développement et de l’alliance Sahel).

Par la suite la région des trois frontières, dont la partie Burkinabé, verra progressivement se déployer la première vague d’aide au développement. Cette aide est conçue selon une nouvelle stratégie de ciblage prioritaire, internationalement coordonnée, définie par la coalition (Programme de développement d’Urgence, Cadres d’Action Prioritaire Intégrés). Jusqu’ici, les différents programmes de développement étaient menés de manière peu coordonnée voire anarchique. Aujourd’hui cette aide à intégrer dans son déploiement, le principe de continuum intime entre sécurité et développement ou plus simplement la planification/synchronisation des actions civiles et militaire. Le Burkina-Faso doit maintenant lui aussi faire preuve de volontarisme en coopérant pleinement et en toute transparence avec l’aide internationale.

Pour conclure, avec le retour de l’Etat reviendra la sécurité qui permettra elle-même le développement. La force Barkhane offre au Burkina-Faso un parapluie lui permettant de ressouder progressivement le pays et de s’autonomiser. Une fois le banditisme, les trafics et les frustrations ethniques dépassées : le djihadisme n’aura plus de terreau pour se développer et ne pourra plus menacer le pays d’effondrement.

Mohammed Kaboul

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