Tribune | « Lutte antiterroriste au Sahel : Vraiment, quittons le populisme pour le réalisme, c’est de vies humaines qu’il s’agit ! »
Ceci est une tribune d’un citoyen, Yinsbila TOUGOUMA, sur l’actualité sécuritaire au Mali.
L’objectif premier de la junte malienne a-t-il fait place désormais à une propagande politique sous fond d’invectives, d’injures voilées et d’accusations faciles ? Pourquoi les militaires ont-ils privilégié les discours provocateurs, sans apport à la situation du Mali, à une véritable lutte contre l’ennemi qui massacre au quotidien les populations ?
Depuis l’attaque du renommé camp de Kati aux portes de Bamako, un défi lancé par les terroristes au pouvoir militaire, selon plusieurs observateurs, Assimi Goïta et ses hommes semblent avoir opté de faire la politique de l’autruche. Et pour cela, la junte a visiblement bien ficelé sa stratégie.
Après quelques mois d’observations du terrain de la lutte, et passé le moment de l’euphorie, la junte a conçu et mis en exécution son plan de rupture de la coopération militaire avec la France. Devenue la risée des nouveaux patrons du Mali, la France est pourtant ce pays qui a été appelée de toutes les forces par Bamako pour stopper la montée fulgurante des groupes armés dès les premières heures. Les éloges en faveur de la France et de son président de l’époque, on en a enregistré à profusion en signe de reconnaissance.
Dans un environnement sous régional où se montrer hostile à la France pour étouffer toute incompétence est devenue monnaie courante, la junte malienne a certainement eu une occasion pour cacher cette réalité selon laquelle, elle ne fait pas mieux que les civils qu’elle a débarqués pour incapacité. Barkhane est effectivement partie, laissant place à l’actualité des attaques sur le terrain.
Il fallait certainement trouver un autre sujet pour détourner les regards du Mali réel : celui de populations assassinées, affamées, violées et violentées. Le film des 49 soldats ivoiriens prendra ainsi le relais avec ses différents épisodes qui se poursuivent jusqu’à aujourd’hui.
Tout cela est bien convoyé par ce discours à la tribune de l’ONU du Premier ministre par intérim de la transition. Au regard de l’accueil fait par une partie de l’opinion africaine à ce discours, il ne sera pas hasardeux de dire que la junte au Mali a réussi à détourner les regards de certains Africains de l’essentiel : la lutte pour la préservation des vies et de l’intégrité territoriale.
« Cela est bien malheureux qu’on veuille troquer la vie des populations maliennes avec des discours populistes sans effets bénéfiques. Quand vont-ils (dirigeants maliens, ndlr) avoir le courage du réalisme ? », s’emporte un analyste politique, spécialiste du Sahel.
C’est très triste que le combat malien soit désormais orienté vers d’autres horizons qui ne sont pas ceux des populations. Les populations maliennes ont besoin de se sécuriser pour pouvoir vaquer tranquillement à leurs activités et assurer leurs pitances quotidiennes. Pas de ces discours pompeux dans des salles feutrées des Nations-Unies qui, au contraire, ne font que rendre difficile la situation pour elles. Tel était-il l’engagement des militaires quand ils arrivaient au pouvoir ? Certainement pas. Mais pourquoi vendre de l’illusion aux populations ?
Dès le départ, les observateurs avertis et objectifs ont expliqué que la junte malienne filait le mauvais coton par son radicalisme envers la France et les partenaires internationaux. A la vérité, qu’est-ce que cela apporte en termes de changements positifs à même d’alléger ces difficultés qui pèsent sur les zones fortement impactées par les actions terroristes ? Rien à se mettre sous la dent.
La situation s’est même empirée avec tous ces rapports d’organisations internationales qui mettent à nu les nombreuses violations des droits humains, la liquidation des populations civiles par l’armée malienne et son partenaire de groupe privé russe, Wagner. Or, les statistiques jusque-là fournies par des structures internationales à son sujet ne sont pas de nature à rassurer.
« Les actions où des civils sont pris pour cibles représentent 52% et 71%, respectivement, des faits de violence politiques commis par le groupe Wagner en République centrafricaine et au Mali. Dans les deux cas, ce taux est supérieur à celui des actions ciblant des civils, attribué aux forces étatiques alliées ou aux groupes rebelles évoluant au sein du même contexte », mentionne le projet Armed ConflictLocation & Event Data Project (ACLED) dans un rapport intitulé « Opérations du groupe Wagner en Afrique : Tendances du ciblage civil en République centrafricaine et au Mali », publié en août 2022.
Toujours selon cette source, après avoir rejoint les forces étatiques pour combattre la Coalition des patriotes pour le changement (CPC) en décembre 2020, le groupe Wagner est devenu l’un des principaux acteurs des faits de violence politique en République centrafricaine. Sur l’ensemble des faits de violence politique recensés par ACLED entre décembre 2020 et mai 2022 en RCA, près de 40% des événements ont vu la participation du groupe Wagner. Pendant cette période, les mercenaires du groupe se sont livrés à des faits de violence politique dans la quasi-totalité des préfectures du pays.
Toute cette hargne pour le départ de la force Barkhane et de certaines forces occidentales du Mali visait-elle donc à mieux se disposer pour faire des massacres de civils ? Il faut un langage de vérité. C’est la seule façon de prendre le bon bout de la lutte. Il faut éviter de vouloir détourner l’attention des populations sahariennes vers des futilités. Les populations meurtries n’ont que foutre de ces discours qui se font applaudir uniquement par des citadins, loin des zones sous pression des actions terroristes.
C’est donc à juste titre, lorsque Moussa Mara (Premier ministre de IBK d’avril 2014 à janvier 2015) déplore un discours au contenu et ton inamicaux vis-à-vis de certains partenaires du Mali, de l’espace sous régional qui « risquent malheureusement de détériorer les relations de bon voisinage avec ces pays ».
Il est aussi juste, lorsqu’il fait remarquer que le temps consacré par les autorités de la transition à répondre aux commentaires, aurait pu être mis à profit pour mettre en évidence les préoccupations concrètes, réelles et fortes des Maliens. C’est certes difficile, mais il faut savoir rester lucide dans les moments difficiles.
Yinsbila TOUGOUMA
Écouter l’article
|
Nous tenons à vous exprimer notre gratitude pour l'intérêt que vous portez à notre média. Vous pouvez désormais suivre notre chaîne WhatsApp en cliquant sur : Suivre la chaine
Restez connectés pour toutes les dernières informations !
Restez connectés pour toutes les dernières informations !
En fait quand on analyse de cette manière, on ne peut que condamner les autorités maliennes. En vous lisant, je voit que vous attaquer les autorités maliennes sans évoquer en amont les discours et les déclarations qui ont prévalu à ce discours devant la tribune des Nations unies que je qualifie de réponses faces aux multiples critiques haineuses dont elles ont été les cibles. C’est assez logique: Action-réaction
En outre vous évoquez la détérioration de la situation sécuritaire malienne sans aucune précison concrète. Partons sur des bases objectives, le nombre d’attaque, les territoires reconquis, les terroristes neutralisés…. épargner nous des questions de droits de l’homme qui ne sont souvent que de la distraction.