Etude : Manifestations identitaires dans Le Salaire de l’infidélité et Le Prix d’un enfant de Anzata Ouattara
Ceci est une étude intitulée « Manifestations identitaires dans Le Salaire de l’infidélité et Le Prix d’un enfant de Anzata Ouattara » de DRABO Amba Victorine, Chargé de recherches Institut des sciences des sociétés (INSS), Centre national de la Recherche Scientifique et Technologique (CNRST) Burkina-Faso, [email protected].
Titre : Manifestations identitaires dans Le Salaire de l’infidélité et Le Prix d’un enfant de Anzata Ouattara
Résumé : Cette analyse est tirée d’un article scientifique portant sur les manifestations identitaires dans deux nouvelles de la nouvelliste ivoirienne, Anzata OATTARA. Elle met en avant, la question de l’originalité qui se pose avec acuité dans le contexte de l’Afrique actuelle au regard des multiples mutations observées dans la société. La colonisation, les mouvements des populations et les autres formes de dynamiques sociales mettent le continent dans une phase indélicate de son histoire.
- Introduction
La société africaine est une société de pouvoir et d’influence. Par conséquent, la définition de l’homme ne s’arrête pas sur les constituants biologiques ou physiologiques.
Elle s’étend sur les aspects sociaux. En effet, ce sont ces derniers éléments qui déterminent l’essence, la nature même de l’homme africain. La progéniture est de ce fait le lien incontournable pour espérer une descendance. Dans cette veine, le mariage en général constitue l’institution permettant de perpétuer la descendance des individus et des ethnies. C’est dans ce contexte de fortes discussions sur le statut social et l’identité de l’Homme africain que se range l’analyse de ces nouvelles extraites du recueil de nouvelles, Les Coups de la vie de Anzata Ouattara. En effet, le continent est à la croisée des chemins à travers le contact des autres cultures du monde et surtout de la religion. Malgré les efforts d’adaptation, les séquelles de son vieux passé se font ressentir dans sa marche vers ce que l’Occident appelle la civilisation.
- Méthodologie
La présente contribution est une étude basée sur la construction du sens en littérature sur la base d’un corpus à deux intrigues. En d’autres termes, elle s’appuie sur la technique d’écriture employée par une auteure pour peindre une société en perpétuel mouvement. La théorie des actes de langage ou acte de parole stipule que toute parole, tout discours, tout language, tout énoncé a un sens (Searle, 1972 ; 1979). L’intérêt de cette étude est de donner à chaque lecteur d’examiner, d’évaluer, de comprendre et d’analyser les conséquences pouvant découler dans la volonté africaine de maintenir ses valeurs dans un contexte purement dynamique.
- Résultats
À l’issue de notre analyse, les résultats se présentent en trois points.
3.1- Les croyances
La problématique de la gestion du foyer dans le contexte africain reste une permanente interrogation malgré les avancées d’une société moderne. La thématique du mariage, ou du couple, a pendant longtemps été au centre de l’histoire et de la littérature en particulier (Soumana Kindo, 2019). Philippe Antoine (2002) écrit de ce fait que l’évolution des comportements matrimoniaux est révélatrice de profondes mutations de la société. Il est clair que les changements dans le foyer influent de manière particulière l’évolution, la transformation de la société dans laquelle l’on vit. En effet, les vestiges de la polygamie continuent de hanter la société africaine malgré la rencontre avec les autres civilisations de la planète (Soumana Kindo, 2019). Si la religion pose les conditions dans lesquelles tel ou tel type de mariage est admis, la pratique continue de faire des vagues et l’infidélité s’accroit au fil du temps, dans les ménages. Binet et Bouchaud (1959), dans leurs travaux sur le mariage en Afrique, soutiennent qu’il existe désormais un lien direct entre la religion et le mariage du moment où les croyances occidentales se sont invitées dans le quotidien des Africains. Il est admis que l’islam est favorable au mariage polygamique, lequel concerne uniquement l’homme. La polyandrie n’existe pas ou reste un tabou dans les discours. Dans le contenu de l’intrigue Le salaire de l’infidélité, les prénoms des personnages laissent croire à une famille chrétienne où la monogamie est fortement recommandée. La cosmogonie sous-jacente ne laisse place qu’à la monogamie. La polygynie ou la polyandrie sont par conséquent inimaginables, encore moins l’infidélité de la femme. Au-delà de la règle générale prescrite par la religion, l’acceptation de cette règle pose un problème au moment de sa pratique. De ce fait, l’on assiste à une forme de contraste entre les dires de la religion chrétienne et le contexte culturel présent.
3.2- Les expressions culturelles
Les expressions culturelles dans ces intrigues prennent en considération les us et coutumes, les traditions, le cultuel. La stigmatisation ou le rejet des traits originels ou de ses pratiques pourraient, dans un certain cas, entrainer un jugement hâtif des manières de faire. Pourtant, la mentalité sociétale serait la base ou le fondement des habitus et des façons d’agir. Le contexte social se trouve être le moteur de nos comportements. En d’autres termes, la société représente le lieu de la corruption de nos habitudes (Blundo, 2007). « L’homme naît bon, mais c’est la société qui le corrompt », comme l’a mentionné Jean-Jacques Rousseau. Les fiançailles, l’union, le mariage, les familles, sont des expressions fondamentales de la culture dans chaque groupe social. Le salaire de l’infidélité et Le prix d’un enfant rapportent des séquences de la mise en relation homme-femme à divers niveaux et de la vie en famille dans plusieurs horizons. Il s’enregistre des couples ou des duos : Claudine et Francis, Claudine et Bedel, Claudine et son Patron, Chantal et Jean-Marc. En clair, la culture façonne,
fabrique et moule les êtres humains. Si la culture et l’environnement sont mauvais, nul doute que l’homme sera comme tel. La culture, comme dans un laboratoire, construit la personnalité de l’individu et l’oblige à devenir ce qu’elle veut. Concernant Le prix d’un enfant, les couples déclarés stériles se font souvent consulter par les médecins. Les relations maritales et familiale sont présentées comme si elles sont régulées par des normes codifiées. La phase du prix à payer pour obtenir des enfants est relevée à travers la description de cette séquence
développée comme rituel :
« Le féticheur nous a logés dans une case et nous a
informés que le rituel se ferait tard dans la nuit. Aux
environs de deux heures du matin, notre hôte nous a
réveillés. Il tenait dans ses mains un cabri noir. Il m’a
donné l’ordre d’égorger le cabri et d’en recueillir le sang
pour nous laver. C’était assez dégoûtant à faire. Se laver
avec du sang frais ! Mais nous n’avions pas le choix. Ma
femme m’encourageait. Après cette étape assez
difficile, nous sommes passés à un autre type de bain.
Cette fois, c’était avec une eau gluante et tiède. À la fin,
le féticheur nous a dit que, chaque année, il fallait qu’on
revienne pour le même rituel avec tous les enfants que
nous aurons ».
3.3- Espace fictif et réel
Pour Colin (2010), il est capable de procéder à la multiplication des savoirs et à la refondation du monde dans l’œuvre qu’il met en lecture. L’espace pourrait désigner le lieu géographique où se déroule l’action (Dupuy et Puyo, 2014). Il devient réel lorsqu’il est concret et identifiable. C’est souvent un pays, une ville ou un endroit que le lecteur reconnait. L’originalité dans le travail d’Anzata Ouattara se trouve dans la présentation des espaces bien connus dans la société ivoirienne. Cocody, Yamoussoukro, Abengourou sont entre autres issues de la topographie ivoirienne. Le deuxième lieu est la Capitale actuelle du pays. Le lecteur ivoirien se retrouvera aussi bien que le lecteur étranger ayant les bribes de la géographie africaine.
Concernant Le salaire de l’infidélité, les scènes sont très brèves ou parcimonieusement rapportées et évoquent divers lieux. Ils partent du lieu de service de Bédel à leur domicile conjugal en passant par l’allocodrome, l’hôtel, la grande école (comme lieu des cours de Claudine), l’entreprise du stage, la ville de la grand-mère (Abengourou), la clinique de Yamoussoukro, le CHU, la France. Outre ces espaces physiques, d’autres sont des images. L’imaginaire relève du caractère inventif des auteurs à partir de l’inspiration d’un lieu réel (Dupuy et Puyo, 2014 ; Côté, Frantz, Marchand, 2022). Cet espace apporte une dynamique
particulière dans la construction d’un récit. Par lui, l’auteur met en branle un réseau de relation. L’espace fictif s’oppose à l’espace géographique et réel avec un cadre social et historique connu.
Conclusion
En définitive, les intrigues d’Anzata Ouattara sont des chefs-d’œuvre qui permettent de réévaluer la société africaine dans son ensemble sur des thématiques diverses et variées. Son style simple, accessible à toute catégorie de lecteur, retrace les mœurs sociétales que connaissent les ménages, les familles africaines dans les rapports divers face à la désarticulation sociale et à la perte des repères identitaires. La volonté de chaque homme de bâtir une famille reste un fait légitime à chaque individu. Mais, pour des raisons diverses, ce rêve pourrait ne pas s’accomplir par tous. La perte de la personnalité, de son influence sociale sont entre autres, les éléments qui vont conduire les couples à se livrer à toute forme d’actions pour espérer au résultat.
- Références bibliographiques
Corpus
Ouattara Anzata, 2021. Les Coups de la vie, Tome 3, Abidjan, Éditions GO média.
Références bibliographiques
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Instituto de literatura comparada Margarida Losa 33/2015, n°12, pp. 303-321.
BERTHELOT Anne, 1991. Figures et fonction de l’écrivain au XIIIe siècle, Université de Montréal, Institut d’études médiévales.
BINET Jacques, 1959. Le mariage en Afrique noire, Paris, Éditions du Cerf.
BLUNDO Giorgio, 2007. État et corruption en Afrique : une anthropologie comparative des relations entre
fonctionnaires et usagers, Bénin, Niger, Sénégal, Paris, Karthala.
BRUNER Jérôme, 1999. Car la culture donne forme à l’esprit. De la révolution cognitive à la psychologie culturelle, Paris, Eshel.
COLIN K., 2010. « Quand « l’intellectuel total » se fait démiurge. Multiplication des savoirs et refondation du monde dans l’œuvre d’Edouard Glissant », in Dalhousie French studies, 90/2010, pp. 87-100
DRABO Amba Victorine, 2025. Manifestations identitaires dans Le Salaire de l’infidélité et Le Prix d’un enfant de Anzata Ouattara,in REVUE RE-LECTURE D’AFRIQUE Vol 2 n° 6 Octobre 2025, ISSN Print : 3008-1289 ,ISSN Online : 3008-1297,ISSN Digital : 3008-1300.
SEARLE R. John, 1972. Les Actes de langage, Paris, Hermann.
SEARLE R. John, 1979. Le Sens commun. Sens et expression. Étude de théorie des actes de langage, Paris, Édition de Minuit.
SOUMANA KINDO Aïssatou. 2019, Le mariage polygamique dans les arts en Afrique, Bamako, Donko




