Etude : La protection du consommateur dans les contrats de consommation au sein de l’UEMOA et de la CEMAC
Ceci est une étude de TRAORE Abdoul Karim, Docteur en droit privé, intitulée « La protection du consommateur dans les contrats de consommation au sein de l’UEMOA et de la CEMAC ».
Le contrat de consommation est un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur[1]. Pour l’identification des contrats de consommation, il est nécessaire de préciser les notions de consommateur et de professionnel. En effet, le consommateur, est défini couramment comme une personne qui consomme un bien, un service pour satisfaire un besoin[2]. Le mot « consommer » vient du latin « consummare », qui signifie accomplir, achever[3]. La consommation forme ainsi le dernier stade du processus économique et achève celui-ci, conformément à la position des économistes[4]. En plus, le consommateur a été défini en doctrine comme « tout acquéreur non professionnel de biens de consommation destinés à son usage personnel » ou « tout bénéficiaire non professionnel de services fournis par des professionnels »[5].
La notion de professionnel, quant à elle, ne soulève quasiment pas de difficulté, il existe un consensus pour admettre qu’il s’agit de « la personne physique ou morale qui agit dans le cadre d’une activité habituelle et organisée de production, de distribution ou de prestation de service »[6]. Peu importe donc que le professionnel soit une personne physique ou une personne morale, la taille de l’entreprise et même le statut sous lequel l’activité est exercée, sont également indifférents. Le terme est donc pris dans son sens le plus étendu, à condition toutefois que l’activité soit effectivement, réellement exercée à titre professionnel[7].
La qualité des parties n’est pas la conséquence de la qualification de contrat de consommation, comme c’est le cas pour les contrats spéciaux, mais son origine. Cependant, comment se concrétise cette protection du consommateur au sein de l’UEMOA et de la CEMAC ?
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LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR AU SEIN DE L’UEMOA
L’UEMOA (Union Économique et Monétaire Ouest Africaine) rassemble la plupart des pays francophones de l’Afrique de l’Ouest avec de fortes similarités législatives en raison d’un passé colonial commun avec la France[8]. Avant l’adoption de la Directive UEMOA de 2023 sur la protection des consommateurs, le juriste sénégalais, Alassane KANTÉ insistait sur l’idée que le législateur UEMOA avait incorporé la protection des consommateurs dans la législation destinée à réguler la concurrence. Ainsi, dans le droit communautaire de l’UEMOA de la concurrence, se trouve aussi des mesures[9] de protection des consommateurs. Une concurrence saine, expurgée des pratiques condamnables bénéficie finalement aux consommateurs.
En 2023, une Directive relative à la protection des consommateurs fut adoptée au sein de l’UEMOA, la Directive n°01/2023/CM/UEMOA relative à la protection des consommateurs par le Conseil des ministres de l’UEMOA le 16 juin 2023. Ainsi, cette Directive harmonise la protection du consommateur dans l’espace UEMOA et aussi offre une protection aux consommateurs de certains Etats de cet espace qui ne disposaient pas de lois nationales dans le domaine. L’objectif principal est de renforcer la protection du consommateur dans les huit Etats membres de l’UEMOA. La directive donne, également, les définitions du consommateur et du professionnel, comporte aussi les dispositions relatives à l’information des consommateurs sur les produits et services ainsi que sur les garanties légales et les garanties commerciales.
Elle règlemente, en outre, les pratiques commerciales et interdites, comme la publicité comparative, les ventes pyramidales, le refus de vente, l’abus de faiblesse, etc. Pour les infractions et sanctions, il revient aux Etats de les prévoir. La Directive prévoit un comité régional de protection des consommateurs qui est un organe consultatif auprès de la Commission de l’UEMOA et prévoit aussi la mise en place d’un organe de concertation et de consultation dans chaque Etat. Enfin, la Directive encourage la création des associations de consommateurs à condition qu’elles remplissent certaines conditions comme l’absence de responsables de partis politiques dans ces associations.
- LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR AU SEIN DE LA CEMAC
Avant l’UEMOA, la CEMAC (Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale) a adopté un Règlement destiné spécifiquement à la protection des consommateurs des services et produits bancaires en 2020. Il s’agit du Règlement N°01-20/CEMAC/UMAC/COBAC du 3 juillet 2020 relatif à la protection des consommateurs de produits et services bancaires dans la CEMAC. Le texte s’applique uniquement aux consommateurs personnes physiques agissant pour la satisfaction de besoins privés et à tous les établissements de crédit, établissements de micro finance et établissements de paiement installés dans la CEMAC.
En effet, le Règlement met l’accent sur les points suivants : la consécration du service bancaire minimum garanti qui donne accès gratuitement aux consommateurs à un certain nombre de services bancaires dont la liste doit être précisée, le rappel de la liberté du banquier d’octroyer ou non un crédit, toutefois le banquier doit éviter la discrimination, l’exigence de la publication des conditions de banque, la réglementation de la publicité avec notamment l’interdiction de la publicité trompeuse, l’obligation d’information précontractuelle des consommateurs, l’exigence du caractère écrit de la convention de compte avec des mentions obligatoires sous peine de nullité ainsi que du caractère formel du consentement du consommateur pour les différentes transactions, les obligations spécifiques en cas de clôture du compte, la consécration de l’obligation de conseil du banquier en matière de crédit et du devoir de se renseigner dans le but d’éviter le surendettement des consommateurs, l’institution des délais de réflexion et de rétractation au profit du consommateur, l’interdiction des clauses abusives dans les contrats avec les consommateurs avec le droit pour les associations de consommateurs de saisir les tribunaux aux fins de suppression de ces clauses, l’institution des mécanismes de traitement amiables des litiges bancaires avec la mise en place obligatoire par les établissements assujettis des services de réclamation et l’institution de la méditation au niveau communautaire.
Pour la mise en œuvre de ce Règlement, le texte détermine le rôle des associations de consommateurs qui est reconnu, renforcé et précisé ainsi que les pouvoirs de la Commission bancaire d’Afrique centrale (COBAC) qui conserve son rôle d’organe de sanction sous le contrôle de la Cour de Justice de la CEMAC. Enfin, des sanctions pénales sont prévues pour certaines infractions telles que l’abus de faiblesse ou d’ignorance[10].
Aujourd’hui, l’utilité de protéger le consommateur n’est plus à démontrer. Ainsi, il apparait incontournable de protéger tant la personne du consommateur que ses intérêts économiques. L’UEMOA et la CEMAC ont fixé les bases juridiques d’une protection du consommateur mais les consommateurs des deux espaces demeurent toujours vulnérables pour diverses raisons, notamment ; la faible application des textes communautaires par les Etats, le manque de sensibilisation des consommateurs sur leurs droits et la faible implication des associations de consommateurs quant à la revendication de ces droits.
Par TRAORE Abdoul Karim
Docteur en droit privé
[1]RAYMOND (G.), Une catégorie nouvelle : les contrats de consommation, in Les contrats de consommation : Journée d’étude, Paris, PUF, 2001, p. 37.
[2]Dictionnaire Le Robert illustré, 2018, Vis consommateur, 1°, consommer, II, 1°.
[3]CALAIS-AULOY (J.) et TEMPLE (H.), Droit de la consommation, 8e éd., Paris Dalloz, 2010, n° 6.
[4]Pour CALAIS-AULOY (J.) TEMPLE (H.), la consommation se distingue de la production et de la distribution, « qui, se situant aux stades antérieurs, consistent à recueillir, transformer et répartir les richesses », V. dans le même sens PICOD (Y.), Droit de la consommation, 3e éd., Sirey U, 2015, n° 31.
[5]CORNU (G.), Vocabulaire juridique, 9e éd., Paris, PUF, 2011, V° Consommateur, 2°.
[6]CALAIS-AULOY (J.) et TEMPLE (H.), Droit de la consommation, 8ème édition, Paris, Dalloz, 2010, n° 3.
[7]Un artiste lyrique qui pratique l’élevage d’une race particulière de chats, uniquement à titre de passion, ne peut être considéré comme un professionnel : CA Versailles, 4 oct. 2002, RTD civ. 2003.292. Autrement dit, le passionné n’est pas un professionnel.
[8]L’UEMOA, bâtie sur les fondements de l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA), elle a été créée le 10 janvier 1994. Son Traité signé à Dakar, entré en vigueur le 1er août 1994 et révisé le 29 janvier 2000, est complété par le Traité de l’UMOA. Elle compte à ce jour huit États membres (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo) qui partagent l’usage du français en commun avec une même tradition juridique et une monnaie commune qu’est le Franc de la Communauté financière africaine (FCFA).
[9]Parmi les dispositions UEMOA qui règlementent la concurrence et la protection des consommateurs, on peut citer plusieurs Règlements :
-Règlement n°07/2007/CM/UEMOA relatif à la sécurité sanitaire des végétaux, des animaux et des aliments dans l’UEMOA ;
-Règlement n°03/2010/CM/UEMOA portant schéma d’harmonisation des activités d’accréditation, de certification, de normalisation et de métrologie dans l’UEMOA ;
-Règlement n° 03/2002/CM/UEMOA relatif aux procédures applicables aux attentes et abus de position dominante à l’intérieur de l’Union ;
-Règlement n°04/2002/CM/UEMOA relatif aux aides d’Etat à l’intérieur de l’Union Economique ouest Africaine et aux modalités d’application de l’article 88 (c) du Traité de Dakar ;
-Règlement n° 15/2002/CM/UEMOA relatif aux systèmes de paiement dans les Etats membres de l’UEMOA ; etc.
[10]ELONGO (Y. R. K.), « Le Droit des affaires en mouvement » sur https://kalieu-elongo.com/un-nouveau-reglement-cemac-pour-la-protection-des-consommateurs-de-services-et-produits-bancaires,consulté le10/06/2022 à 17h12mns.




