Konané Basile de Koayo : Lutteur le plus titré du Burkina dans un désert de récompenses !

De 2001 à 2009, Konané Basile, « l’homme au pied gauche magique », a illuminé les arènes de la lutte traditionnelle au Burkina Faso et en Afrique. Né en 1980 à Koayo, un village du département de Gossina dans la province du Nayala, ce poids léger a accumulé plus de dix médailles internationales, dont quatre médailles d’or, un record national. Konané Basile est également cinq fois champion national des 65 kilos au Burkina Faso entre 2003 et 2007. Aux côtés de Raoul Athanase Moussiané, le Taureau du Nayala, et Hermann Koané, ce trio gagnant a marqué l’âge d’or de la lutte burkinabè.
Fin mars 2024 au cœur de la vile de Toma. Nous sommes à la rencontre d’un homme à la démarche timide mais lucide, dont le nom résonne comme une légende : Konané Basile. Petit de taille, corpulence moyenne, teint noir, il est bien plus qu’une simple présence. Il est aussi l’incarnation d’une époque, l’ère Konané Basile, qui a marqué l’histoire de la lutte traditionnelle au Burkina Faso, aux côtés des grands noms.
La lutte en pays San, au Burkina Faso, est plus qu’un simple sport. C’est une tradition très importante, apprise dès l’enfance et pratiquée partout. Dans les champs, les villages, et lors des fêtes. Elle montre la force, l’honneur et l’esprit de compétition. Cet environnement a bercé l’enfance de Konané Basile.

« Ma lutte a commencé en 2001 », se souvient Konané Basile. Ce jeune du village de Koayo a fait ses débuts lors des éliminatoires des compétitions de lutte de la Semaine nationale de la culture 2002. Une étoile était née, prête à briller pendant huit ans dans les arènes du Burkina et d’Afrique.
Après une brillante prestation à Toma, il confirme son talent à Nouna, avant de monter sur l’arène de la Semaine Nationale de la Culture, SNC 2002. « Pour cette première sortie, j’ai été 3e », raconte-t-il avec une note de modestie.
Les triomphes nationaux, et les succès internationaux
L’aventure continue, et la bonne étoile de Basile brille de plus en plus fort. Par son courage et sa technicité, il remporte successivement cinq fois la victoire dans sa catégorie, les 65 kilos, aux championnats nationaux de 2003 à 2007. « Pour la SNC, j’ai été 2 fois troisième en 2002 et en 2004. J’ai été premier en 2006 et en 2008 », précise-t-il.
À l’international, les débuts sont timides. « Mais je n’ai pas eu de récompense là-bas », confie Konané Basile à propos de sa première sortie au Niger en 2002. C’est en 2005 que les choses sérieuses commencent pour le champion. Au Tournoi de Lutte Africaine de la CEDEAO (TOLAC), il décroche la deuxième place et une médaille.
« Après cela, le championnat d’Afrique est venu au Burkina Faso. J’ai été champion et j’ai remporté la coupe, c’était toujours en 2005 », confie-t-il. L’année suivante, en Guinée Conakry, il remporte la médaille d’or. En plus il est allé au-delà de l’Afrique en participant à des compétitions en Russie, en Allemagne, etc.
Le roi des médailles, un adversaire redoutable
Dès 2001, le nom de Konané Basile a résonné dans les arènes du Burkina Faso. Zié Aboudou, Ki Issa, Zerbo Lacina, Nama Célestin, Konané Léonce, autant de noms prestigieux qui ont croisé sa route. Mais pour s’imposer, il fallait défier les géants et Konané Basile n’a jamais reculé.
« Go Alphonse, dit « Foan » de Nion, était une légende à cette époque. Le jour où je l’ai affronté, j’ignorais son statut. Si j’avais su, aurais-je eu le courage de le défier ? », confie-t-il avec humilité. Une victoire qui a propulsé le jeune prodige sur le devant de la scène.
En 2004, nouveau coup d’éclat. La victoire face à Yala Koro au Cauris d’or. « J’étais son cadet, et cette victoire a surpris plus d’un », se souvient-il. Dès lors, Konané Basile confirme tout le bien qu’on dit de lui. Il détient la couronne des catégories poids légers.
Mais c’est en 2005, lors des championnats africains à Ouagadougou que sa gloire atteint son apogée. Face à des adversaires venus du Sénégal, du Niger, du Togo et du Bénin, il enchaîne les victoires, suscitant l’admiration de tous. « Ce fut une année mémorable, une explosion de joie », raconte-t-il.
Une génération dorée
Konané Basile a glané une dizaine de médailles à l’international, dont 4 médailles d’or : la médaille d’or de Ouagadougou en 2005 lors du championnat d’Afrique de lutte, la médaille d’or au championnat d’Afrique en Guinée-Conakry en 2006, une médaille d’or du Tournoi de Lutte Africaine de la CEDEAO (TOLAC) en 2007 au Niger et la médaille d’or remportée par son équipe aux jeux de la francophonie au Niger en 2005.
Mais Konané Basile n’était pas seulement un champion individuel. En 2005, lors des championnats d’Afrique de lutte traditionnelle à Ouagadougou, Konané Basile a écrit l’une des plus belles pages de l’histoire de la lutte burkinabè aux côtés de grands leaders comme Hermann Koané et Athanasse Moussiané.
Ils ont tous décroché la médaille d’or. Un triplé historique qui a fait vibrer tout un pays. « Cette génération donnait de la garantie au Burkina Faso à chaque compétition », se souvient Nicolas Paré, ancien dirigeant de la fédération burkinabè de lutte.
Malgré sa petite taille, Konané Basile a su s’imposer comme un géant de la lutte burkinabè. Nicolas Paré, un témoin privilégié de son parcours, n’hésite pas à le qualifier de « très grand lutteur ». Selon Paré, Konané a marqué l’histoire de ce sport, en particulier dans la catégorie des 65 kg, où le Burkina Faso a remporté le plus de médailles d’or.
Konané est le lutteur burkinabè le plus médaillé. « Il a remporté trois médailles d’or à la CEDEAO et une médaille d’or aux championnats d’Afrique ». Nicolas Paré souligne la grande technicité de Konané, le considérant comme le lutteur le plus technique après Toé Dikié, le premier champion d’Afrique de la catégorie.
Sa prise favorite, la « force de passer sous l’aisselle », était redoutée de ses adversaires. Mais Konané avait plus d’un tour dans son sac, et il était capable de surprendre ses adversaires avec des techniques variées. « Sinon, il faut dire que Konané Basile était très technique. Sa force était passée sous l’aisselle. Tout le monde connaissait ça, mais il avait plusieurs tours dans son sac », raconte Nicolas Paré.
Basile Konaté, Directeur technique de la lutte à son époque, a partagé des souvenirs précieux de ce champion, notamment celle au championnat d’Afrique à Conakry en 2006, restent gravées dans les mémoires. Pour lui, Konané Basile était bien plus qu’un simple lutteur. Il clame sa technique raffinée, une force physique impressionnante et un sens aigu de l’observation.
Pour Athanase Moussiané, son compagnon de lutte, Konané Basile était un lutteur très respecté dans sa catégorie. « Konané Basile fut vraiment un très bon lutteur de la première catégorie chez nous. Et surtout à l’international, il a toujours assuré nos premiers combats. Il était un lutteur très technique. C’est ce qui lui a valu son titre de champion d’Afrique. Sincèrement, il nous a beaucoup épaté », témoigne le Taureau du Nayala.
Un lutteur respecté par ses compagnons de lutte
Son principal rival, Nama Célestin, le décrit comme un véritable « roi des médailles », un adversaire à la technique redoutable. « Nous étions de la même génération, et notre rivalité a été intense. C’était un duel sans merci. Si je le battais aujourd’hui, il me battait demain. Mais en termes de médailles, personne ne peut rivaliser avec lui (Konané Basile) au Burkina Faso », reconnait-il.
Nama Célestin souligne également la capacité de Konané Basile à briller dans les compétitions « open », où il affrontait des lutteurs de catégories supérieures. D’ailleurs, ce qui fait la particularité de Basile Konané, c’est sa technique de lutte.
« Dans l’arène, il ne faut surtout pas toucher son pied gauche », prévient Nama Célestin. « Si vous le faites, vous êtes sûr d’avoir des problèmes. Cependant, lui-même, n’hésite pas à saisir les pieds de ses adversaires, à les déséquilibrer et à les prendre par derrière. C’est un lutteur très technique, qui sait utiliser son corps pour surprendre et dominer ses adversaires », a-t-il ajouté.
Kawané Romaric, le buffle du Nayala, se souvient des trois duels qu’il a eus avec Basile Konané au soir de sa carrière. Il témoigne d’un lutteur hautement technique et respecté qui ne laissait pas de répit à l’adversaire.
Des victoires sans récompenses
Malgré ses succès, les récompenses financières n’étaient pas à la hauteur de ses exploits. « Moi je n’ai eu ni charrette ni vélo. À Bobo , SNC 2002, quand j’ai été 3e, on m’a donné 30 000 Francs. Après cela, il y a le championnat national, mais il n’y avait pas d’argent dans la lutte. Le premier a souvent moins de 50 000 FCFA.
Et souvent, s’il y a augmentation, c’est 50 000 FCFA. J’ai remporté ça plusieurs fois. À l’international également, ce sont des médailles qu’on nous donnait. Ils disaient en son temps que le ministère allait nous payer une fois arrivés au pays. Je me rappelle, on nous donnait 20 000 FCFA chacun », raconte-t-il avec une pointe d’amertume.

En 2005, alors qu’il était au sommet de sa gloire, Basile a été confronté à une réalité amère. La reconnaissance sportive ne rimait pas avec récompenses financières. « Nous avons passé plus d’un mois en tournée. J’ai terminé premier, Athanase a terminé premier, Herman a terminé premier. Les deux autres qui nous suivaient ont également terminé deuxièmes. Mais il n’y avait pas d’argent à la clé. Ils nous ont dit de rentrer et que nous serions payés plus tard. En 2005, malgré nos trois médailles d’or, personne n’a reçu 5 francs.
Je me souviens, on nous avait donné l’argent pour le transport au départ. Le transport coûtait 3 000 francs à l’époque pour le trajet Ouaga-Toma. On nous a donné 4 000 francs chacun, nous avons déduit le coût du transport et nous avons acheté des pains à 1 000 francs chacun pour venir donner à nos familles. On nous avait promis que nous serions payés plus tard, mais cela n’a jamais eu lieu », rappelle Konané Basile.
La carrière de Konané Basile est marquée par des combats mémorables, notamment face à Herman Koané. « La technique s’incline souvent devant la force », reconnaît-il, évoquant la différence de poids entre les deux lutteurs. Son sacre en 2005 à Ouagadougou reste sa plus grande victoire face à des lutteurs du Niger, du Sénégal, du Togo et d’autres pays, dans la catégorie des 65 kg, qui reste un moment fort de sa carrière.
Cependant, la défaite face à un Sénégalais au TOLAC 2004 au Niger le hante encore. « Ça m’a fait mal, je ne peux pas oublier cette défaite. C’est un adversaire de ma catégorie, il ne devrait pas pouvoir me terrasser. Ce jour-là, c’est moi qui ai mis notre équipe en arrière », confie-t-il.
« Sinon, je n’ai pas connu la déchéance », affirme-t-il, fier de son parcours.
Dédougou, 2006. Konané Basile, lutteur émérite, est décoré par le ministère des Sports. Une reconnaissance officielle pour un athlète qui a dédié sa vie à la lutte traditionnelle. Mais derrière les honneurs, une réalité bien plus sombre se dessine.
L’avantage de la lutte, ce sont les honneurs. « On gagnait aussi quelques sommes que les camarades ne pouvaient pas avoir », concède-t-il. Pourtant, ces gains, irréguliers et insuffisants, n’ont jamais permis à Konané Basile de réaliser ses rêves. « L’argent n’était pas régulier, donc je n’ai pas pu réaliser grand-chose avec », admet-il.
La gestion de la lutte au Burkina Faso est pointée du doigt. « Nous souffrons beaucoup. Tu as faim ou pas, personne ne le sait. On peut à l’improviste t’appeler pour te dire que vous allez à l’extérieur pour des compétitions. Pendant ce temps, vos adversaires d’autres pays sont en stage et bien entraînés », déplore-t-il.
Cette situation, loin d’être un cas isolé, reflète une problématique plus large touchant le sport burkinabè dans son ensemble, selon Basile Konaté. « Sinon, c’est une politique nationale à son temps qui ne valorisait pas les sports, sinon c’est pas à notre niveau », répond le Directeur technique.
À l’époque, les récompenses allouées aux lutteurs étaient dérisoires, reconnait Basile Konaté. « Quand vous sortez, vous allez d’abord, on vous donne 20 000 francs par personne, qu’elle soit encadreur ou lutteur », appuie-t-il. Pire encore, l’indifférence des autorités sportives était palpable. « Quand vous gagnez, vous revenez, le ministre ne prend pas la peine de vous recevoir », déplore Basile Konaté, une attitude qui en disait long sur le peu de considération accordée à leurs performances.
Cette absence de reconnaissance a engendré une frustration profonde chez les lutteurs et leurs encadreurs. Basile Konaté exprime clairement ce sentiment, soulignant que ceux qui se dévouent corps et âme pour le sport ne devraient pas être réduits à la pauvreté.
Malgré ces conditions difficiles, la passion et la dignité animent toujours le lutteur. « On s’armait de courage car c’est une question de dignité et il faut défendre son pays. Nous n’avons pas eu à décevoir nos entraîneurs », affirme-t-il.
Cependant, la réalité rattrape les champions. « Le lutteur est obligé de stopper sa carrière pendant qu’il est toujours en forme pour se consacrer à ses activités champêtres. Sinon, s’il arrivait que tu te blesses, c’est ta vie qui est gâchée et ta famille va en souffrir, tous, car il n’y a pas de prise en charge ni de récompense conséquente », explique Konané Basile, l’air triste.
Aujourd’hui, Konané Basile se tourne vers l’avenir, espérant que la nouvelle génération de lutteurs connaîtra un sort meilleur. La lutte en pays San, c’est une affaire de génération et de succession. On peut citer des noms comme Doh Frédérick, Kawané Romaric, Zerbo Eloi, et Zon Drissa, etc. dans l’après Basile Konané. Il fonde également son espoir sur de jeunes talents comme Bazongo Karim, Koni Diallo et autres.
Konané Basile, l’enfant de Koayo, a tracé sa légende dans la poussière des arènes. Ses médailles, témoins silencieux d’une époque révolue, brillent encore. Mais dans l’écho de ses victoires, résonne l’amertume d’un champion oublié, dont les exploits n’ont jamais été récompensés à leur juste valeur. Un cri du cœur pour une discipline qui peine à offrir un avenir à ses athlètes.
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Akim KY
Burkina 24
Quand il s’agit des missions à l’extérieur ceux du ministère sont grassement pris en charge, alors pourquoi les lutteurs eux sont laissés en marge et ne bénéficient de rien? C’est plutôt une machination qui vise à ne rien laisser aux sportifs « lutteurs ». Ceux qui accompagnent ces sportifs dans les compétitions internationales, ils n’auraient jamais bougé si ils n’avaient rien. C’est juste qu’ils ont trouvé des gens qui aiment leur sport et qui ne maîtrisent pas les rouages. Tous ceux qui étaient au devant des choses en son temps doivent être poursuivis