Au Burkina Faso, la santé sort de l’ombre du privilège !

Pendant des années, se soigner relevait parfois de l’impossible pour des milliers de Burkinabè. Entre la maladie et l’hôpital, une barrière invisible mais redoutable se dressait : le coût. Depuis le 13 mars 2024, l’État a décidé de la faire tomber. La réduction des tarifs de plusieurs examens médicaux et la suppression de la caution pour la dialyse dans les structures publiques ont profondément modifié l’accès aux soins. Reportage au cœur des hôpitaux !
Dans les halls bondés des hôpitaux burkinabè, chaque regard trahit l’angoisse, chaque geste traduit l’urgence. Se soigner était un luxe que peu pouvaient se permettre. Entre les cautions exorbitantes et les coûts insoutenables des examens, la santé avait l’air d’être un privilège, pas un droit.
Dans la grande salle animée du Centre hospitalier universitaire de Bogodogo, Madi Diallo fixe les guichets, immobile. Son témoignage est celui d’un deuil que rien n’aurait dû rendre inévitable.
« Il y a trois ans, ma sœur devait être dialysée en urgence. Il fallait déposer une caution de 500 000 F CFA. Nous ne l’avions pas. Elle est décédée », raconte-t-il, la voix contenue. Aujourd’hui, cette caution n’existe plus. « C’est une mesure juste. Mais pour nous, elle arrive trop tard ».
Ce drame individuel renvoie à une réalité longtemps partagée par des milliers de familles au Burkina Faso. Pendant des années, l’accès aux soins vitaux est resté conditionné à la capacité financière des patients, érigée en véritable barrière à la survie.
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Face à cette situation, les autorités burkinabè ont engagé une réforme visant à améliorer l’accessibilité économique aux services de santé. Depuis le 13 mars 2024, les tarifs de plusieurs examens médicaux ont été revus à la baisse dans l’ensemble des structures sanitaires publiques du pays, apportant un soulagement tangible à de nombreux patients.
Les contours de cette réforme ont été précisés par le ministre de la Santé, le Dr Robert Lucien Jean Claude Kargougou, à l’issue du Conseil des ministres du 13 mars 2024. Les chiffres traduisent un changement notable dans la politique tarifaire du secteur public.
« Le scanner, auparavant facturé à 50 000 FCFA, est désormais accessible à 25 000 FCFA. Le coût de l’IRM a été ramené de 100 000 à 40 000 FCFA. S’agissant de la dialyse, la caution obligatoire de 500 000 FCFA a été purement et simplement supprimée », a-t-il annoncé.
Accueillie favorablement par les populations, la mesure vise à lever les obstacles financiers qui limitaient l’accès aux examens de diagnostic et aux soins spécialisés, en particulier pour les couches sociales les plus vulnérables.
Santé au Burkina Faso: Le CHU de Bogodogo valide la baisse des coûts pour les patients à lire dans la vidéo ci dessous 👇👇
Loin d’une annonce de circonstance, la baisse des tarifs se vérifie sur le terrain. Nos constats, effectués dans plusieurs formations sanitaires publiques, confirment l’effectivité de la réforme.
Le mardi 22 juillet 2025, au Centre hospitalier universitaire de Bogodogo, l’affluence est déjà dense, dès les premières heures de la matinée. Les patients se pressent aux guichets. Les visages sont fermés, marqués par l’attente et l’inquiétude, dans une atmosphère lourde malgré l’animation ambiante.
« Le tarif de l’IRM est désormais fixé à 40 000 FCFA »
Au Centre hospitalier universitaire de Bogodogo, la baisse des tarifs n’est pas théorique. Elle s’applique effectivement aux patients. Dame Ouédraogo, née Nikiéma Élodie, venue passer une IRM pelvienne, en témoigne.
« Le coût est devenu très abordable. J’ai payé 40 000 FCFA, produits compris, alors qu’ailleurs l’examen peut coûter jusqu’à 150 000 FCFA, voire plus », confie-t-elle, visiblement soulagée.
L’économie réalisée, supérieure à 100 000 FCFA, représente bien plus qu’un simple allègement ponctuel. Pour cette patiente, c’est une véritable respiration financière, qui lui permet notamment de maintenir ses engagements sociaux, comme sa participation aux tontines.
Interrogé sur l’application concrète de la réforme, le directeur général du CHU de Bogodogo, Seydou Nombré, confirme l’effectivité des nouvelles dispositions. « Le tarif de l’IRM est désormais fixé à 40 000 FCFA. Mais surtout, la caution de 500 000 FCFA a été supprimée. Le patient n’a plus aucune avance à verser. Pour la dialyse d’urgence, le coût est désormais de 2 500 FCFA », précise-t-il.
Un changement majeur pour les populations de la région de l’Oubri
Après ces constats au CHU de Bogodogo, notre reportage se poursuit dans la cité de l’Oubritenga, afin d’évaluer l’application de la mesure en dehors de la capitale. Le même jour, au Centre hospitalier régional de Ziniaré, le constat est tout aussi concluant. La réduction des tarifs est effectivement appliquée, sans disparité notable.
Mieux encore, l’allègement des coûts s’accompagne d’un renforcement de l’offre de soins. Les insuffisances matérielles qui freinaient autrefois le fonctionnement du centre appartiennent désormais au passé.
Aujourd’hui, l’ensemble des examens requis est réalisé sur place, conformément aux nouveaux tarifs fixés par les autorités. L’accès à des soins de qualité ne dépend plus d’un déplacement long et onéreux vers Ouagadougou, un changement majeur pour les populations de la région.
Sur place, le directeur général du CHR de Ziniaré, Mady Zorné, salue une réforme dont les effets dépassent la seule dimension financière. « Depuis la mise en œuvre de la mesure, les évacuations vers la capitale ont fortement diminué », indique-t-il.
Selon lui, l’impact est également clinique. « Les praticiens disposent désormais des examens d’imagerie nécessaires pour poser leurs diagnostics. Cette accessibilité améliore l’efficacité de l’ensemble de la chaîne de soins », explique le médecin.
Malgré ces premiers résultats encourageants, l’heure n’est pas encore au triomphalisme. Pour mesurer la portée réelle de la réforme, il restait à en observer l’application au sein de la plus grande formation sanitaire du pays.
« La caution de 500 000 FCFA exigée pour démarrer les soins a été supprimée »
À l’aube du mercredi 23 juillet 2025, notre reportage se poursuit au Centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo, véritable cité sanitaire au cœur de Ouagadougou.
L’établissement fait face à une affluence permanente. Patients en consultation, cas d’urgence et hospitalisations s’y succèdent sans interruption. Jour et nuit, un personnel médical fortement sollicité s’emploie à contenir ce flux continu.
L’atmosphère y est intense, mêlant tension, espoir et engagement. Principal pôle hospitalier du pays, le CHU-YO constitue un test grandeur nature pour la mesure de réduction des tarifs, appelée ici à faire ses preuves face à une demande massive.

Au service de dialyse, l’ampleur du défi apparaît immédiatement. Chaque jour, près de 100 patients sont pris en charge à l’aide de 34 machines. Une organisation rigoureuse est indispensable pour maintenir le fonctionnement du service.
« Les séances sont réparties en trois rotations quotidiennes, de 6 heures à 12 heures, de 12 heures à 18 heures et de 18 heures à 22 heures. Les urgences vitales sont prises en charge au-delà de ces horaires », explique Tuina Nsoma Hélène, majore du service, illustrant le niveau d’engagement du personnel.
Depuis l’entrée en vigueur de la réforme, un changement majeur s’est opéré dans l’accès à la dialyse. « La caution de 500 000 FCFA exigée pour démarrer les soins a été supprimée », souligne-t-elle. Un premier verrou financier levé pour des patients jusque-là exclus de la prise en charge.
Mais le vrai défi reste logistique. Le nombre limité de machines ne permet pas d’absorber la demande. « Un décès équivaut à une place libre pour un patient en attente », confie Tuina Nsoma Hélène, avec un mélange de regret et de réalisme.
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Malgré cette contrainte, la réforme a déjà permis à 16 patients d’intégrer le centre de dialyse depuis sa mise en œuvre, sans avancer la caution de 500 000 FCFA. Un gain vital pour leur survie, même si la liste d’attente demeure longue.
La suppression de la caution constitue une avancée majeure, mais elle ne résout pas tous les obstacles. Les frais d’examens complémentaires continuent de peser lourdement sur les patients chroniques.
La majore plaide pour que l’État aille plus loin, en réduisant, voire en supprimant, ces charges annexes. « Chaque fin de mois, les patients doivent faire le bilan de ce qu’ils peuvent se permettre. Cela reste une lourde charge. Nous espérons que l’État pourra également s’attaquer à cet aspect », insiste-t-elle.

Dans le même centre, le service de Scanner et d’IRM connaît depuis l’entrée en vigueur des nouveaux tarifs une fréquentation record. Le Professeur Nina Astrid Ouédraogo, chef du département de Radiologie et d’Imagerie Médicale à l’Hôpital Universitaire Yalgado Ouédraogo, constate une progression nette des examens.
Un an après la réforme, le nombre de scanners réalisés a augmenté de 38 %. Ces chiffres témoignent de l’attente et de la nécessité d’une telle réduction des coûts pour les patients.
« C’est un vrai soulagement pour nous »
Poursuivant notre reportage, nous prenons la route de Bobo-Dioulasso, capitale économique du Burkina Faso. Sous le soleil matinal du jeudi 24 juillet 2025, nous atteignons le Centre hospitalier universitaire Sourou Sanou (CHUSS).
Plus grande structure sanitaire de la ville, le CHUSS attire une population venue bien au-delà de la région du Guiriko. Saturé en permanence, il constitue un terrain idéal pour évaluer l’impact concret des baisses de tarifs.
Au milieu de la foule, Élie Ouattara retient notre attention. Les mains chargées de produits médicaux, son visage rayonne de soulagement : il profite pleinement des mesures gouvernementales.
« Je suis venu acheter des compresses et quelques produits, mais les prix sont vraiment abordables. C’est un vrai soulagement pour nous », confie Élie Ouattara, un large sourire aux lèvres.
Ce bénéfice ne se limite pas aux examens coûteux. Il réduit également les dépenses quotidiennes et imprévues, transformant l’expérience hospitalière pour les patients comme pour leurs accompagnants.
Notre reportage se poursuit au service de dialyse. L’atmosphère y est immédiatement perceptible : silencieuse, tendue, comme suspendue entre l’attente et l’espoir. Les patients, reliés aux ronronnements réguliers des machines, restent immobiles pendant plusieurs heures.

Pour supporter ce temps étiré, chacun cherche une échappatoire : écouteurs dans les oreilles, télévisions allumées ou smartphones consultés deviennent autant de remparts contre l’anxiété.
Le Dr Hamidou Sawadogo, néphrologue au CHU Sourou Sanou, confirme l’application effective des nouvelles mesures gouvernementales. Il tempère toutefois leur impact sur la capacité d’accueil. Sur les 125 hémodialysés chroniques suivis dans ce service, la majorité étaient déjà en traitement avant la réforme.
« La majorité des patients étaient déjà suivis avant la réforme. Depuis l’entrée en vigueur de la gratuité, nous n’avons intégré que 17 nouveaux hémodialysés », précise le Dr Hamidou Sawadogo.
Le néphrologue déplore toutefois que de nombreux cas aigus nécessitant une dialyse ne puissent être pris en charge par manque de places. Il pointe les limites structurelles qui freinent l’extension des soins et plaide pour un élargissement immédiat du centre, le recrutement urgent de personnel qualifié et l’équipement supplémentaire des salles de dialyse.

Dans la salle, notre attention se porte sur Dame Sanou, née Traoré Salimata, allongée sur son lit de dialyse, observant attentivement le fonctionnement des machines. Atteinte d’insuffisance rénale depuis 2018, elle n’a pu débuter son traitement que deux ans plus tard, retard lié au coût. La caution initiale de 500 000 FCFA constituait un obstacle majeur, qu’elle a dû surmonter grâce à l’aide de ses proches.
Aujourd’hui, voyant la contrainte financière levée grâce à la réforme, Dame Sanou salue l’action des autorités. Pour elle, cette mesure symbolise la reconnaissance de la dignité des patients confrontés à une maladie chronique.
Au centre de la salle, là où l’espoir de guérison anime chaque geste, nous rencontrons Youl Sié. Atteint d’insuffisance rénale depuis 2021 suite à une hypertension chronique, il suit régulièrement des séances de dialyse.
Le témoignage de Dame Sanou sur la suppression de la caution de dialyse au Burkina Faso, à lire dans la vidéo ci dessous 👇👇
Monsieur Sié se réjouit de la suppression de la caution, même s’il n’en bénéficie pas directement, déjà engagé dans un traitement. Il plaide pour la décentralisation des centres de dialyse afin de rendre ces soins accessibles localement. « Nous souhaitons que les centres soient multipliés et proches de chaque communauté. Si chaque patient pouvait se soigner dans sa localité, ce serait un immense soulagement », explique-t-il.
Il met également en lumière l’impact social du déplacement forcé. « En étant malades, nous devons nous déplacer loin alors que nous sommes les piliers de nos familles. Cela complique l’éducation des enfants et leur suivi », déplore-t-il, rappelant que la santé est aussi une question de cohésion sociale et familiale.
Pour le moins que l’on puisse dire, « petit à petit, l’oiseau fait son nid ». Au Burkina Faso, cette maxime prend tout son sens dans le secteur de la santé. Les efforts des autorités pour garantir un accès minimal aux soins commencent à porter leurs fruits.

C’est vrai ! La réforme ne résout pas tout. Les machines manquent, les listes d’attente demeurent longues, et l’accès aux soins spécialisés reste inégal. Mais, pour ceux qui franchissent aujourd’hui les portes des hôpitaux publics sans craindre la facture, le soulagement est immense.
Dans le pays des Hommes intègres, la santé n’est plus un luxe. Elle devient un droit, un petit pas à la fois, vers une nation où soigner ne sera plus jamais un privilège…
Et pour tout arranger, le Capitaine Ibrahim TRAORÉ vient d’inaugurer le Centre hospitalier universitaire de Pala et son Centre de radiothérapie, tandis que 9 autres CHU de haut standing sont annoncés.
Portfolio 👇👇
Sié Frédéric KAMBOU
Burkina 24










