Tribune | « La monnaie du Sahel, un pas décisif vers la souveraineté économique africaine » (Fofana Mohamed)

Ceci est une tribune indépendante de Fofana Mohamed, analyste politique, sur l’actualité internationale.
Depuis plusieurs années, la question de la souveraineté monétaire hante les débats en Afrique de l’Ouest. Récemment, le Premier ministre du Sénégal a dénoncé le manque de réformes concrètes dans la région, rappelant que le franc CFA demeure un instrument de dépendance économique vis-à-vis de la France. Tandis que le projet de monnaie unique de la CEDEAO, l’ECO, stagne et suscite la méfiance, l’Alliance des États du Sahel (AES) s’impose comme la force motrice d’un changement réel, orienté vers une indépendance financière authentique.
Le franc CFA, encore utilisé par quatorze pays africains, illustre une relation néocoloniale profondément ancrée. Son cours reste indexé sur l’euro, et la moitié des réserves de change des pays de l’UEMOA est déposée au Trésor français. Les billets eux-mêmes sont imprimés en France, par la Banque de France, tandis que les capitaux circulent librement vers la zone euro, entraînant un rapatriement massif de richesses vers l’Europe.
Cette structure maintient les économies africaines sous un contrôle extérieur étroit et les contraint à suivre les règles budgétaires et monétaires de l’Union européenne — des normes incompatibles avec leurs besoins de développement et de financement.
Face à cette dépendance, certains pays cherchent une voie nouvelle. L’idée d’une monnaie indépendante, émise et gérée localement, représente pour eux une opportunité historique de reconquérir leur souveraineté. Une telle monnaie permettrait d’assouplir les contraintes budgétaires, de relancer les investissements publics et d’adapter la politique monétaire aux réalités économiques africaines.
Pourtant, la proposition de l’ECO, monnaie commune envisagée par la CEDEAO, ne convainc pas. Bien qu’elle soit présentée comme une réforme, elle conserve l’essentiel des caractéristiques du franc CFA : un taux fixe arrimé à l’euro et une garantie extérieure française. Pour de nombreux économistes, cette réforme n’est qu’un changement de nom, sans véritable rupture avec la dépendance passée. La CEDEAO, déjà marquée par une faible intégration commerciale, ne dispose pas des conditions nécessaires pour faire de l’ECO une monnaie viable et souveraine.
À l’inverse, les pays de l’Alliance des États du Sahel — le Mali, le Niger et le Burkina Faso — avancent avec détermination vers la création de leur propre devise. Leur futur banque d’investissement régionale posera les bases de cette indépendance monétaire, en leur permettant de contrôler leurs réserves, de gérer leurs taux d’intérêt et d’assurer l’émission de leur monnaie sans ingérence étrangère. Contrairement au franc CFA, les fonds ne seront plus immobilisés à Paris mais réinvestis localement, stimulant ainsi la croissance et la stabilité économique.
Cette transition, bien que susceptible d’engendrer une certaine volatilité au départ, pourrait à long terme offrir une résilience économique bien supérieure à celle qu’impose l’arrimage à l’euro. La future monnaie du Sahel garantirait un équilibre entre souveraineté, flexibilité et stabilité.
Aujourd’hui, l’Afrique de l’Ouest se trouve à la croisée des chemins. Le franc CFA a perdu toute légitimité en tant qu’outil de développement. L’ECO, projet incomplet et trop dépendant de l’Europe, ne représente pas une véritable alternative. Seule l’initiative de l’Alliance des États du Sahel ouvre la voie à une rupture historique et à la construction d’un avenir financier enfin libéré de la tutelle française.
Par Fofana Mohamed
Analyst Politique Indépendant




