De la comptabilité à la terre : Le parcours inspirant d’El Hadj Amado Bougoumpinga
Qui aurait imaginé qu’un expert-comptable, passé maître dans l’art des chiffres et des bilans, finirait par troquer ses chemises bien tirées pour un boubou de paysan et ses logiciels pour une fourche ? El hadj Amado Bougoumpinga, c’est une histoire improbable. Ce parcours hors du commun qui nous emmène des bureaux climatisés aux champs et aux enclos. Portrait !
C’est un fermier accompli du haut de ses 1m85. Dans une démarche lente et sûre, El hadj Amado Bougoumpinga nous accueille dans sa ferme de 26 ha à Koala, à environ 40 km de Ouagadougou dans les profondeurs de la commune rurale de Saaba.
Derrière ce personnage habillé presque en haillon caractéristique du parfait paysan, se cache un intellectuel, un expert en comptabilité. En 2009, les premiers bovins issus de l’insémination voient le jour dans la ferme Bougoumpinga.
Les logiciels de comptabilité et les outils de tenue de livres sont échangés contre des tracteurs et autres machines agricoles. Au lieu de tenir la comptabilité, il veille désormais sur son troupeau et ses plantes. Lui, c’est El hadj Amado Bougoumpinga. “J’ai toujours gardé un attachement avec la terre”, nous avoue cet expert en comptabilité devenu paysan.
Des débuts difficiles quand même
Plus de vingt ans dans le métier de comptable. Plus de 8 dans la société africaine d’électricité, un bref passage dans un cabinet d’expertise comptable, 11 ans à la Société des mines de Taparko en tant que comptable, aujourd’hui, il est reparti à la terre qu’il avoue n’avoir jamais totalement abandonnée.
Après des débuts difficiles qui ont même failli provoquer la démence chez notre expert en comptabilité, aujourd’hui, il tire son épingle du jeu. El hadj Amado Bougoumpinga la cinquantaine révolue, né de parents paysans, selon ses proches, a toujours eu un attachement à la terre.
“Depuis son parcours scolaire qu’il a effectué à Ouagadougou, chaque week-end, après les cours, il revenait toujours aider ses parents dans les travaux champêtres”, nous souffle un de ses proches qui a préféré garder l’anonymat. Une habitude qui ne l’a pas quitté même pendant son parcours professionnel de haut vol.
Oui, il a caressé les hautes sphères du métier de comptable. Son dernier salaire dans ce métier dépassait le million de F CFA, nous ajoute-t-il. Mais même pendant ces années où il s’appliquait à exécuter les tâches liées à son métier de comptable, il trouvait toujours le temps et les moyens pour investir et s’investir dans l’élevage.
Il n’a pas seulement fait qu’investir financièrement dans sa ferme. El hadj Bougoumpinga nous avoue aussi que pendant tout ce temps, il s’est formé également au métier de l’élevage, à la gestion d’une ferme aux différentes techniques d’embouche, d’ensilages et d’insémination. L’appel de la terre s’est avéré irrésistible pour Bougoumpinga. Il quitte le confort de son bureau pour embrasser une vie au plus près de la nature.
Tel un indice prophétique ! Le retour définitif à la terre est intervenu quand son revenu à la ferme commençait à se rapprocher de son salaire en tant que comptable. « A un certain moment, je me suis rendu compte que malgré le fait que je m’investisse partiellement dans la ferme, elle me rapportait un revenu qui s’approchait de mon salaire dans la société minière où j’étais embauché comme comptable. Je me suis dit que si je m’investissais à temps plein, j’aurais un revenu meilleur”, nous relate notre fermier.
Une presque descente aux enfers !
Bougoumpinga se jette définitivement à l’eau et retourne dans son biotope, son milieu de vie naturel, le village de Koala. Le divorce avec le métier de comptable est consommé. Il s’installe dans sa ferme à Koala. Là, il exploite une superficie d’environ 26 ha. Il commence avec l’élevage laitier.
Dès que le pic de rendement laitier est atteint avec les différentes inséminations, la fièvre aphteuse ravage sa ferme. C’est la descente aux enfers. Plus rien ne va. Bougoumpinga broie du noir, il est au bord de la démence. De nombreuses charges pèsent sur ses épaules. Il doit satisfaire de nombreuses promesses de meilleures rémunérations faites à ses employés.
Ces employés sur qui il s’est appuyé pour atteindre un rendement record de 100 litres de lait par jour avec ses vaches. Il peine à trouver un simple billet de 10 000 propres à lui. Il prend courage et fait un virage in extremis avec l’introduction de la semence fourragère dans son système de production. C’est une véritable bouée de sauvetage. Sa ferme, qui agonisait sous l’étreinte mortelle de la fièvre aphteuse, tient sa seconde chance. Il échappe à la faillite. La semence fourragère et l’élevage sont ses principales activités.
On a eu l’idée de rentrer dans la semence
« Même quand nous cultivons du sorgho, c’est du sorgho à vocation fourragère. On a commencé avec le Sariasso (variété de sorgho, NDLR), aujourd’hui, on a évolué avec le Soumbatimi (variété de sorgho). J’ai une autre variété de sorgho local que j’utilise pour faire le fourrage.
Il y a aussi le niébé Teeksongo qu’on cultive pour avoir beaucoup plus de fourrages, les arachides beeda et mioupalé travaillés par l’INERA que nous utilisons pour le fourrage et les graines”, nous apprend Bougoumpinga. Actuellement, l’Etat paie les fourrages de notre vaillant fermier. Cela incontestablement lui permet de tenir sa ferme qui renaît peu à peu de l’hécatombe qu’a connue son cheptel bovin.
“On a eu l’idée de rentrer dans la semence. Après la première année, on a eu 3 tonnes qu’on a cédées à PDEL-ZPO (Projet de Développement de l’Élevage Laitier dans la Zone Péri urbaine de Ouagadougou, NDLR) qui a pris notre production pour donner aux paysans. Après PDEL-ZPO, on a été mis en contact avec PADEL-B qui a pris nos semences progressivement. Aujourd’hui, c’est l’Etat même qui prend nos semences. Il y a aussi PRECEL (Projet de Résilience et de Compétitivité de l’élevage) qui a pris cette année pour donner aux paysans”, avoue El hadj Bougoumpinga.
Si on ne mécanise pas, on ne peut pas avoir un bon rendement
La ferme, ravagée par la fièvre aphteuse, se relève progressivement grâce à un programme de reconstitution du cheptel basé sur l’utilisation de semences fourragères de qualité. Ce système agroécologique permet non seulement d’assurer la survie du domaine, mais aussi de favoriser l’autonomie alimentaire et de préserver les ressources naturelles. Nous explique Bougoumpinga.
Récoltant chaque année plusieurs tonnes de semences fourragères et d’autres spéculations, Bougoumpigna mécanise aussi son travail pour gagner en efficacité. Il s’est appuyé plus sur une mécanisation locale pour réduire son temps de travail, ainsi que la rudesse de son travail. Broyeur hache paille, décortiqueuse polyvalente et autres machines agricoles fabriquées localement sont utilisés pour aller vite.
“La main d’œuvre est difficile à trouver. Si on ne mécanise pas, on ne peut pas avoir un bon rendement et le travail est pénible. Par exemple, l’égreneuse de maïs de l’El hadj Issouf Korgho, un fabricant burkinabè, peut égrener, près de 100 sacs de 100 kg de maïs en une seule journée”, explique t-il.
À l’entendre, la mécanisation leur permet de gagner en temps, en main d’œuvre et en argent. Pour le moins, que l’on puisse dire, c’est qu’il s’en sort bien. Le métier nourrit son homme, même si cela n’est pas à la hauteur des attentes de Bougoumpinga.
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Actuellement, El hadji Amado Bougoumpinga possède une vingtaine de têtes de bœufs, de moutons, de chèvres rousses, de la volaille, des canards, de pintades, des oies, des dindons. Il exploite environ un hectare de fourrage Maralfalfa, 25 autres ha sont consacrés à d’autres semences fourragères et à la riziculture, etc.
“On se nourrit de ça, j’ai des enfants qui sont scolarisés, j’entretiens la famille avec ça, j’ai pu payer des motos avec ce que nous gagnons. Nous connaissons des hauts et des bas, mais on se nourrit de la ferme”, avoue le sieur Bougoumpinga. A partir de son revenu, il nous revient qu’il prend en charge plusieurs personnes.
Ses proches disent de lui, un homme affable et rassembleur. El Hadj Issouf Korgho, concepteur de machines agricoles, collaborateur de El hadj Bougoumpinga au début, est devenu un véritable proche. “Il aime la famille. Il prend soin de sa propre cellule familiale, mais au-delà, de sa grande famille. Si tu aimes la famille et tu veux t’occuper des enfants de tes frères, sœurs et tantes, il faut bien être agriculteur pour pouvoir avoir la capacité de prendre soin d’eux”, nous indique El hadji Issouf Korgho.
Il nous fait savoir que Bougoumpinga s’occupe d’environ quarante personnes. « Il est impossible de gérer 40 personnes sans le soutien de l’agriculture. Mais avec l’agriculture, ils s’entraident et ils ont de bons rendements au niveau de l’élevage et de l’agriculture« , nous révèle El hadj Issouf Korgho.
Devenu ami de Bougoumbinga, il dit de l’homme, un homme d’honneur. À plusieurs reprises, quand il lui fait appel pour un besoin quelconque, il répond présent. Pour lui, si la majorité des Burkinabè étaient comme lui, le développement endogène prendrait vite son envol.
Qu’à cela ne tienne, Bougoumpinga continue son bonhomme de chemin, pratiquement reclus dans sa ferme. En perspective, il compte venir à bout du problème d’eau qui est son souci majeur présentement. Il a une pompe à faible débit qui ne lui permet pas d’assurer toute l’année sa culture fourragère notamment avec l’espèce Maralfalfa.
Néanmoins, il reconnaît qu’avec l’impulsion donnée par le Président du Faso à travers l’offensive agrosylvopastorale, il se sent fier d’être fermier au regard de l’importance que les autorités donnent à l’agriculture.
C’est donc un paysan gonflé à bloc qu’on laisse dans son domaine en train de discuter rémunération avec de braves dames qui l’aident dans ses tâches. Nous prenons la route avec ses enfants pour rejoindre Ouagadougou. Venus le temps du week-end aider leur père dans la ferme familiale, entre les scions de la brousse, les enfants de Bougoumpinga nous conduisent à Ouagadougou. C’est l’histoire qui se répète. Ils sont sans doute l’avenir de ce domaine que Bougoumpinga a hérité de ses pères…
Hamadou OUEDRAOGO
Burkina 24
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